La détente des pressions inflationnistes devrait se traduire par une baisse du taux directeur de Bank Al-Maghrib. L'impact sera mécanique sur les taux monétaires et obligataires qui profitent déjà de l'effet d'anticipation. Les professionnels s'attendent à un assouplissement des conditions de crédit après cette baisse. La pression haussière sur les taux d'intérêt durant ces deux dernières années n'a pas manqué de déstabiliser le marché obligataire et celui du financement bancaire. En 2007 d'abord, suite à l'assèchement des liquidités dans le circuit monétaire, ce qui avait conduit au déplacement mécanique du taux directeur de Bank Al-Maghrib du niveau des reprises de liquidités (2,75%) vers celui des avances hebdomadaires (3,25%). Puis en 2008, en raison du relèvement par la banque centrale de son taux directeur de 25 points de base, à 3,50%, pour faire face aux pressions inflationnistes dues à la flambée des cours des matières premières sur les marchés internationaux. Si ces hausses n'ont pas été transmises directement aux taux d'intérêt des crédits à l'économie, en raison de l'indexation de ces taux sur les bons du Trésor et du refus de ce dernier de se financer à long terme, elles ont néanmoins conduit à un durcissement des conditions de financement chez les banques et à une frilosité des investisseurs vis-à-vis des titres de maturités longues. Cette situation va-t-elle perdurer ? 2009 sera-t-elle une troisième année de hausse des taux d'intérêt ? Tout prête à croire que la tendance va s'inverser. De l'avis de tous les professionnels, en effet, les taux d'intérêt sont appelés à baisser cette année ou, dans le pire des cas, à se maintenir stables. L'élément majeur qui conforte cette hypothèse est la perspective d'une baisse du taux directeur de Bank Al-Maghrib durant ce premier semestre. «Les facteurs de risque sur les prix intérieurs sont dans une tendance baissière, ce qui devrait mener la banque centrale à revoir à la baisse son taux directeur de 25 points de base pour le ramener à 3,25%», estime un analyste chez BMCE Capital Market. Il faut savoir que la transmission de la baisse des cours mondiaux des matières premières aux prix domestiques prend de plus en plus d'ampleur. Après deux années de flambée, les cours du pétrole et des céréales ont atteint en effet des niveaux très bas (le baril tourne aujourd'hui autour de 44 dollars contre un pic de 147 dollars en 2008), les incertitudes liées aux retombées de la crise économique internationale fragilisant la demande sur les matières premières. L'inflation devrait descendre à moins de 3% cette année Ainsi, les pressions inflationnistes sont appelées à baisser. Selon les prévisions de Bank Al-Maghrib, le taux d'inflation devrait passer de 3,9% en 2008 à 3,5% durant ce premier trimestre pour atteindre un niveau proche de 2,6% vers la fin de l'année. Ces hypothèses confortent donc l'idée d'une baisse du taux directeur, décision attendue pour ce mois de mars ou, au plus tard, pour juin prochain et qui serait salutaire pour l'économie marocaine. «Une action sur les taux s'impose dans un contexte économique qui aurait probablement besoin d'un assouplissement des conditions de crédit pour relancer l'économie», déclare-t-on auprès de BMCE Capital Market. Rappelons que la décision de baisser le taux allait être prise durant la réunion de politique monétaire de décembre dernier, mais que Bank Al-Maghrib a préféré temporiser pour s'assurer de la confirmation de la tendance des cours mondiaux des matières premières, comme l'avait précisé le gouverneur de la banque centrale lors de sa dernière réunion avec la presse. Ce n'est donc qu'une question de temps, et, en attendant, les opérateurs restent optimistes. «La banque centrale devrait mettre en œuvre une politique monétaire accomodante visant la stabilité des prix par le biais d'une baisse du taux directeur», affirme un intermédiaire en valeurs du Trésor. Les investisseurs le sont aussi puisqu'ils ont déjà favorisé une détente des taux obligataires. «Les investisseurs ont anticipé la baisse du taux directeur et ont déjà commencé à la répercuter sur les rendements des bons du Trésor. Actuellement, on peut dire que 80% de la baisse escomptée des taux obligataires, suite à l'abaissement du taux directeur, est