La dette publique du Maroc atteint 61% du PIB prévu pour 2010, elle est constituée à 77,5% de dette intérieure. Le Maroc est-il trop endetté ? Ces dernières semaines, à l'occasion du débat autour de la Loi de finances, la question a été soulevée au Parlement et certaines formations d'opposition en ont fait leurs choux gras, ce que la presse a relayé. Objet de la contestation récente : le prêt d'un milliard d'euros levé par le Maroc sur le marché international au cours de l'été dernier. Peu, correctement ou très endetté le Maroc ? Quel risque pour les finances publiques ? Les chiffres, régulièrement publiés par la direction du Trésor du ministère des Finances, permettent de donner un éclairage sur la situation de l'endettement du pays. Dans l'absolu, le niveau d'endettement d'un pays ne veut pas dire grand-chose. Il s'apprécie par rapport à la richesse créée qui permet de rembourser les sommes empruntées. On compare donc la dette par rapport au produit intérieur brut (PIB). La «norme» universellement admise, et particulièrement en Europe à travers les critères de Maastricht, destinés à stabiliser les finances de la zone euro, est que le rapport de la dette publique au PIB ne devrait pas dépasser 60%. Qu'en est-il de la situation du Maroc ? A fin septembre 2010 -dernières statistiques disponibles-, la dette du Trésor, celle contractée par l'administration, s'élevait à 373,35 milliards de DH, en hausse de 8,16% par rapport à fin décembre 2009. Si l'on retient comme hypothèse que la croissance en 2010 serait de 3,5% et l'inflation de 1%, la dette du Trésor ressortirait à 48,5% du PIB. C'est un niveau assez confortable qui offre des marges de manœuvres importantes. Deux facteurs principaux ont permis d'obtenir ce résultat. D'une part, une croissance soutenue du PIB courant qui est de 7% en moyenne annuelle depuis 2000, et, d'autre part, une gestion active de la dette extérieure (rachat de la dette onéreuse, reconversion de la dette en investissement, privilège accordé aux maturités moyennes et longues…). 97% des emprunts à l'intérieur constitués par des bons du Trésor à 5 ans en moyenne La dette du Trésor est contractée à hauteur de 77,55% sur le marché domestique, ce qui représente un encours de 289,527 milliards de DH, en augmentation de 8,66% par rapport à fin 2009. Le reste est constitué de la dette extérieure (du même Trésor), avec un stock de 83,821 milliards de DH (+ 6,45%). Autrement dit, la dette en devises étrangères contractée par le Trésor constitue moins de 11% du PIB. Le Trésor emprunte sur le marché intérieur au moyen des adjudications (émission de bons du Trésor), dont la part est de l'ordre de 97%. Grosso modo, cette dette est détenue pour 70% par les institutionnels (assurances, caisses de retraite…) et pour 30 % par le système bancaire. Et afin de réduire les risques de refinancement, le Trésor est revenu en mai 2010 sur les maturités longues (plus de 10 ans), après une absence de trois ans ; si bien qu'aujourd'hui 76,8% de l'encours de la dette intérieure est de maturité moyenne et longue (supérieure à un an). La durée de vie moyenne de cette dette est, elle, légèrement supérieure à 5 ans, et son coût moyen est de l'ordre de 5%. Globalement, le ratio des charges en intérêts par rapport aux recettes ordinaires de l'Etat est en baisse continue depuis 2002, passant de 15,53% à cette date à 8,54% en 2009. La dette extérieure du Trésor, elle, est à 100% de maturité longue et moyenne. Elle est détenue pour 55% par des créanciers multilatéraux que sont les institutions financières internationales, pour 38% par des créanciers bilatéraux, pour 25% par l'Union européenne. Sa structure en devises épouse les relations commerciales et économiques du pays, puisque la part de la dette libellée en euros est de 73%, contre 13,2% pour le dollar, 3,6% pour le yen japonais et 10% pour les autres monnaies. Pour se prémunir contre les fluctuations des marchés, le Trésor emprunte pour l'essentiel à des taux fixes (63,6% de la dette) ; le flottant y représentant environ 35%. La durée de vie moyenne de la dette extérieure du Trésor est, là encore, légèrement supérieure à 5 ans. Son coût moyen pour l'année 2009 était de 5,10%, marquant une baisse par rapport à 2008 (5,34%). L'évolution des réserves en devises reste mitigée… Dans le PIB, la dette extérieure du Trésor ne pèse pas vraiment lourd : 10,7%. La question devient tout autre lorsqu'on rapporte le stock