Pour Layla Sentissi, directrice exécutive de la Fédération marocaine de l'industrie et l'innovation pharmaceutique, la suppression de la TVA, prévue dans le PLF 2024, aura un impact négatif sur l'industrialisation du secteur et compromettrait la souveraineté thérapeutique du Maroc... Suivez La Vie éco sur Telegram Une mesure jugée «défavorable» à l'industrialisation du secteur pharmaceutique. C'est ce que pensent les industriels du médicament de l'exonération de la Taxe sur la valeur ajoutée, prévue dans le projet de Loi de finances 2024, pour tous les médicaments à l'intérieur et à l'importation, les matières premières ainsi que les emballages non récupérables. Il importe de souligner qu'actuellement sont exonérés de la TVA, à l'intérieur avec droit de déduction et à l'importation, les médicaments anticancéreux, les antiviraux des hépatites B et C, les traitements du diabète, de l'asthme, des maladies cardiovasculaires, du SIDA, de la méningite, les vaccins, les médicaments pour la fertilité, la sclérose en plaques ainsi que tous les médicaments dont le prix fabricant hors taxe est supérieur à 588 dirhams. Pour le reste des produits pharmaceutiques, notamment les matières premières, les intrants et les produits d'emballages non récupérables, ils sont taxés à 20% à l'intérieur et à l'importation. Il faut souligner aussi que cette mesure sociale s'inscrit dans la loi-cadre portant réforme fiscale et visant l'exonération des produits de base de large consommation et également prévue pour accompagner la généralisation de l'AMO afin de permettre un accès aux soins et aux médicaments et sa mise en place, avance Layla Sentissi, directrice exécutive de la Fédération marocaine de l'industrie et de l'innovation pharmaceutiques (FMIIP). Mais, estime la même source, elle «n'a pas été étudiée de manière approfondie, ni son impact sur les investissements, l'industrialisation, et tous les aspects en relation avec l'activité et l'exploitation industrielle du secteur pharmaceutique». L'exonération encouragerait l'importation Poussant plus loin la réflexion, la FMIIP estime «qu'en réalité, ce n'est pas la suppression de la TVA qui aura un impact sur le secteur, mais plutôt la non-déductibilité au niveau de l'industrie pharmaceutique de la TVA sur les achats d'intrants non chimiques, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas excipients, les prestations, l'énergie, la maintenance et autres». Il est à noter que les intrants non chimiques, les prestations de maintenance, de contrôle de qualité effectué par des experts internationaux, le coût de l'énergie, le leasing, les frais bancaires et la maintenance sont soumis à une TVA de 20%. Par ailleurs, les professionnels contestent également le passage à 0% de TVA pour les produits-conseils ou ce qu'on appelle les «Over The Counter», vendus sans ordonnance et non remboursables. «Vendus à des prix réglementés et très bas, leur exonération va réduire la marge et les bénéfices des laboratoires qui vont payer moins au niveau de l'IS. Ce qui va réduire les recettes fiscales de l'Etat», affirme notre interlocutrice. Inutile de préciser que le débat autour du projet de Loi de finances de l'exercice 2024 démarre bientôt à la première Chambre. Les associations professionnelles, et cela vaut pour tous les secteurs économiques, nous ont habitués à des sorties publiques pour défendre leurs intérêts, surtout lorsqu'il s'agit de grandes décisions de ce genre. Cela est d'autant plus vrai que la suppression de la TVA sur les médicaments a souvent été réclamée au Maroc, mais les industriels estiment qu'il faut, en parallèle, mettre en place un système de déductibilité pour encourager les industriels à continuer à investir. Pour la Fédération professionnelle, «si ces derniers ne peuvent plus récupérer de TVA, cela aura forcément un impact sur leurs marges, leur compétitivité et, in fine, leur investissement, ce qui pourrait entrainer la perte de la souveraineté dans le secteur de l'industrie pharmaceutique». En gros, les laboratoires craignent un désengagement des investisseurs dans l'industrie pharmaceutique, et «une perte de compétitivité aussi bien pour les produits au Maroc qu'à l'export, parce que les marges vont être bien réduites, d'autant plus qu'on ne peut pas impacter cette différence sur le prix final, qui est réglementé par le gouvernement». Ils estiment également que cette mesure pousserait les fabricants de médicaments à importer plutôt que de développer la production locale.