déjà intégrée par le marché», précise l'analyste de BMCE Capital Market. Sur le compartiment monétaire, la situation est doublement favorable. Malgré le déplacement des taux au niveau de 3,50% après le relèvement de l'année dernière, l'abaissement du taux de la réserve monétaire obligatoire dont le taux est passé de 15% à 12% et la présence soutenue de la banque centrale à travers les injections de liquidités entraine une baisse des taux monétaires en dessous du seuil du taux directeur, comme l'explique Attijari Capital Market dans une récente analyse du marché. L'écart entre les taux obligataires primaires et secondaires constitue toujours une menace On voit de ce fait que l'anticipation d'une détente des taux et la présence soutenue de Bank Al-Maghrib sur le marché ont rendu favorable le contexte d'évolution des compartiments obligataires et monétaires depuis le début de l'année, et une fois la décision de la banque centrale prise, ce contexte touchera également le secteur bancaire et assouplira les conditions de crédit. Selon les analystes, cette situation devrait se poursuivre tout au long de l'année. «Du côté des investisseurs, le regain d'intérêt aux supports obligataires devrait se maintenir et les stratégies d'investissement observées actuellement militent pour une poursuite de la surpondération des maturités moyennes et longues, ce qui conforterait une détente des taux longs. Du côté de l'offre, la lecture des termes de la Loi de finances 2009 fait ressortir un besoin de financement intérieur du Trésor de l'ordre de 16,6 milliards de DH. Sur cette base, le recours de l'argentier de l'Etat au marché domestique ne devrait pas constituer un facteur de risque de hausse des rendements obligataires», explique-t-on chez BMCE Capital. Cela dit, si la crise internationale a permis une détente des cours des matières premières et, de facto, des pressions inflationnistes sur le Maroc, elle aura des effets recessionnistes sur quelques secteurs économiques, ce qui présente un risque. Ces effets se résument en une baisse de l'activité touristique, un tassement des investissements directs étrangers, un recul des transferts des MRE ainsi que des activités de service. L'impact de ces éléments sera mécanique sur le déficit de la balance des paiements et, par ricochet, sur le déficit de la balance commerciale qui devrait s'amplifier. «Ceci se traduira par un effet restrictif sur la liquidité bancaire sur un horizon moyen terme», confie un analyste. Les taux d'intérêt risquent-ils d'être impactés par cette situation ? Les opérateurs ne le pensent pas. «Le problème qui risque de se poser concerne plutôt les réserves en devises. Les liquidités en dirhams, malgré un léger déficit de l'ordre de 10 milliards de DH, restent suffisantes pour notre système grâce à une réserve monétaire surconstituée et des interventions de Bank Al-Maghrib couvrant tous les besoins des banques», estime l'un d'entre eux. Un autre risque continue de planer sur les taux d'intérêt, il s'agit du décalage accumulé entre les rendements primaires et secondaires des bons du Trésor. Il faut savoir en effet que ce dernier n'a pas levé de fonds sur les maturités longues depuis mars 2007, des maturités dont les rendements servent de référence à la détermination des taux des crédits à l'économie, notamment les prêts immobiliers. Cette absence a permis de maintenir ces rendements à des niveaux bas (3,4% pour le 10 ans et 3,69% pour le 15 ans). Seulement, sur le marché secondaire, ces taux atteignent actuellement 4,26% et 4,60%, soit un écart de près d'un point. Si le Trésor est amené à lever des fonds sur ces maturités, il devra s'aligner sur les niveaux de taux du marché secondaire, ce qui impacterai significativement les taux des crédits à l'économie et se traduirait par des échéances plus lourdes. Conscient de ce risque, le Trésor s'abstient toujours de toucher ces maturités, et cette situation devrait se poursuivre jusqu'à ce que les autorités bancaires réussissent à mettre en place une nouvelle forme d'indexation des crédits. En attendant, la révision à la baisse du taux directeur devrait faire baisser les rendements obligataires sur le marché secondaire, ce qui permettrait de réduire le différentiel avec les taux du marché primaire.