Les perspectives économiques ne sont pas si reluisantes, avec une inflation toujours tenace et un taux de croissance revu à la baisse. Malgré cette situation, le gouvernement tient à rassurer. Jamais deux sans trois. A l'issue de la première réunion de son Conseil cette année, Bank Al-Maghrib a décidé pour la troisième fois consécutive de relever son taux directeur de 50 points de base, à 3%. C'est dire si les deux dernières augmentations n'ont pas été suffisantes pour maîtriser l'inflation. Pour rappel, en janvier dernier, celle-ci a culminé à 8,9%, selon le HCP, contre 8,3% en décembre. Elle résiste et «continue de s'accélérer sous l'effet notamment de chocs d'offres internes sur certains produits alimentaires», déclare le gouverneur de BAM, Abdellatif Jouahri, dans le communiqué post-conseil. Initialement estimée à 3,9% pour l'ensemble de l'année en cours, lors de sa réunion tenue en décembre dernier, elle culminera plutôt à 5,5%, soit 1,6 point de plus, d'après les prévisions annoncées par la banque centrale. L'inflation sous-jacente, elle, devrait pointer à 6,2% contre une prévision de 4,2%. Une révision à la hausse de 2 points que Bank Al-Maghrib impute essentiellement à la flambée des prix de certains produits alimentaires, mais aussi à la large diffusion de la hausse des prix aux produits non échangeables. Inflation à 10,1% en février Dans sa dernière note d'information, l'indice des prix à la consommation a enregistré une hausse de 10,1% au cours du mois de février 2023, suite à la hausse de l'indice des produits alimentaires de 20,1% et de celui des produits non alimentaires de 3,6%. Tous les produits sont ainsi concernés par cette inflation. En revanche, les prix ont diminué de 1% pour les «Poissons et fruits de mer», selon le HCP. La seule bonne nouvelle dans ce contexte difficile est toutefois la poursuite de la baisse des prix des «Carburants» de 1,3% par rapport au mois précédent. Si l'inflation accélère, la croissance économique, elle, ne serait pas aussi vigoureuse qu'espérée, avance la banque centrale. L'économie nationale pâtit toujours de l'environnement externe défavorable et des répercussions d'une sécheresse particulièrement sévère. La croissance a donc été revue à la baisse par BAM. La perspective du retour à une production céréalière moyenne n'est plus d'actualité, en dépit de précipitations jugées favorables. Sur la base de données disponibles au 10 mars, l'institution table sur une récolte céréalière autour de 55 millions de quintaux (MQx), au lieu des 75 MQx attendus. Cette estimation s'explique par la réduction de la superficie emblavée destinée à la production des trois principales céréales, à 3,65 millions d'hectares. D'autant que les cultures hors céréales pâtiraient des restrictions sur l'eau d'irrigation et de la cherté des intrants. Ce qui plomberait la croissance économique nationale de 40 points de base, pour s'établir à 2,6% au terme de cette année, au lieu de 3%. Dans le détail, la valeur ajoutée agricole augmenterait de 1,6% en 2023 au lieu de 7% escomptés en décembre dernier. Les activités non agricoles, elles, devraient poursuivre leur ralentissement pour atteindre 2,7% contre une prévision initiale de 2,4%. Du côté du financement de l'économie, cette hausse supplémentaire du taux directeur devrait continuer à exercer une pression à la hausse des taux d'intérêt débiteurs, avec pour conséquence, un renchérissement du coût de financement des ménages et des entreprises. Le corollaire de cette situation est la diminution des crédits accordés : après un bond de 7,8% en 2022, il devrait décélérer à 4% cette année. Cette prévision tient compte de l'évolution attendue de l'activité économique, d'un effet de base lié à la hausse sensible en 2022 des besoins de financement de trésorerie des entreprises, ainsi que des anticipations du système bancaire. Le gouvernement rassure Malgré cette situation, le gouvernement a tenu à rassurer les Marocains, en prenant les mesures nécessaires pour faire face à la hausse des prix des produits et biens de consommation et à protéger le pouvoir d'achat des citoyens. «Les marchés nationaux sont approvisionnés en quantités suffisantes des produits alimentaires de forte consommation durant le mois sacré de ramadan et l'offre en produits agricoles est suffisante et répond aux besoins nationaux», a précisé la ministre de l'Economie et des finances, Nadia Fettah, le 21 mars 2023, devant la Commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants. La ministre a, par ailleurs, souligné que les Commissions mixtes de contrôle des marchés ont intensifié leurs activités durant l'année écoulée et les premières semaines de 2023, faisant savoir que le nombre des opérations de contrôle a connu une hausse de plus de 55% en 2022 et de plus de 76% au début de cette année, comparativement aux années précédentes. Le déficit budgétaire poursuit sa tendance baissière Après s'être établi à 5% du PIB en 2022 au lieu d'une prévision de BAM de 5,3% et d'une cible de la Loi de finances de 5,9% du PIB, le déficit budgétaire devrait poursuivre sa tendance baissière. Il devrait ainsi, selon les projections de Bank Al-Maghrib, s'atténuer à 4,7% du PIB en 2023 puis à 4,3% en 2024. Sur le plan des comptes extérieurs, la forte dynamique des échanges en 2022 s'est traduite par un creusement record du solde commercial à 311,6 milliards de dirhams. Toutefois, les hausses notables des transferts des MRE et des recettes voyages, qui ont atteint des niveaux exceptionnels de 109,2 milliards et 91,3 milliards de dirhams respectivement, auraient permis de limiter le déficit du compte courant à 3,9% du PIB. Ce dernier s'allègerait à 2,8% en 2023 puis à 2,6% en 2024, «à la faveur notamment du reflux prévu des cours des produits énergétiques et de la poursuite de la performance de certains métiers mondiaux», prévoit la banque centrale. Ainsi, après un rebond de près de 40%, les importations diminueraient de 2,3% en 2023 avant une légère augmentation de 0,8% en 2024, en lien essentiellement avec le recul de la facture énergétique. En parallèle, le rythme des exportations ralentirait de 29,4 à 3% en 2023 et à 0,6% en 2024, avec en particulier une progression de près de 7% annuellement des ventes du secteur automobile et un recul de celles des phosphates et dérivés.