Maghrebail, Dari, Matel, Colorado, Stokvis…, 30 valeurs affichent un PER 2009 inférieur ou égal à 15. Leurs cours ont baissé ou n'ont pas trop progressé alors que leur croissance bénéficiaire a été au rendez-vous. Le marché boursier reste globalement cher sous l'influence des valeurs bancaires et immobilières. La Bourse de Casablanca est l'une des places les plus chères des pays émergents et de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord). Autorités de régulation, investisseurs institutionnels et particuliers, opérateurs du marché…, tout le monde est unanime là-dessus. Dans sa dernière revue mensuelle de Conjoncture, Bank Al-Maghrib a noté que le PER de la place casablancaise (Price earning ratio, cours boursiers rapportés aux bénéfices par actions), qui se situait à 16,9 fin mars dernier (il est actuellement de 18), était élevé comparativement à celui des autres pays d'un échantillon composé de l'Argentine, le Brésil, le Mexique, la République Tchèque, la Russie, la Chine et la Turquie. Quant au Price to Book de la Bourse de Casa (valeur de marché des fonds propres des sociétés cotées rapportée à leur valeur comptable), la banque centrale a précisé qu'il reste le plus élevé par rapport aux pays de l'échantillon (3,4 au 26 avril). Ainsi, malgré la correction qu'a subie le marché casablancais en 2008 et 2009, sa valorisation reste élevée par rapport aux autres places boursières. Outre l'envolée des cours de certaines valeurs en 2006 et 2007, que la dernière chute du marché n'a pas atténuée, il faut savoir que les bénéfices dégagés par les sociétés cotées ont baissé en 2008 et n'ont enregistré qu'une légère hausse en 2009 (hors produits non récurrents), ce qui a maintenu le niveau de valorisation élevé de la Bourse de Casa. Cela dit, malgré cette situation, plusieurs sociétés cotées affichent des ratios boursiers très intéressants. En effet, 30 valeurs sur les 76 de la cote ont un PER inférieur ou égal à 15 (niveau jugé correct par les professionnels du marché), et pour une vingtaine d'entre elles, il ne dépasse pas 12. Leur Price to book est également à des niveaux intéressants, dépassant rarement la barre de 2. Les bénéfices exceptionnels de certaines sociétés ont réduit leurs PER 2009 Pour la majorité de ces valeurs, ces ratios boursiers corrects s'expliquent par une bonne croissance des bénéfices durant ces deux dernières années ainsi que par une évolution modérée de leurs cours. Seulement, pour d'autres, les niveaux de PER affichés cette année sont exceptionnels en raison de la constatation de revenus non récurrents. Il s'agit notamment d'Ona et de Sni dont les cours représentent à peine 9,7 et 8,6 fois leurs bénéfices 2009 suite à la réalisation de plus-values sur cession de certaines participations (Wana, Crédit du Maroc, Mercure, Wafasalaf…). Ces deux valeurs devraient, de toutes les façons être retirées de la cote sous peu. Fenié Brossette, Timar, Maghrebail et Dari ont les niveaux de PER les plus bas du marché. La première société (6,7 fois ses bénéfices 2009) a certes bénéficié de la cession d'un terrain en 2009 qui a dopé ses résultats, mais il faut savoir que même sans cet élément exceptionnel, son cours demeure correctement valorisé. Elle devrait réaliser en 2010 un bénéfice par action de 34,20 DH selon les prévisions de BMCE Capital Bourse, ce qui relèverait son PER à 13,4 sur la base de son cours actuel (460 DH), soit un niveau qui demeure intéressant. Timar n'a, pour sa part, constaté aucun produit non récurrent en 2009. Pourtant, son PER s'établit également à 6,7 et sa capitalisation boursière représente à peine 1,2 fois ses fonds propres. Ces multiples honorables s'expliquent par la baisse du cours de la société depuis son introduction en Bourse ainsi que par la forte progression de ses bénéfices. En effet, le cours de Timar est actuellement de 280 DH alors qu'elle a rejoint la cote à 350 DH. De son côté, son résultat net a bondi de 71% en 2008 et de 53% en 2009. Maghrebail, elle, affiche un PER 2009 de 8,5 fois ses bénéfices et un P/B de 1,4 fois ses fonds propres, soit les niveaux les plus intéressants du