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Une justice plus rapide, mais à quand une réelle indépendance de l'exécutif ?
Publié dans La Vie éco le 11 - 05 - 2009

Depuis quelques années, elle se dote progressivement
de plus de moyens : informatique, tribunaux, ressources humaines.
Reste trois points essentiels :
des procès plus équitables, un contrôle plus accru des auxiliaires
et un Conseil
de la magistrature
non lié au gouvernement.
Le ministre de la justice a entamé des consultations avec la profession et la société civile.
Le chantier de la réforme de la justice entamé depuis plusieurs années a du mal à prendre forme. Or, il y a urgence et l'impatience se fait sentir. Le Roi Mohammed VI a d'ailleurs réitéré à maintes reprises, dans ses discours, la nécessité de cette réforme. Il y a ensuite l'Union européenne, avec laquelle le Maroc entretient, en la matière, un partenariat étroit, qui s'inquiète. «La réforme de la justice, annoncée comme prioritaire par le Roi Mohammed VI, est un défi essentiel qu'il est urgent de relever pour asseoir durablement l'Etat de droit, assurer une protection efficace des citoyens et améliorer le climat des affaires, conditions clés d'un rapprochement véritable avec l'UE», rapporte un communiqué de la Commission européenne rendu public le 3 avril 2008.
Nommé il y a un an et demi, le ministre de la justice Abdelwahed Radi, avant de trancher et de rendre sa copie finale, est entré fin avril dernier, en consultations avec les milieux de la justice, de la société civile et des partis politiques pour rassembler le maximum de propositions. Il a reçu coup sur coup les membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), l'Amicale Hassania des magistrats, l'Amicale des fonctionnaires du ministère de la justice et l'Association des barreaux du Maroc. Mais il a également pris soin d'écouter les auteurs d'un mémorandum d'une centaine de pages sur la réforme, qui lui a été adressé le 6 avril dernier par un ensemble de personnalités de la société civile composé de Rachid Filali Meknassi, Abdelaziz Nouidi et Abdellatif Hatimi, respectivement présidents de Transparency Maroc, de l'Association Adala (justice), et de l'Association marocaine pour la défense de l'indépendance de la magistrature. Que veut-on réformer au juste ? S'agira-t-il d'une réforme structurelle qui touchera tout l'appareil judiciaire et qui ne peut faire l'économie d'une réforme de la Constitution, voire du Code pénal et du Code de la procédure pénale ? Les tenants de cette vision ambitionnent une réforme qui assurera une indépendance réelle de la justice, la tenue de procès équitable et une transparence sans faille. S'agira-t-il tout simplement d'une réforme pour remédier aux lacunes qui entravent le travail de l'appareil judiciaire ? C'est l'autre vision qui réduit la réforme en une multiplication du nombre des tribunaux, celui des magistrats et des auxiliaires de la justice, la formation du personnel de la justice et la poursuite de la modernisation et de l'informatisation de l'appareil judiciaire entamée, déjà, depuis plus de deux ans.
Difficile de pronostiquer dès maintenant sur la direction que prendra cette réforme. Tout dépend de la volonté de l'Etat au plus haut niveau. «Une refonte totale et profonde de l'appareil judiciaire n'est pas une affaire aisée», avertit Abdelaziz Nouidi, président de l'Association «Adala» (justice), et coordinateur du mémorandum sur la réforme qui a porté la signature de dix associations de défense des droits humains. En tout cas, ajoute-t-il, dans une déclaration faite à La Vie éco le jour de sa rencontre avec le ministre pour débattre des propositions formulées dans le mémorandum (le 29 avril), «le dernier mot de cette réforme revient au Roi. Dans tous les Etats, la justice est une affaire très sensible, et l'on craint toujours une large indépendance de l'appareil judiciaire. C'est le cas du Maroc, l'exécutif veut toujours tenir cet appareil en laisse. Mais nous sommes optimistes sur l'issue de nos propositions.»
Réforme : un processus qui dure depuis quelques années déjà
Il faut dire que le processus de la réforme de la justice n'est pas nouveau, et si l'on se réfère aux déclarations du ministre de la justice au Parlement lors de l'examen du Budget de l'année 2008, un plan d'action, dont la réalisation prendra plusieurs années, a déjà été lancé. Il y a eu d'abord ce processus de modernisation et d'informatisation des tribunaux entamé depuis deux ans. 40 juridictions dont 21 tribunaux de première instance et 19 cours d'appel en ont profité, opération qui aura coûté 400 millions d'euros, financée par l'Union européenne. Aujourd'hui, le justiciable n'a plus à se trimbaler entre les bureaux pour s'informer de l'évolution de son dossier. Il lui suffit d'introduire le numéro de ce dernier pour avoir toutes les données sur l'affaire (date et heure, salle d'audience ainsi que le juge qui instruit l'affaire), et tout cela constitue des occasions de moins de corruption, le fléau numéro un qui ronge la justice selon les rapports de Transparency Maroc. De même il y a eu l'installation d'un terminal numérique à l'entrée de plusieurs tribunaux qui permet d'accéder aux informations sur les affaires instruites ou en voie d'instruction, outil qui sera généralisé à l'ensemble des juridictions marocaines (66 tribunaux de première instance, 21 cours d'appel et 8 tribunaux de commerce). Le plan d'action du ministre touche, en fait, plusieurs volets : combler le déficit en matière de tribunaux, de magistrats et autres auxiliaires de justice. En chiffres, ce sont quatre nouvelles cours d'appel et 16 tribunaux de première instance qui viendront s'ajouter aux structures déjà existante, pour un coût de 800 millions DH. Dans le programme du ministre, il y a également le projet de recrutement de 2 600 nouveaux juges pour combler le déficit dans ce domaine. Le Maroc compte, rappelons-le, 3 322 magistrats pour traiter, avec les retards qui s'accumulent, trois millions de dossiers par an. Alors que la norme internationale est de 300 dossiers par juge et par an, le juge marocain en traite 1 000. «Ça ne peut naturellement qu'affecter la célérité du procès et allonger le délai d'exécution des jugements, sans parler des occasions de corruption que ce retard entraîne», commente cet avocat du barreau de Casablanca.
