Regroupés au sein d'une fédération nationale, les intermédiaires en assurance, agents généraux et courtiers, se mobilisent pour dénoncer l'anarchie qui règne au sein du secteur de l'assurance au Maroc. Ils estiment que les établissements de crédit exercent l'activité de la bancassurance dans l'illégalité la plus totale. Remettre le client au centre des préoccupations des professionnels du secteur de l'assurance au Maroc, tel est le principal objectif que se fixe la Fédération nationale des agents et courtiers en assurance du Maroc (FNACAM). “Il faut désormais percevoir le secteur de l'assurance en tant que marché et avoir comme centre d'intérêt le client” souligne Faraj Mohamed Benwahoud, secrétaire général adjoint de la FNACAM. La principale activité des intermédiaires en assurance, agents généraux des compagnies et courtiers, consiste en la vente de produits d'assurances à des clients : souscrire, placer et gérer une assurance pour le compte d'un client désireux de se préserver des aléas de la vie. A côté, ils conseillent le client en lui proposant les couvertures adéquates à un prix intéressant et en l'orientant dans ses choix. L'objectif final étant deprotéger son patrimoine. Caractéristiques d'un métier Dans l'activité de l'assurance, le cycle de production est inversé. Il faut vendre d'abord et produire le service à posteriori lorsqu'un sinistre survient. Le client juge ainsi l'intermédiaire sur les services qu'il va lui offrir après la survenance d'un sinistre : l'assistance du client et la rapidité dans le traitement du dossier. “ Ce qui n'est pas le cas des banques qui commercialisent les produits d'assurances” souligne Benwahoud. Et d'ajouter que “ l'exercice de la bancassurance au Maroc est dans l'illégalité la plus totale. Aujourd'hui, il n y a aucun texte qui autorise les établissements de crédit à vendre des produits d'assurance. Il y a même un texte de loi qui interdit aux banques de l'exercer. Nous estimons donc que cette activité est exercée dans l'illégalité ”. Ce partenariat entre les compagnies d'assurances et les établissements bancaires crée une forme de concurrence déloyale à l'encontre des intermédiaires en assurance. “La FNACAM veille à ce que les agents et courtiers ne soient pas lésés par ces alliances. Certains produits, comme l'assurance dommages, doivent être commercialisés exclusivement par les courtiers et agents généraux ” note Benjelloun Ali, Directeur Général de la FNACAM. Ce dernier constate que “ les banques font ce qu'elles veulent mais les pouvoirs publics ne réagissent pas. Il faut qu'ils mettent en place des limites. Si la bancassurance doit fatalement se développer, autant la réglementer, en délimitant le champ d'action des banques dans ces domaines”. Aujourd'hui, les établissements de crédit commercialisent presque tous les produits d'assurances qui existent sur le marché. “Ils agissent dans l'illégalité la plus totale ” affirme Benwahoud. Toutefois, des intermédiaires admettent qu'il y a certains produits d'assurance que les entités bancaires peuvent commercialiser et peuvent même mieux les vendre : des contrats d'assurance-vie, produits d'assurances liés aux crédits, à l'épargne pour le financement des études des enfants et à la retraite complémentaire. Ils ne nécessitent en effet ni technicité ni compétence particulières. Pour les autres produits, comme les assurances multirisques, responsabilité et dommages à titre d'exemple, “les banques ne doivent pas les commercialiser. Elles ne disposent pas, au sein de leurs agences, de conseillers en assurance pouvant orienter les clients vers les produits adéquats” relève M. Benjelloun. Conditions détournées Pour ce qui est de l'exercice de l'activité d'intermédiation en assurance, les membres de la FNACAM soutiennent que les banques pratiquent ce métier avec des conditions autres que celles qui leur sont imposées. En effet, pour exercer l'activité d'intermédiaire en assurance, le prétendant doit être titulaire d'une licence, passer un examen pour obtenir l'agrément et mettre en place une organisation spécifique. “Ce qui n'est pas le cas pour une banque” note Benjelloun. En outre, parce qu'elles sont organisées en réseau et que les intermédiaires en assurance ne sont pas autorisés à le faire, ces derniers se sentent lésés. “ Pourquoi une banque peut étendre son réseau là où elle veut, quand elle le veut, et pas un courtier ou un agent ?” se demande Benwahoud. Il affirme qu'actuellement “on ne peut pas parler de concurrence loyale alors qu'au sein d'un même secteur, en l'occurrence celui de l'intermédiation en assurance, certains peuvent s'organiser en réseau et d'autres non ”. Dans ce même registre, des membres de la FNACAM dénoncent certaines des pratiques des banques qui portent atteinte à la liberté de choix du client. “A titre d'exemple, pour ouvrir un compte bancaire, des banques exigent d'un client la souscription d'une assurance. En plus de demander ces garanties, elles exigent que le client les souscrive auprès de leurs agences. Elles ne lui laissent ainsi aucune liberté quant au choix de la compagnie d'assurances auprès de laquelle il souhaite souscrire ces assurances” indique M. Benwahoud, qui dénonce ces excès occasionnés par un cadre réglementaire devenu caduc. “Il ne faut pas continuer d'évoluer dans un cadre réglementaire qui va à l'encontre des intérêts des consommateurs et de l'ouverture de l'économie nationale”souligne Benjelloun. Par ailleurs, les membres de la fédération avouent que des tensions existent même entre les intermédiaires, qui se livrent à des pratiques peu déontologiques. C'est pourquoi le Conseil de la fédération vient d'adopter un code moral de la profession qui harmonise les pratiques des intermédiaires en assurance. Il normalise les relations entre les intermédiaires, celles qui les lient à leurs clients et aux compagnies d'assurances. Le code permettra d'instaurer une certaine transparence dans le métier et constituera un grand pas vers l'évolution de la profession. C'est aussi le premier pas vers la formation d'un groupe de pression pouvant défendre les intérêts de cette profession qui souffre de beaucoup de maux. A titre d'exemple, le problème des chèques sans provisions. “Un vrai casse-tête” avoue M. Benjelloun, qui souhaite que les instances judiciaires soient plus fermes et beaucoup plus sérieuses qu'elles ne le sont actuellement! Bouchaib El Yafi El Mehdi Allabouch