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Ces petites pièces qui peuvent rapporter gros
Publié dans La Vie éco le 25 - 02 - 2023

Le hobby des rois attire de prime abord des collectionneurs. Mais, il peut être considéré comme un placement. A l'étranger où ce marché est structuré, les plus-values peuvent être alléchantes.
L'Histoire d'un pays peut être racontée de différentes manières : à travers son architecture, son patrimoine immobilier, ses historiens, ses livres ancestraux..., mais aussi sa monnaie.
Les pièces de monnaie représentent les témoins du temps. Elles écrivent et transmettent l'Histoire et peuvent aussi la changer et façonner la succession des évènements. Et le Maroc, vieux de plus de deux millénaires, est riche en pièces frappées. Depuis les Maures, les Phéniciens et les Romains, en passant par l'ère islamique et pour atterrir finalement chez les plus modernes, post-protectorat, des millions de pièces de monnaie ont été frappées, certaines en de petits volumes, d'autres ont plutôt eu une longue vie et ont servi de base pour les commerçants. La monnaie nous remémore des souvenirs et la numismatique nous permet de ne pas les oublier.
Au-delà de leur valeur intrinsèque, les pièces de monnaie ont depuis la nuit des temps séduit les amoureux de l'Histoire, mais aussi la royauté et la noblesse. Ce n'est pas pour rien qu'on appelle ce loisir le hobby des rois. D'ailleurs, «l'empereur Maximilien du Saint empire romain germanique, Louis XIV de France, Ferdinand Ier et HenriIV ont été de grands collectionneurs de pièces de monnaie anciennes», confie Marouane Dannami, collectionneur depuis plus de 14 ans et membre de plusieurs clubs numismatiques au Maroc. Il est connu également que Dr Abdelkrim El Khatib, le Roi Farouq d'Egypte et même les Rois du Maroc, l'étaient aussi. Collecter une pièce de monnaie c'est posséder une partie de l'Histoire de son pays.
A travers le temps, les collectionneurs se sont fait nombreux, tous intéressés par la numismatique, cette science qui a pour objet d'étudier les pièces de monnaie, mais aussi les médailles et les jetons (voir encadré). Elle est tellement importante que Bank Al-Maghrib a dédié un musée spécifique aux pièces de monnaie, où figurent des perles historiques de l'Histoire du Maroc.
Un marché bien structuré
Etre collectionneur n'empêche pas de considérer ce loisir comme un placement, bien que les collectionneurs contactés assurent réaliser des transactions, plus dans un objectif d'avoir l'exclusivité sur des pièces rares que dans un but de placement stricto sensu. Il n'en demeure pas moins que la rentabilité peut être alléchante. Des ventes aux enchères sont organisées au Maroc comme à l'international pour espérer arracher une pièce historique qui continuera de changer de mains tant que la Terre continuera à tourner. Il faut savoir que ce marché, si l'on ose dire, est bien structuré à l'étranger. Des ventes aux enchères publiques sont organisées partout dans le monde, notamment à Barcelone, Paris, Londres, New York. Parallèlement, des sites électroniques proposent les pièces de monnaie à la vente, cataloguées et référencées, mentionnant l'estimation du prix à la vente et le prix effectif, comme spink.com, christies.com, sothebys.com... «Et la demande sur les pièces marocaines est largement manifestée tant par les Anglais que les Français, les Chinois, les Russes et les Américains», ajoute Dannami. Dans une moindre mesure, les pièces des pays voisins sont également recherchées.Malheureusement, au Maroc il n'existe aucun marché structuré à proprement parler. Quelques clubs ou amicales vivotent à Casablanca, Fès, Rabat, Oujda, Tanger, Agadir et récemment à Laâyoune où sont organisées des ventes aux enchères intra-muros ou encore des échanges tacites, ou des ventes directes entre collectionneurs. Le club le plus actif est celui de Casablanca où pratiquement chaque dimanche sont organisées des rencontres... Des boutiques existent aussi, proposant des pièces de monnaie à la vente. Elles ne sont toutefois pas nombreuses et ne proposent que des pièces largement frappées, donc sans grande valeur. Quoiqu'il est fort possible de dénicher chez des marchands de vraies pièces anciennes et rares, il suffit juste d'être fin connaisseur. Un collectionneur qui requiert l'anonymat nous raconte être tombé sur une pièce qu'il avait achetée à 5 DH dans une boutique, avant de découvrir peu de temps plus tard qu'elle était très recherchée et les collectionneurs étaient prêts à payer jusqu'à 20.000 DH pour l'acquérir. Le manque d'organisation de la numismatique marocaine fait que les pièces n'ont pas de valeur de référence. Lors des échanges ou de ventes directes, les prix sont estimés entre membres, en fonction de la dernière valeur de transaction ou en faisant appel à des experts dont le professionnalisme pourrait être discutable.
