Les voitures en provenance des Etats-Unis et de la Turquie sont également concernées. Les concessionnaires vont-ils baisser les prix de vente ? Plusieurs scénarios selon les segments concernés. Les importateurs de voitures asiatiques dénoncent le différentiel tarifaire, mais restent concurrentiels grà¢ce à des coûts de production maîtrisés. Voilà une nouvelle qui va mettre du baume au cœur des concessionnaires de voitures neuves en provenance de l'Union européenne. A compter du 1er mars prochain, prendra effet la nouvelle baisse des droits à l'importation qui seront ramenés à une moyenne de 7,7% contre 11,8% actuellement (voir tableau). Une réduction qui intervient en application de l'accord d'association conclu entre le Maroc et l'UE, qui prévoit la suppression totale des barrières douanières en 2012. Les voitures importées de Turquie et des Etats-Unis bénéficieront également d'une baisse, mais les droits resteront un peu plus élevés (voir tableau). Précision : les importateurs continueront cependant à payer la TVA sur l'importation et la taxe intérieure de consommation (TIC). Pour les marques en provenance de l'Union européenne, c'est un potentiel de plus de 24 000 voitures qui est concerné. C'est, en tout cas, autant d'unités importées montées (CBU) qui ont été immatriculées au Maroc en 2009, dont une grande partie en provenance de la France. Un tel réaménagement tarifaire devrait renflouer les caisses des concessionnaires concernés. Si on estime le prix moyen à l'importation d'une voiture à 150 000 DH, le gain sera de plus de 6 000 DH par véhicule, soit une manne de plus de 144 MDH et un manque à gagner équivalent pour l'Etat. C'est une partie de la perte globale de recettes douanières due au processus de démantèlement tarifaire qui est estimé à 600 MDH pour 2010. Reste à savoir si cette baisse des droits à l'importation bénéficiera également aux consommateurs. Autrement dit, les concessionnaires des marques européennes vont-ils répercuter cette baisse, ou du moins une partie, sur leurs clients ? Difficile d'y répondre pour le moment puisque tout dépendra de la stratégie qui sera adoptée par chaque opérateur. En tout cas, trois scénarios sont possibles, selon des spécialistes. Rude concurrence sur les citadines et les micro-citadines Le premier est que les professionnels répercutent la baisse sur les prix de leur produit. «Sur le segment des citadines et des micro-citadines où la concurrence est très rude, ils sont obligés de baisser les prix pour doper les ventes», explique un professionnel. Ce sera, selon le représentant d'une marque européenne, une «option inévitable pour justement rattraper, sur ces segments, le retard que nous enregistrons au niveau des prix par rapport aux marques asiatiques». Deuxième scénario, les concessionnaires injecteront la totalité ou une partie de cette manne financière dans la promotion. Dans ce cas de figure, il y aura un matraquage publicitaire sur le moyen et haut de gamme. «Généralement, les campagnes publicitaires sont un facteur de persuasion beaucoup plus efficace que la politique de réduction des prix pour les clients des berlines, des routières et des voitures de luxe», souligne le directeur marketing d'un concessionnaire de la place. Un gain de 6 000 DH sur chaque voiture importée Dernier scénario, les concessionnaires décideront de garder pour eux le produit de la baisse des droits qui va ainsi renforcer leur marge bénéficiaire. En ces moments de crise, plusieurs opérateurs pourraient recourir en fait à «cette solution de facilité». Les ventes sont effectivement au plus bas, après plusieurs années de croissance. Et le début de l'année est difficile. Eu égard à l'incertitude qui prévaut, certains opérateurs pourraient ne pas s'aventurer dans des investissements promotionnels ou publicitaires, en attendant d'avoir plus de visibilité. Mais, selon des spécialistes, ce réflexe de prudence peut avoir l'effet inverse. «Le secteur peut redémarrer à n'importe quel moment et les opérateurs qui n'ont pas su prendre l'initiative au bon timing pourraient regretter une opportunité pareille», met en garde un spécialiste. Globalement, dans un marché sinistré, en manque de volumes qui pourraient le relancer, il y a fort à parier que si la baisse des droits de douane n'est pas répercutée totalement, elle le sera partiellement du moins pour inciter à l'achat. Sur ce marché difficile, les concessionnaires des véhicules asiatiques qui se sont fait, depuis quelques années, une place importante sur le marché sont désavantagés. Pour eux, on le sait, il n'y aura aucun changement au niveau des droits à l'importation qui se situent 27,5%. «Cela creusera davantage l'écart entre les deux types de concessionnaires», déplore Adil Bennani, président du Groupement des importateurs de véhicules pour l'équité tarifaire (Givet). Pour le fondateur de cette organisation, fondée exclusivement pour s'attaquer à ce qu'elle qualifie d'injustice, «cette nouvelle baisse des droits de douane affecte sérieusement les marques asiatiques» qui ont vendu un peu plus de 23 000 voitures particulières en 2009. «Avec cette disposition, on accordera une sorte de subvention d'une moyenne de plus de 6 000 DH par voiture européenne», précise un concessionnaire de marque asiatique. La solution ? «C'est de reconsidérer le processus de démantèlement douanier pour les véhicules non européens de manière à réduire ce fossé qui fausse les jeux de la concurrence», plaide M. Bennani. Les importateurs sont d'autant inquiets que l'écart avec leurs concurrents se creusera. En mars 2011, les concessionnaires de voitures européennes ne paieront plus que 3,3% en moyenne. En 2012, ils en seront complètement exonérés. Tandis que les importateurs de véhicules asiatiques verront le taux actuel passer à 25% à partir de 2011 puis 17,5% en 2012. Ce que conteste vigoureusement le Givet. «Il est anormal de garder un tel différentiel entre les concurrents et il est plus judicieux de fixer un maximum de 10 points d'écart comme le font les Européens», estime M. Bennani. Le Givet saura-t-il convaincre les pouvoirs publics ? Difficile. Car, ces tarifs sont réglementés en fonction d'accords de libre-échange. Or, jusqu'à présent aucun accord n'a été établi entre le Maroc et les pays asiatiques. La cause ? «Notre pays n'a pas la taille nécessaire pour intéresser ces géants économiques tournés plutôt vers de grands marchés comme celui des Etats-Unis, de la Chine et de l'Europe», explique un représentant de marque asiatique. Les coréennes profitent de la dépréciation du won, la monnaie locale En attendant, ces opérateurs doivent faire avec cette donne comme ils l'ont si bien fait jusqu'à présent. Car les marques asiatiques parviennent, malgré tout, à grignoter des parts de marché importantes et, chose intrigante, en proposant des prix très compétitifs, malgré un coût du transport élevé en raison de l'éloignement du marché marocain par rapport aux sites de production en Asie. L'explication ? Pour les véhicules chinois, ce n'est un secret pour personne : les coûts de production à la base sont très bas. Chez les Japonais, le constructeur Toyota joue sur la taille pour obtenir les meilleurs tarifs de ses fournisseurs. «Le groupe produit un million d'unités par an rien que pour le modèle Corolla, soit l'équivalent de la production annuelle de certains constructeurs de renommée, et cela lui permet de réaliser des économies d'échelle», précise-t-on auprès du représentant du constructeur japonais au Maroc. Pour les producteurs de voitures sud-coréennes, c'est un autre facteur qui joue en leur faveur : la dépréciation de 30% de la monnaie locale le won. C'est dire que l'écart important qui existe entre les tarifs douaniers des deux types d'importateurs n'empêchera pas les voitures asiatiques de résister sur le marché marocain. En attendant, on suivra de près l'évolution des prix des voitures de marques européennes importées montées.