Le débauchage s'intensifie chez les équipementiers automobiles La ville et sa région sont encore peu attractives, notamment en raison du déficit d'infrastructures éducatives et de loisirs. A Tanger, les entreprises ne savent plus à quel saint se vouer. Alors que la conjoncture commence à peine à s'améliorer, elles ont du mal à trouver la main-d'œuvre et l'encadrement nécessaires au redémarrage de l'activité. Le phénomène concerne tous les secteurs : le tourisme et l'hôtellerie, l'immobilier, mais surtout l'industrie et particulièrement les équipementiers automobiles. Beaucoup d'entreprises qui étaient pourtant obligées de licencier vers la fin 2008, à cause de la baisse d'activité, sont obligées de sortir de la région pour trouver les profils adéquats et vont même les chercher jusque dans le sud du pays. Selon Zhor Chahir, directrice des ressources humaines chez Automotive Wiring Systems Morocco (AWSM), les équipementiers n'ont pas d'autres choix que de débaucher ouvertement chez le concurrent. Actuellement, poursuit-elle, «nous avons besoin de 700 personnes, notamment des opérateurs sur machine, pour les besoins de lancement d'un nouveau produit et nous essayons tant bien que mal de les trouver en collaboration avec l'Agence nationale de promotion des emplois et des compétences (Anapec), y compris en dehors de Tanger». Et de préciser : «Certes, notre entreprise arrive à trouver la main-d'œuvre de base moyennant quelques concessions pour ce qui est du niveau d'études, mais quand il s'agit de recruter des cadres moyens, des chefs d'équipes, des techniciens de maintenance ou des responsables qualité, la tâche est plus ardue et ce, malgré les motivations autres que salariales que l'entreprise offre pour embaucher, mais aussi pour retenir le personnel». Le problème qui se pose actuellement à Tanger, relève un consultant en ressources humaines, est que les besoins en emploi de la ville et sa région ont augmenté rapidement en raison de la dynamique nouvelle de son tissu économique, sans qu'aucune gestion prévisionnelle de ces besoins n'ait été mise en place. «Nous avons pris conscience de cette nécessité, mais le retard à rattraper reste énorme, et surtout le manque est ressenti pour tous les profils, du plombier pour le secteur immobilier au cadre supérieur qu'il faut motiver pour le convaincre de venir», explique cette même source. Selon Mimoun Boujamâaoui, secrétaire général de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) nord, la ville doit non seulement investir dans la formation, mais aussi pour améliorer son attractivité aux yeux des cadres moyens et supérieurs. Les entreprises n'investissent pas suffisamment dans la formation En effet, le cadre qui travaille à Casablanca ou Rabat aura du mal à s'installer à Tanger même s'il améliore substantiellement son salaire de 25 à 30% pour la simple raison qu'il n'y trouvera pas les infrastructures éducatives et de loisirs nécessaires correspondant à ses attentes. «On commence enfin à s'intéresser à créer de telles infrastructures, particulièrement autour du port Tanger Med, mais c'est avec trois ou quatre ans de retard, alors que déjà en 2004, tous ces besoins étaient identifiés», commente M. Boujamâaoui. Mouad Bensouda, président de l'Association des gestionnaires et formateurs du personnel (Agef) locale, est du même avis, mais nuance son jugement en pointant du doigt les entreprises qui n'ont pas su anticiper et investir dans la formation. «Actuellement, les industriels de Tanger sont en train d'apprendre à gérer ce genre de situation, car ils avaient pris l'habitude d'évoluer dans un tissu économique des plus tranquilles. Mais en moins de dix ans on a vu arriver la zone franche, le port Tanger Med, le projet Renault et tous les équipementiers autour. Des projets grandioses, demandeurs d'une main-d'œuvre et de ressources humaines très importantes», explique-t-il. De plus, il estime que l'Anapec et l'Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (Ofppt) font tout ce qui est en leur pouvoir pour accompagner les entreprises de la région dans ce processus. Les écoles supérieures qui existent à Tanger ne sont pas en reste, et, pour s'en convaincre, lui-même déclare avoir recruté l'année dernière une trentaine de lauréats de l'Ecole nationale de commerce et de gestion (ENCG) de Tanger pour les besoins du terminal II de Tanger Med concédé à Eurogate dont il est le directeur des ressources humaines. Selon M. Bensouda, cette dernière a réussi, tout de même, à recruter la moitié de son personnel dans la région de Tanger et, pour beaucoup de profils qui n'existaient pas sur la place, elle a dû en former pour travailler dans le port. Pour les autres, les natifs de la région constituent entre 20 et 25% des recrues.