Avec la constitutionnalisation du Conseil de la concurrence et ses nouvelles prérogatives, la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance a sollicité son avis au sujet de la «concurrence déloyale» pratiquée par les banques en matière de présentation des opérations d'assurance. La FNACAM n'ayant pas pu apporter de preuves tangibles pour convaincre, le Conseil a recommandé au Chef de gouvernement de mener une enquête en la matière. A l'occasion de chaque Assemblée générale, la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance attire l'attention sur la concurrence déloyale que pratiquent les établissements bancaires. Elle l'a dénoncée via la presse, organisé des meetings, sensibilisé officiellement la Direction des assurances et de la prévoyance sociale sur ce qu'elle considère comme étant les subterfuges utilisés par les banques pour que les clients souscrivent des contrats d'assurance auprès des compagnies dont elles sont actionnaires. «Une concurrence, qui porte énormément atteinte au secteur dans la mesure où si rien n'est fait, risque de se traduire par des faillites en succession au sein de la profession», explique H. M. Berrada, président de la FNACAM. Joignant l'acte à la parole, le 29 novembre 2010, la Fédération avait envoyé une lettre demandant l'avis du Conseil au sujet de la concurrence pratiquée par les banques en matière de commercialisation de certains produits d'assurance. A ce sujet, la FNACAM affirme que les banques pratiquent les ventes liées vis-à-vis de leurs clients, à l'occasion de l'octroi de crédit en les obligeant à souscrire les contrats d'assurance vie commercialisés par la banque elle-même. La méthode est discriminatoire parce que si pour les agents et courtiers, les agréments obtenus ne peuvent être exploités qu'au niveau d'un seul point de vente, les établissements bancaires ont cette opportunité d'utiliser l'ensemble du réseau. Des pratiques anticoncurrentielles Concernant l'assurance dommage, la FNACAM assure, à cet effet, que si la législation bancaire ne permet pas aux établissements bancaires de procéder à la présentation des opérations d'assurance dommage, ces derniers ont contourné la loi en créant des cabinets de courtage. Une réalité que déplore la Fédération en qualifiant ces points de vente de «cabinets captifs». Et pour mettre fin à cette situation, la FNACAM demande l'abrogation du troisième paragraphe de l'article 289 du code des assurances, permettant aux établissements bancaires de souscrire pour le compte de leur clientèle des contrats d'assurance dommage. Après ce bref aperçu, il est important de savoir comment le Conseil de la concurrence qualifie l'objet de la saisine. En ce qui concerne les ventes liées, la partie saisissante est appelée à produire des éléments suffisamment probants conformément aux dispositions de l'article 27 de la loi 06-99. Pour ce qui est de l'utilisation par les banques de tout leur réseau d'agences, en vue de la présentation des produits d'assurance vie, le Conseil de la concurrence mentionne que les banques disposent de cette possibilité en vertu d'une autorisation délivrée par la Direction des assurances et de la prévoyance sociale, conformément à la réglementation en vigueur. Aussi, pour ce qui est de la possibilité d'ouvrir des «cabinets captifs», est-il mentionné que le code des assurances ne prévoit aucune disposition à cet égard. Et, concernant la souscription des contrats du groupe, elles l'exercent en vertu de l'article 289 du code des assurances qui leur donne ce droit. Selon le Conseil de la concurrence, ces griefs ne peuvent être qualifiés de pratiques anticoncurrentielles, puisqu'ils émanent, soit du dispositif législatif et réglementaire en vigueur, soit d'un vide juridique. Le Conseil tire les choses au clair Dans son analyse, le CC est resté conforme à la classification établie dans le cadre du code des assurances. Le marché considéré dans le cadre de cette demande d'avis concerne deux produits, à savoir l'assurance vie capitalisation et l'assurance non vie, qui revêtent tous les deux une dimension géographique nationale puisqu'ils sont commercialisés sur tout le territoire par tous les opérateurs du secteur. L'établissement d'un bilan concurrentiel est nécessaire afin de déterminer l'impact de l'autorisation des banques à présenter des produits d'assurance sur la concurrence du secteur. L'analyse de l'évolution de l'assurance vie par circuit de distribution montre que le développement de l'assurance vie est essentiellement dû à l'intervention des banques dans cette catégorie dont l'activité est passée de 1,3 Md DH en 2004 à 4,5 Mds DH en 2008 avant de passer à 4,1 Mds de DH en 2010, soit un taux d'évolution moyen annuel de 22,7%. Quant au volume d'activité des agents et courtiers d'assurance dans le segment assurance vie et capitalisation, il n'a évolué que de 1,2% en moyenne annuelle entre 2004 et 2010. En ce qui concerne les cabinets captifs des banques, ils ont connu une évolution soutenue de 20,8% en moyenne annuelle entre 2007 et 2010. Ils constituent de ce fait 14,6% dans le total de l'activité assurance en 2010. S'agissant de la structure du marché de l'assurance non vie, elle n'a pas connu une grande transformation. La part des banques est restée quasi stable entre 2004 et 2010, variant entre 2,7% et 3,2%. La part des cabinets captifs, quant à elle, est passée de 1,6% en 2007 à 3% en 2009 avant de baisser à 2,1% en 2010. La part des agents et courtiers d'assurance a connu une légère baisse en passant de 97,1% en 2004 à 94,2 % en 2009, avant d'enregistrer un taux de 95,2% en 2010 du fait que leur activité a progressé de 8,2% en 2010. Alors que les banques n'ont réussi à réaliser qu'un taux de croissance de 3%. Durant la même année, l'activité de l'assurance dommage des cabinets captifs a connu une baisse importante de l'ordre de 24,8%. En conclusion, l'analyse concurrentielle a permis de constater qu'aussi bien les agents et courtiers d'assurance que les banques ont profité de cette tendance pour améliorer leurs chiffres d'affaires. Au vu de ce qui précède, des conclusions importantes peuvent être révélées. La première, c'est que les cabinets et agents d'assurance n'ont pas pu produire d'éléments de preuve suffisants pour étayer leur dire. La seconde, c'est qu'en l'état actuel de la législation, le Conseil ne dispose pas encore d'un pouvoir d'enquête. Il n'est donc pas en mesure de confirmer ou d'infirmer de façon catégorique, malgré l'existence de certains indices, les affirmations de la FNACAM. Il recommande par conséquent au Chef de gouvernement de mener une enquête en la matière. Cela n'empêche pas de dire que le rythme d'évolution des banques était plus rapide que celui des agents. On ne peut pas, pour autant, omettre de signaler que des cas d'abus pratiqués par les banques sont bien réels. L'octroi d'un crédit pour le financement d'une voiture auprès d'une société de financement est souvent lié à la souscription d'un contrat d'assurance auprès de la compagnie relevant du même groupe. Signalons que sous d'autres cieux, le client a à sa disposition une liste des compagnies et donc l'embarras du choix pour souscrire son contrat d'assurance. Affaire à suivre !