Les pièces de monnaie n'ont donc pas toutes la même valeur. Et ce n'est nullement en raison de leur ancienneté qu'elles ont de l'importance. Il est possible même que deux pièces de la même époque puissent avoir des valeurs très différentes. Des critères universellement admis sont pris en compte. Ainsi, le grade d'une pièce est généralement déterminé par six critères : la frappe, la conservation, l'éclat, la couleur, l'attractivité et parfois même le pays ou l'état dans lequel elles ont été frappées. Le classement va de Poor jusqu'au Brilliant Uncirculated et ce dernier est spécifique uniquement aux pièces commémoratives. Des classements intermédiaires sont disponibles, comme Good, Very Good, Fine, Extremly Fine...
De l'argent qui en vaut beaucoup
Qu'en est-il de leur «prix» lors d'une vente aux enchères ? Les meilleurs exemples à prendre proviennent de l'étranger, car ils sont catalogués et référencés. Une pièce de monnaie de Juba II, le roi de la Mauritanie, actuel Maroc, a été vendue en 2017 à pas moins de 6.000 dollars. Quatre années plus tard, elle a été échangée à 21.600 dollars, soit plus de 3 fois son prix. C'est en raison d'une forte envie de posséder cette perle rare que les collectionneurs se sont rués sur cette pièce. Prenons un exemple d'une pièce moderne de l'année 1201 (vers 1787) de l'Hégire, du temps de Mohammed III, d'une valeur de 10mithqals ou 10 rials. De la catégorie «Extremly Fine», la pièce a été cédée à 15.000 dollars en 2011, sachant que pendant la vente aux enchères, elle était estimée à 4.800 dollars. En 2015, sa valeur a gagné 37%, pour atteindre 20.561 dollars.
Un billet de 100 francs de 1926, émis lors de la période du protectorat, a été échangé en décembre 2022 à 300 euros, pour atteindre 4.200 euros, à peine un mois plus tard. Il est cité comme étant le plus bel exemplaire jamais catalogué. Toutes ne volent pas à des sommets, évidemment. Une pièce de monnaie islamique de la période almoravide (XIe siècle) a été vendue à 500 dollars en 2019, contre la moitié de son prix une année auparavant. Dans ce monde où c'est la valeur historique qui règne, le faux existe largement. Dans des boutiques d'antiquité ou dites spécialisées, l'on peut trouver d'anciennes pièces marocaines mises en vente mais leur authenticité reste douteuse. Néanmoins, les répliques ne peuvent exister pour toutes les anciennes pièces. Elles ne se font que pour celles qui ont été beaucoup frappées et qui donc n'ont pas de grande valeur. Il est impossible de trouver par exemple la pièce d'essai de Mohammed III en 1201 de l'Hégire ou de Hassan Ier en 1301 (vers 1884), parce qu'il s'agit notamment de pièces réalisées mais non émises ; un genre d'essai par la première maison de la frappe.
S'informer pour collectionner
La numismatique est donc un monde très impressionnant qui en dit long sur l'Histoire du pays. Avant d'espérer devenir numismate, Dannami prodigue plusieurs conseils : «Le premier est de s'inscrire dans un club, de se cultiver et de s'informer. Différents livres traitent de cela et les sites de recherche en la matière sont nombreux». Une fois bien informé, avec un bagage assez conséquent pour pouvoir accéder à ce monde, notre source recommande d'entamer sa collection, en achetant les pièces communes et donc largement frappées, pour ensuite élargir sa collection à des perles rares. Les rencontres et les ventes aux enchères faites dans des clubs restent l'endroit sûr pour acquérir des pièces puisqu'il y a possibilité de contester l'achat ou juste échanger... Une belle pièce ne vaut pas forcément son pesant d'or !
Les pièces de monnaie et les billets de banque sont les meilleurs témoins des évènements et de l'Histoire du Maroc.

Médailles et jetons, une autre collection
La numismatique ne se limite pas aux pièces de monnaie. Elle s'étend également aux médailles, qu'elles soient militaires ou offertes par des sultans, ou chefs de guerre. Elle englobe aussi les jetons nationaux de taxes sur les chiens ou sur les vélos, les jetons contre les services et autres types de métaux. Ces pièces ont également une valeur historique, surtout parce qu'elles sont liées à des évènements historiques. Tout comme les pièces de monnaie, les médailles et les jetons sont évalués à travers des critères relatifs à la couleur, à l'état de conservation, à la référence... Même le ruban de la médaille est estimé à part entière, en dehors de la médaille. La valeur d'un ruban peut aller à 3.000 euros ou même plus, alors que la médaille même peut commencer à 800 en moyenne et culminer à 5.000 euros.


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