de cette dette par rapport au solde de la balance commerciale. Ce solde, on le sait, est en déficit structurel depuis longtemps déjà. A fin décembre 2010, le déficit de la balance commerciale s'établissait à 145,5 milliards de DH, malgré l'amélioration des exportations de 28,8%. Et même en rapportant l'encours de la dette extérieure du Trésor par rapport au solde du compte courant (où sont comptabilisées non seulement les opérations commerciales, mais aussi les services, les revenus et les transferts courants), la situation est quelque peu problématique depuis deux ou trois ans. Car le compte courant, après de longues années d'excédents, est depuis 2008 en déficit : à fin septembre 2010, le déficit s'élevait à 29,5 milliards de DH. Même si le compte de capital et d'opérations financières a enregistré un solde excédentaire de 26,68 milliards de DH, on voit bien qu'il manque dans la balance des paiements près de 3 milliards de DH. Justement, pourrait-on dire : si le Trésor est revenu sur le marché international à l'été 2010, c'est non seulement pour «tester» la signature du Maroc, financer le déficit et les réformes économiques, mais aussi pour apporter de «l'oxygène» à la situation financière du pays, marquée par l'atonie des exportations et la faiblesse de l'épargne longue. Le tout, comme le précise l'économiste et professeur universitaire Larabi Jaïdi (voir avis en page 14), est de «caler» la croissance de la dette extérieure sur celle des recettes en devises afin de ne pas se retrouver «écrasé» sous le poids des remboursements annuels. Dette garantie par l'Etat : 91,7 milliards de DH Tout se tient en fait : si la dette du Trésor a tendance à augmenter en valeur absolue, c'est parce que l'on vote des budgets en déficit ; et ces déficits sont précisément le résultat, d'une part, d'une politique volontariste visant à injecter des fonds pour soutenir la croissance, et, d'autre part, de l'insuffisance des recettes ordinaires, fiscales notamment, pour couvrir les dépenses. Mais en soi, un déficit n'est pas un problème s'il vise à créer de la richesse. On pourrait même dire, dans ce cas, que c'est un investissement. Et à s'en tenir au résultat que donnent à voir les statistiques officielles, on peut considérer que c'est justement grâce à la progression du PIB, donc à la croissance économique, que la dette du gouvernement, même en hausse en valeur absolue, a baissé en proportion de la richesse. Il faut néanmoins se résoudre à modifier quelque peu la présentation des choses. Aujourd'hui, on ne parle, pour en dire du bien, que du ratio dette du Trésor sur PIB. Or, en plus de la dette du gouvernement, il y a aussi la dette garantie. Celle-ci est certes contractée principalement par les établissements et entreprises publiques et, de façon marginale, par les collectivités locales, mais, comme son non l'indique, elle est garantie par l'Etat. Autrement dit, si le débiteur fait défaut, c'est le Trésor, donc l'Etat, qui paie. A fin septembre 2010, la dette extérieure garantie s'élevait à 78,86 milliards de DH, soit presque autant que celle du Trésor. Ce faisant, la dette extérieure publique (celle du Trésor et celle garantie) monte à 162,68 milliards de DH. Elle représenterait 21,15 % du PIB de 2010 contre 20,7 % en 2009. A cela, il faut ajouter, on en parle rarement, la dette intérieure garantie (celle des établissements publics, toujours), dont le montant s'élevait au troisième trimestre de 2010 à 12,8 milliards de DH. Ainsi, la dette garantie (extérieure et intérieure) ressort à 91,66 milliards DH. Au total, la dette publique (intérieure et extérieure, celle du Trésor comme celle garantie) atteint, à fin septembre 2009, la coquette somme de 465 milliards de DH. Rapportée au PIB supposé de 2010, le ratio s'établirait à 60,8 %. On atteint certes la limite, mais au regard du PIB de l'année 2010 seulement. La croissance du PIB prévue pour l'année en cours étant de 5%, le potentiel de dette supplémentaire pour rester dans un ratio dette publique/PIB de 60% serait de… 19,5 milliards de DH soit 1,7 milliard d'euros si cette dernière devait être contractée entièrement à l'étranger. A lire aussi : Les vérités sur la dette du Maroc : Avis de Larbi JAIDI, Professeur universitaire. Les vérités sur la dette du Maroc : Avis de Adil DOUIRI, Président de l'Alliance des économistes istiqlaliens. Les vérités sur la dette du Maroc : Avis de Abderrahmane Ouali, Professeur d'économie.