Dans son rapport sur la Caisse marocaine des retraites (CMR), la Cour des comptes commence par le constat de la grande fragilité financière de l'organisme : « Le régime connait une situation financière fragile, qui s'est concrétisée en 2014 par un déficit technique de 936 millions de DH. En 2015, le déficit a atteint 2,68 milliards de DH (MMDH), et à fin 2016, il a été de 4,76 MM DH ». Voilà pour le début. Il faut donc passer à une réforme structurelle, pour prolonger la réforme paramétrique de 2016. La Cour des comptes constate une grande générosité du régime de retraite. Ainsi, pour toute année de cotisation, avant la réforme de 2016, la CMR offrait une annuité de 2,5% du dernier salaire servi. Les études actuarielles menées par la commission technique de réforme des retraites ont montré que pour chaque dirham de cotisation reçu, le régime promet des droits de 1,91 DH. En 2016, suite à la réforme, ce taux d'annuité a été ramené à 2%. Or, dans les régimes de retraite, à travers le monde, la liquidation des pensions se fait généralement sur la base du salaire moyen ayant servi de base de calcul des cotisations au cours d'une période suffisamment longue. Et, dans certains pays, c'est le salaire moyen de toute la carrière qui est retenu comme base de calcul des pensions. Cela permet d'observer une certaine adéquation entre les cotisations payées et les pensions servies. Mais le nombre de retraités augmente plus vite que celui des affiliés. Ainsi, le rapport démographique est passé de 12 actifs pour un retraité en 1986, à 6 en 2000 et à 2,23 en 2016. Il devrait atteindre 1,74 en 2024. Alors, comme on le sait, le gouvernement Benkirane a introduit une vaste réforme, mais une réforme portant uniquement sur les paramètres. La Cour des comptes souligne l'importance de cette réforme paramétrique de 2016, qui aura un impact positif sur la viabilité du régime et permettra de réduire sa dette. En revanche, la Cour insiste sur le fait qu'au regard de l'ampleur des dysfonctionnements que connait le régime et leur caractère structurel, l'impact de ces réformes ne pourra être que de court terme. Le déséquilibre du régime persistera tant qu'il n'aura pas connu un processus de réforme en profondeur. Alors, voici le constat dressé par l'organisme présidé par Driss Jettou : A fin 2016, la situation du régime des pensions civiles se présente comme suit (données prévisionnelles dans certains cas) : 1/Actifs cotisants : 649.023 ; 2/ Nombre de pensions : 335.372 ; 3/ Rapport démographique : 2,23 ; 4/ Ressources : 16,51 MM DH ; 5/ Prestations : 21,27 MM DH ; 6/ Déficit technique : 4,76 MM DH ; 7/ Taux de couverture : 77,62% ; 8/ Réserves : 82,65 MMDH La Cour des comptes émet en conséquence une série de recommandations. Pour pouvoir assurer la viabilité du régime des pensions civiles, elle réitère la nécessité d'engager une réforme profonde poursuivant les objectifs stratégiques suivants : 1/ S'orienter vers la création d'un pôle public, de manière à asseoir une convergence vers un régime public viable et pérenne ; 2/ Unifier les règles de liquidation des pensions dans l'ensemble du secteur public ; 3/ S'orienter vers une tarification des prestations prenant compte de l'évolution démographique, sociale et économique que connait le pays ; 4/ Opter pour un taux de remplacement raisonnable avec un traitement approprié au profit des populations à faible revenu ; 5/ Opter pour le service des pensions à l'âge légal de départ à la retraite ; 6/ S'acheminer vers un système de retraite plafonné avec l'introduction, autant que possible, d'une part de capitalisation afin que le poids de la retraite ne soit pas entièrement porté par les générations futures. Les actifs titulaires de hauts salaires pourraient souscrire à des compléments de couverture retraite sous forme de capital ou de rente viagère dont les montants dépendent de leur capacité contributive et leur volonté d'épargne ; 7/ Instituer des mécanismes de pilotage adaptés en vue de remédier aux sources du déséquilibre de manière appropriée et en temps opportun.