Le Conseil consultatif des droits de l'Homme (CCDH) a élaboré un mémorandum sur "la mise à niveau de la justice et le renforcement de son indépendance", dans le cadre du suivi des recommandations de l'Instance Equité et Réconciliation (IER) en matière de réforme de la Justice. Le rapport du CCDH sur le suivi de la mise en oeuvre des recommandations de l'IER, rendu public jeudi, indique que le Conseil a mis en place une commission spécialisée composée de membres du CCDH et des représentants du secteur de la justice dont des avocats et des professeurs de droit, précisant qu'après de longs débats et un examen scientifique et minutieux des différentes conclusions présentées par ses membres, la commission a émis des propositions concernant huit grands axes. Ainsi, la commission a proposé d'ériger la justice en pouvoir dans la constitution, de garantir son indépendance par rapport aux pouvoirs législatif et d'exécutif et de veiller à ce qu'ils n'entravent pas le travail judiciaire et le déroulement des procès, outre la proposition qui prône d'accorder la vice-présidence du conseil supérieur de la magistrature, au premier président de la cour suprême, et d'y inscrire le président du Conseil de la nation en tant que membre permanent, si cette institution venait à être. Les recommandations du mémorandum portent, à cet égard, sur l'enrichissement de la composition du conseil par des personnalités du monde des droits de l'Homme connues pour leur compétence et leur intégrité, qui seront nommées par SM le Roi au début de chaque mandat, ainsi que sur l'unité du corps judiciaire devant être stipulée clairement dans la constitution, de manière à ce que ce dernier englobe les juges d'instruction, le ministère public ainsi que les juges détachés dans les différentes administrations et missions, indique le rapport, soulignant que la constitution doit également préciser que seul le conseil supérieur de la magistrature a la compétence de gérer le pouvoir judiciaire, conformément à la loi. Au volet relatif à l'organisation du Conseil supérieur de la magistrature, les propositions du CCDH concernent l'adoption d'une loi organique qui fixe les prérogatives du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), sa méthode de travail et d'élection de ses membres, détermine les critères de promotion et de sanction des magistrats et garantit leur indépendance, outre la création d'un siège spécial pour le Conseil supérieur de la magistrature et la garantie de l'autonomie financière de ce conseil. Par ailleurs, le CCDH recommande, en matière de révision des lois, que cette opération englobe aussi bien le statut de base des magistrats, l'organisation judiciaire du Royaume que le décret régissant les prérogatives du ministère de la justice. Abordant le volet de la politique gouvernementale dans le domaine de la justice, la commission, qui s'est penchée sur la politique judiciaire nationale, a considéré que cette politique entre dans les prérogatives du gouvernement, représenté par le ministère de la justice. Ce dernier étant chargé d'élaborer cette politique, de lui garantir les moyens financiers nécessaires, de veiller à son exécution sous la présidence de SM le Roi et le contrôle du parlement, la commission considère que tout ce qui est en relation avec cette politique et n'ayant aucun lien avec le rendement des jugements ou le travail judiciaire, devrait rester entre les mains du gouvernement. La commission estime, d'autre part, qu'en matière de politique pénale à l'application de laquelle veillent le procureur général du Roi près la cour suprême et les ministères publics, la logique légale exige une coopération entre le ministère de la justice et le procureur général de la cour suprême, puisqu'il est à la tête du ministère public. Dans ce sens, elle souligne la nécessité d'élaborer une loi organisant la politique pénale dont l'application sera conjointement confiée au ministre de la justice et au procureur général près la cour suprême. Le mémorandum du CCDH s'est également penché sur le domaine de la formation et du recyclage, soulignant à ce niveau la nécessité de soumettre les candidats à la profession de magistrat à une enquête sociale préliminaire, ainsi qu'à un test psychotechnique lors du déroulement de l'examen oral, avec le soutien de psychanalystes, ainsi que la mise en place d'un programme de formation continue au profit des magistrats qui sera supervisé par le CSM qui devra être doté de laboratoires développés dans différentes filières de cette formation. Par ailleurs, et sachant que la promotion du secteur de la justice se base essentiellement sur la disponibilité de moyens matériels et humains, la commission a proposé dans son mémorandum d'allouer spécifiquement un budget d'équipement et de fonctionnement pour chaque tribunal, dont le président sera l'ordonnateur. Elle préconise également l'augmentation du nombre de juges, de fonctionnaires et de cadres techniques au sein des tribunaux selon le nombre de dossiers inscrits annuellement dans chaque tribunal, ainsi que la révision du régime des salaires, leur augmentation ainsi que la mise en place de motivations en leur faveur, mettant en outre l'accent sur la nécessité de fixer des critères précis pour le choix des greffiers des tribunaux, et l'augmentation du budget de la justice. La commission a, par ailleurs, présenté une série de propositions relatives aux dispositions de mise à niveau et à la réhabilitation de la confiance. Elles concernent l'élaboration du code de conduite par le moyen d'un texte juridique, aussi bien pour les magistrats que pour les auxiliaires de justice, notamment les avocats, les notaires, les adouls ou les experts, ainsi que la création d'instances suprêmes pour toutes les professions liées à la justice, auxquelles qui auront des missions disciplinaires et de contrôle. Soulignant la nécessité de la participation de la société civile et des médias dans la conscientisation des citoyens à l'effort de la réhabilitation de la confiance dans la justice, la commission relevé l'intérêt de la mise en Œuvre du rôle des représentations professionnelles (l'amicale Hassania des magistrats, l'association des barreaux du Maroc, la ligue des AdoulsŒ), en matière de moralisation et de diffusion de la culture juridique. Le rapport évoque, d'autre part, la révision des statuts des auxiliaires de justice, de manière à garantir plus de crédibilité, de transparence et de rétablir la confiance des citoyens dans la justice. Dans son dernier volet portant sur "les aspects fondamentaux des réformes juridiques", la commission a proposé l'introduction des modifications nécessaires au niveau de la constitution, du statut fondamental des professionnels de la justice, du décret organisationnel du ministère de la justice, de la loi organique de l'Institut supérieur de la magistrature, du statut judiciaire du Royaume, ainsi que la révision du code pénal, du code de procédure pénale en plus des autres lois en relation avec ces codes. La commission, qui considère qu'il serait adéquat d'élaborer une loi pour la politique pénale selon les procédures en vigueur, préconise, en dernier lieu, la constitution de commissions spécialisées en vue d'élaborer les projets de loi proposés pour la révision. La commission considère également que la mise à niveau de la justice reste tributaire de la participation de toutes les composantes de la société. A cet égard, elle propose l'organisation d'un colloque national sous le Haut patronage de SM le Roi Mohammed VI qui aura des retombées positives en matière de rétablissement de la confiance dans la justice et qui renforcera le sentiment de sécurité judiciaire.