La culture augmente l'attrait du pays pour les investisseurs, agit sur le «soft power» pour une influence durable, politique ou économique. C'est un domaine qui en entraîne d'autres, génère les «externalités positives», comme disent les économistes. Pourquoi une chronique culturelle dans un journal économique ? Pour deux raisons au moins. D'abord, parce que la croissance économique peut être aussi bien propulsée que freinée par la culture. Sans remonter aux origines protestantes du capitalisme de Weber, ni au déterminisme culturel de Montesquieu, notre pays peut fournir tant d'exemples de «spécificités» culturelles qui agissent en tant que catalyseur ou frein au développement. Une chronique qui s'appuie sur des chiffres, des constats et des analyses, et qui exprime des critiques tout en faisant des propositions, pourrait aider à déchiffrer l'économie sous l'angle de la culture et contribuer à distinguer, afin de mieux les comprendre et les prendre en considération, les traits culturels utiles ou nuisibles au développement de notre pays. Productivité des personnes liée à leur culture Il est évident que la productivité des personnes, quelles que soient leurs tâches, est liée au niveau et à la nature de l'éducation et la formation qu'elles ont reçues. Néanmoins, la productivité des mêmes personnes est également liée à leur culture: culture de rigueur, culture de l'amour du travail bien fait ou bien «tout simplement» culture du ridicule qui «tue» et culture de la honte sociale que peut provoquer un travail bâclé, pas fini. Il suffit de comparer le Maroc à de nombreux pays asiatiques qui ont connu leur décollage économique pour nous représenter mentalement ce qui nous différencierait culturellement avec le Japon, la Corée du Sud, Singapour... La seconde raison est également économique. Elle réside dans la niche que représenteraient les industries culturelles et créatives dans l'économie marocaine. Partant de presque zéro, notre pays ne pourrait que réaliser de phénoménales marges de progression dans ce domaine. Pour illustrer ce propos, prenons l'exemple du livre. Un best-seller marocain s'écoule, dans le meilleur des cas, à 5 000 exemplaires, n'assurant ainsi ni rentabilité pour son éditeur ni source de revenus décente pour son auteur. La logique économique stipulerait qu'en augmentant le nombre de lecteurs, et donc de clients, le marché du livre ne pourrait que progresser. Calcul mathématique primaire, mais qui ne suffit pas. Car nous savons que ce résultat nécessite une préparation de ce marché avec, entre autres, des incitations faites à ses futurs clients. Cette préparation ne permettant pas d'avoir un retour sur investissement pour du privé doit être assurée par le service public. Consommer une culture émancipatrice et constructive La culture est un domaine qui en entraîne d'autres. C'est ce qu'appellent les économistes «externalités positives». Elles touchent directement le tourisme et le commerce. La culture augmente l'attrait du pays pour des investisseurs, agit sur le «soft power» pour une influence durable, politique ou économique. Il n'est point besoin de démontrer l'apport de la culture à l'économie, que ce soit en termes de créativité, d'innovation ou d'image. Pour notre pays, il «suffit» de trouver le mode opératoire pour préparer les Marocains, jeunes ou vieux, à consommer une culture émancipatrice et constructive et laisser vivre les artistes en leur assurant une liberté d'expression, condition sine qua non de la création. La culture est une solution quand elle favorise la productivité par la création, l'innovation et le dépassement des frontières imaginaires de la créativité. Elle peut être un frein quand elle tire vers le bas, favorisant conservatisme, immobilisme et fatalisme.