L'institution a publié, ce jeudi, un avis relatif à l'état de la concurrence dans le marché des assurances au Maroc. Le constat est sans appel : ce marché est caractérisé par une série de «dysfonctionnements» qui affectent sa performance et son développement. Le Conseil de la concurrence (CC) s'est saisi d'office pour donner un avis sur la concurrence dans le marché de l'assurance. L'institution présidée par Ahmed Rahhou s'est ainsi proposée de réaliser, à travers cette saisine, un diagnostic détaillé de l'état du fonctionnement concurrentiel du marché de l'assurance. Pour ce faire, il a été procédé à l'examen de trois principaux axes : le marché du point de vue réglementaire, le marché sous l'angle de la concentration et le cadre de régulation. Les résultats de cet examen ont été restitués dans un document de 95 pages, mis en ligne ce jeudi. Le constat est sans appel : le marché de l'assurance au Maroc est caractérisé par une série de «dysfonctionnements» qui affectent la concurrence. Barrières à l'entrée Le Conseil cite en premier les barrières à l'entrée relativement élevées verrouillant l'accès au marché de l'assurance. Il cite, entre autres, les exigences légales pour l'obtention de l'agrément permettant la pratique des opérations d'assurances et de réassurance (50 millions de dirhams de capital social pour les sociétés d'assurance et 50 millions de dirhams de fonds d'établissement et un nombre minimum de 10.000 sociétaires pour les sociétés d'assurances mutuelles). Ces exigences constituent des barrières à l'entrée au marché, notamment pour les petites et moyennes entreprises. Dans le même ordre d'idées, l'avis du Conseil pointe du doigt le système actuel d'agrément des intermédiaires d'assurances, qui présente plusieurs insuffisances et constitue un frein à l'accès direct des candidats au marché. Selon le CC, le cadre actuel prive également le marché national de l'investissement étranger et du savoir-faire qu'il pourrait apporter. Une offre assurantielle limitée Le Conseil de la concurrence épingle également l'offre assurantielle disponible, qu'il juge «limitée, peu innovante, avec un niveau de concentration très élevé des opérateurs». Il estime ainsi que cette offre assurantielle au Maroc concerne essentiellement les produits classiques, et la demande de certaines catégories par certaines populations est peu satisfaite, notamment en termes de produits d'assurance inclusifs ou innovants. En outre, toujours selon le CC, l'analyse de l'offre des opérateurs d'assurances marocains a démontré également «le manque d'innovation en termes de produits, des modalités pratiques de vente et de gestion». Ces insuffisances concernent notamment la souscription en ligne de bout en bout à un contrat d'assurance, la dématérialisation des attestations d'assurance ainsi que la création et le développement de nouveaux produits d'assurance répondant à de nouveaux besoins. «Ces insuffisances privent le consommateur d'un potentiel important en matière de simplification des procédures de souscription et d'exécution des contrats d'assurance et de développement de nouveaux produits répondant à des besoins spécifiques», déplore le Conseil. En outre, le CC affirme que la non ouverture de l'assurance non vie au secteur bancaire est un frein au développement du secteur des assurances. Un marché très concentré Au niveau global, le marché marocain de l'assurance est très concentré, avec les trois premières entreprises d'assurance qui concentrent 46% de la production globale du secteur, les 4 premières près de 57,20% et les 6 premières près de 80%. S'agissant de certaines branches, la concentration est plus importante, fait remarquer le Conseil. C'est le cas de l'assurance vie, où 70% du marché est assuré par les 3 premières compagnies. Pour ce qui est de la RC automobile, le Conseil l'a considère comme non concurrentielle. «Les auditions tenues dans le cadre de la présente saisine et les données communiquées par les acteurs, ont permis de constater un niveau identique des tarifs de la RC automobile au niveau du marché, et ce depuis la libéralisation de ce risque. Malgré l'évolution du parc automobile national qui a plus que doublé entre 2002 et 2018, passant de 1,81 million de véhicules à plus de 4,3 millions, toutes catégories confondues. De plus, les critères de calcul de la prime relative à la RC automobile n'ont pas évolué», lit-on dans le rapport. Un consommateur maillon faible de la relation contractuelle Un autre dysfonctionnement relevé par le CC concerne le déséquilibre dans la relation assureur/ assuré, au détriment de ce dernier. «Les contrats d'assurance sont rédigés d'une manière très complexe laissant le consommateur, même le plus averti, perplexe quant aux vrais droits et exclusions découlant du contrat signé». Cette position dont bénéficie l'assureur est due essentiellement «à son pouvoir économique», estime le Conseil, et ce malgré l'intervention du législateur pour garantir la transparence des conditions de contrat et protéger l'assuré. Dans le même sillage, le Conseil pointe du doigt le «processus lourd de traitement des dossiers sinistres», et la valeur ajoutée «insignifiante», de la médiation assurantielle. Des recommandations Il est à noter qu'à partir de ce diagnostic, le Conseil de la concurrence a formulé une série de recommandations, en vue de développer le marché de l'assurance en le rendant plus transparent et plus attractif et cela dans différents registres : modifications ou changements du cadre réglementaire, amélioration de la régulation, prix pratiqués plus compétitifs, informations des consommateurs plus accessibles, système dynamique de conformité par rapports aux droits de la concurrence et de la consommation, communication au profit des tiers.