A partir de 2012, les cotisations du régime de pensions civiles ne pourront plus couvrir le montant des pensions et les réserves seront entamées. En 2020, la faillite menace. Age de départ à la retraite, taux de cotisation et salaire de référence : les trois paramètres sur lesquels il faudra agir, des propositions ont été soumise à l'Etat. L'objectif est de repousser le déficit de 10 ans. S'il est un organisme de retraite qui est aujourd'hui sérieusement menacé c'est bien celui de la Caisse marocaine des retraites (CMR). Alors que les discussions sont en cours à propos de la réforme globale des régime de retraites et que la commission nationale devrait prendre encore quelques mois pour statuer sur le schéma relatif au nouveau système, sur la base des propositions du comité technique, la situation de la CMR, elle s'aggrave de jour en jour. «La caisse nécessite un rééquilibrage paramétrique qui ne peut attendre la réforme globale. Quelque soit le schéma qu'adoptera la commission nationale, la mise en place des ces résolutions nécessitera plusieurs années. De plus, il reste capital qu'à cette date la situation actuarielle de la CMR, et notamment le régime des pensions civiles, ne soit pas catastrophique», déclare, avec un brin d'inquiètude, Mohamed El Alaoui El Abdallaoui, nommé DG de la caisse en juin dernier. Une crainte qui s'explique par les chiffres de ce régime de retraite qui compte 864 000 affiliés, entre fonctionnaires civils, militaires et personnel des collectivités locales et qui sert actuellement des pensions à près de 300 000 retraités et ayants droit. Dès la fin 2011, la différence entre ce que rapportent les cotisations annuelles des actifs et ce qui est servi en pensions de retraite deviendra négative. La caisse entamera, dans un premier temps, les revenus générés par les réserves constituées jusque-là, avant de commencé à puiser dans ces dernières (elles sont actuellement de 68 milliards de DH). «Une fois les réserves entamées, il suffira, si rien n'est fait, de 7 ans, pour que la CMR se trouve dans l'incapacité d'honorer ses engagements vis-à-vis de ses bénéficiaires. Chaque année qui passera verra ce déséquilibre actuariel s'accentuer de 16 milliards de DH supplémentaires en moyenne. Le temps est un facteur essentiel», détaille M. Alaoui. Il faut dire que la caisse qui présente un rapport de trois cotisants actifs pour un pensionné est victime à la fois de la générosité de son système puisque le taux de remplacement du salaire, une fois à la retraite, est en moyenne de 85% (la pension moyenne principale est de 4 700 DH/ mois pour le stock des retraités et de 6 400 DH/mois pour les nouveaux flux des retraités), mais aussi d'un horizon limité d'élargissement de sa base de cotisants. L'équilibre de cette base est dû à la décision de l'Etat de stabiliser le nombre du personnel de la fonction publique. Les pensionnés vivent en moyenne 16 ans après le départ en retraite Il faut donc procéder à une réforme paramétrique du régime pour éviter la faillite d'ici 10 ans. Des scénarios, établis par les équipes de la CMR, avaient été validés, en mai 2010, par le conseil d'administration et soumises au gouvernement. Les discussions sont en cours avec les pouvoirs publics afin de pouvoir trancher avant la fin de l'année, sachant que la réforme paramétrique est aussi une mise à niveau du régime de la CMR à la veille de la réforme nationale des retraites que le gouvernement doit entamer dès 2011. On ne dispose pas encore des détails des scénarios retenus pour la réforme, puisque cette dernière devra faire l'objet d'un consensus entre l'Etat et les syndicats, mais, dans tous les cas, les réaménagements porteront sur trois indicateurs notamment l'âge de départ à la retraite, le taux de cotisation et la base de calcul des pensions. L'âge de la retraite est l'indicateur qui a le plus de poids dans la situation financière du régime. En effet, plus ce départ est retardé, plus la manne des cotisations sera élevée et, a contrario, moins le montant des pensions versées sera important. «Et cela d'autant plus que l'espérance de vie ne cesse de gagner des points», justifie M. Alaoui. Et d'ajouter qu'«elle est aujourd'hui de 72 ans à la naissance et de 76 ans à l'âge de 60 ans, pour la personnel affilié à la CMR». Un taux de cotisation de 54%, si l'on ne devait changer que ce paramètre-là D'après le texte régissant le régime des pensions civiles, l'âge de départ à la retraite est fixé à 60 ans, excepté les enseignants du supérieur (65 ans) ou les magistrats (62 et optionnelle jusqu'à 66 ans). Retarder par exemple la retraite de 5 ans permettrait de donner un nouveau souffle au régime. On n'en est pas encore là, puisque le relèvement de l'âge sera combiné aux autres mesures. Et même, «il pourra s'agir d'un relèvement en une seule phase, tout comme le relèvement peut être progressif», temporise M. El Alaoui. Il faut signaler que le relèvement de l'âge de départ à la retraite était prévu depuis longtemps par le gouvernement dans le cadre de la réforme nationale des systèmes de retraites. L'ex-Premier ministre, Driss Jettou, avait, en 2006 déjà, proposé de le porter à 65 ans aussi bien pour les salariés du secteur privé que pour les fonctionnaires. Une proposition qui s'était heurtée au refus des syndicats. Deuxième facteur sur lequel la CMR entend jouer, le taux de cotisation. Actuellement, il tourne autour de 20% du salaire brut et il devra certainement augmenter de manière sensible. «Si l'on ne devait changer que ce paramètre, sans toucher aux autres (âge de retraite, salaire de référence), il faudrait aujourd'hui que le taux de cotisation passe à 54% pour sauvegarder l'équilibre du régime. Si on avait agi en 2003, un taux de 30% aurait été suffisant», se désole M. El Alaoui. C'est dire si tout retard rend les mesures à prendre douloureuses et c'est ce que veut éviter le DG de la caisse qui milite pour une réforme rapide d'ici la fin de l'année. Enfin, la troisième voie est d'agir sur le salaire servant de base au calcul de la pension. Actuellement, le régime prend en compte le dernier salaire perçu par le retraité. L'objectif est de s'aligner sur la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) qui retient quant à elle la moyenne des salaires mensuels perçus au cours des huit dernières années. Mais, là encore, il ne s'agit que d'options, car les variations toucheront, en principe, aussi bien le salaire de référence que l'âge de départ à la retraite ou encore le taux de cotisation et c'est ce qui explique qu'il y a plusieurs scénarios, dont, peut-être, ceux combinant le changement de deux paramètres sur trois seulement. Dans tous les cas, toutes les simulations convergent vers un objectif unique : repousser le déficit de la caisse de 10 ans. Pour finir, M. Alaoui tient à se montrer rassurant : «Il ne s'agit pas de réduire la générosité du régime mais d'en préserver l'équilibre au moyen de réaménagements judicieux». Le temps presse.