Il appartient aux pouvoirs publics de s'assurer que les magistrats en fonction Å"uvrent, vivent et jugent dans de bonnes conditions. Or, l'un des critères essentiels chez un bon juge n'est autre que la capacité d'impartialité, laquelle ne saurait exister sans une réelle indépendance. Comme chacun sait, l'administration de la justice est d'abord une affaire d'hommes. Les magistrats en charge de cette noble mission sont donc des êtres humains avant tout et, à ce titre, susceptibles d'être faillibles, incompétents ou corruptibles. Ils peuvent nourrir des ambitions, caresser des rêves, et être en proie au doute, à l'incertitude et à l'angoisse. Ils s'inquiètent pour leur carrière, l'avenir de leurs enfants, et envisagent la retraite avec crainte, notamment en raison de la chute de leurs revenus. Ce sont donc ces hommes qui doivent juger leurs semblables, et tout le monde s'accorde à le reconnaître : un magistrat anxieux, soucieux ou perturbé ne saurait être en même temps calme, pondéré, à l'écoute des problèmes d'autrui. Obsédé par ses propres tourments, il sera enclin à pratiquer une justice expéditive, voire bâclée, au détriment des justiciables, dont le sort lui est confié. Il appartient donc aux pouvoirs publics de s'assurer que les magistrats en fonction œuvrent, vivent et jugent dans de bonnes conditions. Or l'un des critères essentiels chez un bon juge n'est autre que la capacité d'impartialité, laquelle ne saurait exister sans une réelle indépendance. Dans leur infinie sagesse, les théoriciens du droit ont donc inventé la notion de séparation des pouvoirs connue de tous, et consistant à partager l'exercice du pouvoir entre l'exécutif, le législatif et le judiciaire. Seulement voilà, il y a un petit problème qui n'est pas (rassurons-nous) l'apanage de notre seul pays. En pratique, la séparation des pouvoirs demeure un leurre : en effet, le ministère de la justice fait partie (jusqu'à plus ample informé) du pouvoir exécutif. Et parmi ses fonctionnaires, donc dépendants d'une tutelle hiérarchique, se trouvent les magistrats… censés appartenir au pouvoir judiciaire, donc théoriquement totalement indépendants… Les théoriciens du droit ont une réponse toute prête : le corps de la magistrature comprend deux entités. D'un côté, nous avons le parquet (ou magistrature debout), qui défend les intêrets de la société, composé de procureurs (par ailleurs officiers de police judiciaire) directement placés sous le contrôle du ministère, aussi bien administrativement que pour la gestion judiciaire de certains dossiers. D'un autre côté, il y a la magistrature du siège (ou assise), chargée de rendre les jugements qui ne dépend pas du ministère, mais du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), présidé par le Roi. En d'autres termes, si les salaires des juges sont payés par le ministère de la justice, leur carrière, leur suivi professionnel et leur contrôle sont du ressort du CSM qui seul est habilité à juger des magistrats, à décider ou non de les sanctionner ( la sanction peut aller du blâme à la radiation), à opérer les nécessaires transferts et mutations, et à octroyer récompenses et promotions. Les constitutionnalistes pensaient que c'était là des mesures suffisantes pour garantir l'indépendance des juges… Prenons deux exemples pour illustrer tout cela, en France, puis au Maroc. À Paris, la récente affaire «Clearstream» a démontré la totale indépendance des magistrats du siège, qui ont blanchi l'ancien premier ministre Dominique de Villepin des accusations portées contre lui : il fallait oser, puisque la partie civile n'était autre que l'actuel chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, qui en avait fait une affaire personnelle, promettant de pendre les coupables à «un croc de boucher»…, ce qui n'a guère ému les juges parisiens. Au Maroc, la situation est plus complexe, comme en témoignent plusieurs affaires récentes, concernant notamment la presse. Mais pas seulement, puisque se déroule en ce moment le procès du «Projet Hassan II» où sont impliqués des parlementaires, des hommes politiques et plusieurs autres personnes. L'affaire traîne en longueur depuis des années et nul magistrat n'ose en finir une fois pour toutes… en l'absence d'instructions précises ! Imagine-t-on un juge acquitter l'ancien gouverneur d'Ain-Sebâa ou l'ancien maire de Casablanca ? Autant de questions qui permettent de relativiser la notion d'indépendance des magistrats au Maroc, tout en soulignant que c'est l'un des points soulevés par les spécialistes de la Banque Mondiale, dans un rapport sur l'état de la justice dans le Royaume. Il convient aussi de remarquer que seule une réelle autonomie morale des juges permet la mise en place d'un système juridique performant et des institutions judiciaires crédibles et performantes, répondant aux aspirations des citoyens en la matière.