Quel rapport ? Puisque l'ennemi de la création est la peur, transformons nos défauts en qualités pour que notre fatalisme devienne résilience. Quand on n'a plus peur de perdre ce qu'on a, on devient invincible. L'innovation est à ce prix. Aadel Essaadani Acteur culturel, il a été à l'origine de nombreux événements et festivals.
Le 24 novembre 2021, Abdellatif Jouahri, wali de Bank Al-Maghrib, s'adressait aux membres de la commission des finances à la Chambre des représentants, appelant de ses vœux à un «saut qualitatif de nos structures mentales». Il alertait sur la faiblesse de notre capital humain qui ne permettait pas de «constituer des ensembles qui puissent être résilients». Le wali de la Banque du Maroc avait, ce jour-là, un message à transmettre. Celui que les résultats économiques, même s'ils découlent des orientations politiques et des réformes structurelles, seraient fortement aidés par l'investissement de l'Etat dans le citoyen marocain. Conditions pour la productivité Pour que le Marocain devienne résilient et productif, il faudrait qu'il soit d'abord bien constitué et formé. Santé et éducation, certes, pour commencer. Mais sa productivité dépendra aussi de sa créativité. Le wali, s'adressant à des représentants du peuple, leur disait très «diplomatiquement» que pour notre innovation, productivité et résilience, il faudrait absolument réaliser ce «saut qualitatif de nos structures mentales». Bref, il disait que pour l'économie, la culture peut-être aussi une partie de la solution. Pourquoi revenir à cet épisode vieux de presque deux ans ? D'abord pour combattre l'amnésie, le cerveau a besoin d'entraînement et de rappels pour cela. Sinon, nous sombrons, très vite, dans l'oubli de tout ce qui nous a été promis par les différents plans, commissions, visions... Faites un exercice et essayez de vous rappeler, par exemple, les recommandations du Nouveau modèle de développement. Ce n'est pas si vieux. Vous verrez que ce n'est pas aisé. Deux hypothèses explicatives de cette amnésie chronique et récurrente. Ou bien, c'est parce que notre mémoire flanche de plus en plus vite. Ou bien les promesses qu'on nous fait sont tellement hyper-irréalistes que notre cerveau les oublie aussitôt pour ne pas s'encombrer. C'est purement hygiénique. «Saut qualitatif de nos structures mentales» Plus sérieusement, j'ai revu cette intervention dernièrement et je suis (re)tombé sous le charme du discours d'Abdellatif Jouahri. Mais surtout, j'ai été frappé par le gap entre les lueurs d'intelligence dans les yeux de Jouahri et le vide sidéral dans les yeux de quelques représentants. Je sais que cette conclusion est subjective et non scientifique. Mais que voulez-vous ? Les choses fonctionnent également par affect. Un «saut qualitatif de nos structures mentales» est une phrase qui m'a particulièrement subjugué, je la trouve sublime de revendication gentille d'une vraie politique publique de la culture. Elle énonce l'objectif. A elle seule, elle constitue à la fois un «modèle» de développement, un plan de travail et une vision pour, au moins, dix ans. Prêts pour une résilience culturelle Quant à la résilience, culturellement, nous pourrions dire que nous sommes prêts à être résilients. Si la résilience est définie par la résistance à un fait, le Marocain a démontré à plusieurs endroits et moments qu'il était déjà préparé à être résilient. En transformant nos supposés défauts en éventuelles qualités, notre fatalisme, contrairement à l'aquoibonisme, ne peut-il pas se transformer en résilience s'il est orienté positivement ? Vers la liberté, la créativité et l'innovation. Alexandre Soljenitsyne disait : «L'homme à qui vous avez tout pris n'est plus sous votre coupe, il est libre». Nous sommes tous de plus en plus libres, donc. La culture est la solution.