Dans ce contexte économique où l'inflation a bondi, dans le sillage de l'envolée des prix des produits alimentaires, deux scénarios se dessinent en matière de perspectives de croissance pour 2023. Le plus optimiste, émanant du HCP, de la Banque mondiale et de l'agence Standard & Poor's table sur une croissance de l'ordre de 3% alors que des scénarios plus pessimistes prévoient 2,6% (BAM) et 1,8% (Fitch). D'un jour à l'autre, les perspectives économiques s'éloignent de celles qu'envisageait le gouvernement dans la loi de Finances 2023, soit une croissance économique de 4% et un taux d'inflation contenu à environ 2%. Contexte oblige, sur le front de l'inflation, la situation ne facilite pas la tâche, surtout avec les dernières prévisions de la Banque mondiale (BM), dans son dernier Bulletin d'information économique sur la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA). Dans un contexte économique où l'inflation a bondi, dans le sillage de l'envolée des prix des produits alimentaires, les économies de la région MENA, y compris celle du Maroc connaîtront, selon les économistes de la BM, une croissance d'à peine 3% en 2023 et de 3,1 % en 2024, ce qui est nettement inférieur aux 5,8% enregistrés en 2022. Même si le pire n'est jamais loin, il n'en reste pas moins que le même constat a été établi par le Haut-commissariat au plan (HCP) dans le cadre de son point de conjoncture au titre du 1er trimestre 2023 et des perspectives pour le second trimestre. Dans l'ensemble, l'activité économique afficherait, selon le HCP, une amélioration de 3,2%, au deuxième trimestre 2023, en variation annuelle, au lieu d'une hausse de 2% au cours de la même période de l'année passée. Bank Al-Maghrib, qui est moins optimiste, a estimé – à l'issue de la première session de son conseil 2023, tenue le 21 mars – que la croissance de l'économie nationale devrait s'établir à seulement 2,6% cette année et s'accélérer à 3,5% en 2024. Agences de notation : Fitch, encore plus pessimiste Du côté des agences de notation, c'est l'agence Fitch qui est la plus pessimiste concernant les prévisions de croissance pour le Maroc. Fitch a revu, en effet, à la baisse ses prévisions de croissance du PIB réel du Maroc. Selon elle, la croissance ne devrait pas dépasser 1,8% cette année, impactée par l'accélération de l'inflation à 7,8% en moyenne, un resserrement monétaire encore plus agressif, portant le taux directeur à 4,50% à fin 2023, et une reprise modérée de la production agricole. À noter que cette révision fait suite à la publication de l'arrêté des comptes nationaux du quatrième trimestre 2022 par le HCP, qui fait ressortir un net ralentissement de la croissance de l'économie nationale, se situant à 0,5% au lieu de 7,6% pour le même trimestre de l'année précédente. Pour sa part, Standard & Poor's a prévu un ralentissement progressif de l'inflation au Maroc à 4,5% en 2023 et à 2% d'ici 2026. L'agence de notation avait déjà souligné, à travers ses perspectives de croissance, que le PIB du Royaume devrait augmenter de 3,5% en 2023 et de 3,4% par an entre 2024 et 2026. Elle a également indiqué que la hausse du PIB de 3,5% en 2023 sera soutenue «par un rebond de la production et les performances solides des principaux secteurs du pays, orientées vers l'exportation, dont le tourisme, le phosphate et les industries automobile et aérospatiale». Inflation : 9,4% pour le HCP et 5,5% pour BAM Quant à l'inflation, qui a atteint un niveau historique au Maroc, au premier trimestre 2023, les pressions se seraient accentuées, selon le HCP, avec une hausse des prix à la consommation de 9,4%, au lieu de 8,3% au trimestre précédent. C'est au niveau des prix de la composante alimentaire que ces pressions se seraient le plus manifestées, avec une hausse historique de 10,1% en février 2023 (comparativement à février 2022) à travers l'Indice des prix à la consommation et 20,1% pour l'indice des produits alimentaires. De tels niveaux n'avaient pas été enregistrés depuis plus de quatre décennies. Du côté de Bank Al-Maghrib, qui a décidé, une nouvelle fois, de relever le taux directeur de 0,5% pour le situer à 3%, afin de prévenir l'enclenchement de spirales inflationnistes, l'inflation devrait rester à des niveaux élevés à moyen terme. Elle ressortirait, selon la Banque centrale, à 5,5% en moyenne en 2023 après avoir atteint 6,6% en 2022, son plus haut depuis 1992 et sa composante sous-jacente se situerait à 6,2%, soit une révision à la hausse de 2 points de pourcentage par rapport à la prévision de décembre dernier. En variation annuelle, cette composante sous-jacente de l'inflation a été également révisée en affichant une légère accélération, passant de 8,4% à 8,5% selon BAM. Selon les économistes de la Banque mondiale, l'inflation des prix alimentaires, même si elle est temporaire, peut accroître l'insécurité alimentaire de manière durable. Les niveaux enregistrés actuellement témoignent de l'existence de ce qui s'apparente à «deux régions MENA». D'un côté, les économies du CCG qui ont réussi à contenir leur inflation. De l'autre, des pays comme l'Egypte, le Maroc et la Tunisie qui ont connu des niveaux d'inflation plus élevés, dus en grande partie à la dépréciation de leurs monnaies par rapport au dollar (7,4% de dépréciation du dirham entre mars et décembre 2022). C'est donc surtout dans les pays importateurs de pétrole que les dépréciations des monnaies par rapport au dollar ont entraîné, selon la BM, la remontée spectaculaire des niveaux d'inflation. Yassine Saber / Les Inspirations ÉCO