Le retard des jugements est en effet une autre lacune de la justice marocaine. Pour la combler on parle au ministère du recrutement de 4 000 nouveaux cadres qui viendraient prêter main-forte au personnel des greffes (quelque 12 000 personnes). On prévoit aussi le recrutement de 6000 fonctionnaires et 12 000 auxiliaires de justice d'ici à l'année 2012.
Mais au-delà de ce plan d'action qui constitue, en fait, le programme du ministère, M.Radi ira-t-il plus loin dans cette réforme comme il le laisse entendre ? «La justice marocaine a une responsabilité morale et effective dans le renforcement de la démocratie dans le pays. Elle est tributaire de son indépendance, de sa moralisation, et de la lutte contre la dépravation», déclarait-il en janvier dernier, à Rabat, lors d'une rencontre avec les responsables judiciaires et les membres du Conseil de l'ordre des avocats.
Ecarter le ministre de la justice du CSM serait une condition à l'indépendance de la justice
Traduira-t-on ces paroles en actes, à même de réconcilier les Marocains avec leur justice ? Le ministre de tutelle a raison de multiplier le nombre des tribunaux, de les informatiser et de les moderniser, de recruter et de former de nouveaux magistrats et autres auxiliaires. Car la justice est d'abord une question d'organisation et de moyens. Mais le problème est plus profond. «Cette réforme par les moyens est nécessaire, mais, appliquée à elle seule, elle procède d'une vision étriquée et ne résoudra pas le problème. Trois préoccupations doivent mobiliser les auteurs du changement : l'indépendance de la justice, et donc de la magistrature, l'équité du procès et la lutte contre la corruption. Et cela ne peut se faire sans une réforme de la Constitution», martèle, dubitatif Abdellatif Hatimi, avocat au barreau de Casablanca, et l'un des rédacteurs du mémorandum précité (voir ci-dessous).
Un procès équitable, cela veut dire, selon les auteurs du mémorandum, réparer le déséquilibre qui existe entre les garanties offertes par la loi au parquet et celles de la défense, déséquilibre «qui bat en brèche le principe même de la présomption d'innocence», considère M.Nouidi. Exemple de cette injustice : pendant l'enquête, l'avocat peut être empêché de rendre visite à son client dans quelques affaires dangereuses sur demande de la police judiciaire. Et dans les affaires de terrorisme, l'avocat n'a même pas le droit de se procurer une photocopie du PV de la police. Le mémorandum consacre donc tout un chapitre à la meilleure façon de protéger les justiciables.
Un autre chapitre est consacré, lui, à la meilleure façon de garantir la transparence et lutter contre la corruption qui gangrène la justice marocaine. On y propose notamment un suivi de la déclaration du patrimoine des magistrats par une cellule dédiée à l'inspection, chargée de donner tous les résultats de sa recherche au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). On préconise également l'adoption d'une loi qui protège les témoins et les dénonciateurs de la corruption.
Il reste que c'est l'indépendance réelle de la justice par rapport au pouvoir politique qui est mise en exergue par le mémorandum. Cette indépendance passera par l'introduction d'une refonte totale du CSM, l'organe constitutionnel qui régit toute la vie professionnelle des magistrats. Et le point nodal de cette refonte est d'écarter le ministre de la justice de ce conseil pour qu'il ne soit plus son vice-président. Pour une raison simple, selon M. Hatimi. «En tant que ministre dans un gouvernement, soutient-il. Il doit impérativement appliquer la politique de ce dernier. Comme les gouvernements changent au gré des élections, il y a changement des orientations politiques, et la réforme doit soustraire la justice des contingences politiques». Le remplacer par qui ? Par le premier président de la Cour suprême, propose le mémorandum signé par les dix ONG. Celui-là, parce que, justifient ses auteurs, est d'abord un magistrat de haut rang (ce qui n'est pas le cas du ministre), et parce qu'il est, ensuite, le président du Conseil de régence, l'organe qui exerce les pouvoirs de la Couronne en cas de vacance du pouvoir.
Certaines voix réclament aussi l'élargissement du CSM et son ouverture à d'autres personnalités indépendantes. Le mémorandum précité pense notamment au président de l'Association des bâtonniers du Maroc. Tout cela pour poser les jalons d'une véritable indépendance de la magistrature par rapport au pouvoir exécutif. Pour appliquer tous ces changements (procès plus équitable, lutte contre la corruption, refonte du CSM) il faudra donc amender à la fois la Constitution, le Code pénal et le Code de procédure pénale. Mais, surtout, il faudra de la volonté politique. Le Maroc osera-t-il ?


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