compartiment des sociétés de financement. Elle a profité d'une croissance régulière de ses résultats (+23% en 2007, +21% en 2008 et +8 en 2009), au moment où son cours boursier évoluait à la baisse durant ces trois dernières années (-25%). Enfin, les ratios boursiers de Dari Couspate sont également les meilleurs de son secteur (PER 2009 de 9,4 et P/B de 1,9), compte tenu d'une progression honorable de son bénéfice (+29% en 2008 et +17% en 2009), proportionnellement à l'évolution de son cours boursier durant les trois dernières années (+36%). Il faut dire aussi que la société s'est introduite en Bourse en 2005 à un prix correct (369 DH), ce qui a favorisé l'évolution de son cours tout en gardant des ratios boursiers intéressants. Ceci alors que d'autres valeurs de la cote, notamment dans le secteur de l'immobilier, avaient des multiples boursiers élevés dès leur première cotation. La faible liquidité de certains titres l'emporte sur leurs fondamentaux solides Qu'est-ce qui fait que des sociétés affichent des indicateurs boursiers trop bas sans pour autant intéresser les investisseurs ? Pourquoi le cours de Timar n'a pas cessé de reculer depuis son introduction en Bourse alors que ses bénéfices sont en constante progression ? Selon les professionnels du marché, cela s'explique par trois facteurs : la taille des sociétés concernées, leur appartenance sectorielle et le suivisme des investisseurs. «La majorité des sociétés dont le PER est bas sont de petite taille. Elles n'intéressent donc pas les investisseurs qui préfèrent plutôt miser sur les valeurs les plus liquides», explique un analyste. En effet, la capitalisation boursière de Timar, Dari Couspate, Fenié Brossette et de plusieurs autres sociétés de la cote est loin du milliard de DH. Leur capital flottant est trop faible, ce qui n'encourage pas les investisseurs à les retenir dans leurs stratégies de placement. D'un côté, les particuliers interviennent en Bourse dans une logique plutôt spéculative. Ils ont donc besoin de pouvoir prendre des positions et les liquider rapidement pour réaliser des plus-values, ce qui est difficile quand une valeur n'est pas très liquide. De l'autre, même si les institutionnels sont plus «longtermistes» que les personnes physiques, ils doivent disposer d'un flottant de grande taille pour pouvoir prendre position sans dépasser certains seuils de participation. Cela sachant de plus que leurs contraintes en matière de pondérations et de choix sectoriels les obligent à opter pour certaines valeurs stratégiques. Outre cette question de liquidité, il y a l'appartenance sectorielle de certaines sociétés qui dissuade les investisseurs de les choisir. C'est le cas notamment du secteur informatique qui, malgré les fondamentaux solides, les perspectives prometteuses et les ratios boursiers intéressants que présentent quelques-unes de ses sociétés (IB Maroc, Matel, Distrisoft…), n'attire historiquement pas les investisseurs pour des raisons qui restent inconnues. Il y a enfin le comportement moutonnier d'une bonne partie des investisseurs particuliers qui concentrent leur demande sur quelques valeurs phare seulement. «Tout le monde veut acheter les valeurs bancaires ou immobilières uniquement parce que tout le monde les achète», affirme un trader. Ce comportement a rendu très chers certains titres de la cote. 20 sociétés affichent des PER supérieurs à 20, avec en tête de liste Managem (145,8 fois les bénéfices 2009) suite à l'impact du déficit de 2008 ; BMCE Bank (106,8), compte tenu de la chute de son résultat net en 2009 ; et la CGI (80,6), suite au niveau élevé de son cours par rapport aux bénéfices dégagés. Les cours surévalués de ces titres tirent la valorisation de la Bourse de Casa vers le haut. A titre d'exemple, le PER du marché descend de 18 à 16,4 si on ne compte pas le secteur de l'immobilier (Addoha, CGI et Alliances). Il faut savoir en plus que le secteur des télécoms contribue fortement à la réduction de la valorisation du marché. En effet, en neutralisant le poids de Maroc Telecom, le PER de la Bourse de Casa passe de 18 à 19,1 fois les bénéfices de 2009.