* Les maturités courtes ont été les plus concernées par la hausse. * Les taux débiteurs des crédits bancaires devront naturellement suivre. * Les taux devront poursuivre leur trend haussier sur le reste de l'année. Le marché obligataire a connu un renversement de tendance brutal au cours des six premiers mois de l'année. Après avoir enregistré d'importantes baisses en 2006 (jusqu'à -212 points de base), les taux d'intérêt ont subi une forte pression à la hausse depuis le début 2007 et se sont établis, lors de la dernière adjudication du semestre, à des niveaux nettement supérieurs à ceux de décembre dernier. La hausse a été plus prononcée pour les maturités courtes. En effet, les 13, 26 et 52 semaines ont enregistré des hausses respectives de 81, 78 et 14 points de base (pb) pour s'établir à 3,29%, 3,35% et 2,97%. Les maturités intermédiaires (2 ans et 5 ans) se sont appréciées, quant à elles, de 14 pb et de 4 pb pour s'élever à 3,03% et 3,16%. Enfin la partie longue de la courbe des taux (10, 15, 20 et 30 ans) a été la moins impactée par la tendance haussière, marquant ainsi une stabilité par rapport au début de l'année. Cette situation inquiète les professionnels du marché, notamment les établissements de crédit et les gestionnaires d'OPCVM, dans la mesure où, si la tendance se maintient, les taux planchers débiteurs pour les crédits (qui sont indexés sur les taux primaires des bons du Trésor) pourraient connaître une hausse et les performances des fonds investis en obligations risqueraient d'être médiocres cette année. Comment peut-on expliquer ce renversement brutal de tendance sur le marché des taux ? Cette situation va-t- elle perdurer ? Les opérateurs du marché attribuent la tension haussière à trois facteurs majeurs. «La baisse des taux obligataires a été trop rapide en 2006. Une correction était donc prévisible comme pour n'importe quel marché», commente un gestionnaire de la place. En effet, toutes les maturités avaient excessivement baissé en 2006, ce qui a conduit à la valorisation des anciens titres. Les investisseurs ont donc procédé à des liquidations massives des positions pour récupérer leurs bénéfices, alimentant ainsi la pression haussière sur les taux. Le deuxième facteur est lié au risque inflationniste. «Les pressions inflationnistes ressenties fin 2006 et début 2007 ont conduit la Banque centrale à relever son taux directeur de reprise hebdomadaire de liquidité de 25 points de base pour le porter à 2,75%», affirme Mehdi Janbar, analyste obligataire chez Gestar. «Ce renchérissement du loyer de l'argent a eu un impact direct sur la partie courte de la courbe des taux et même sur les maturités intermédiaires», ajoute-t-il. Enfin, le troisième facteur est l'assèchement des liquidités qui a boosté le mouvement de hausse. «Le marché est passé d'une situation structurellement excédentaire en 2006 à une situation structurellement déficitaire, notamment à cause de la progression de la réserve obligatoire des banques et de la récente privatisation des 4% de Maroc Telecom», explique Janbar. Ce sont en effet plus de 4,5 milliards de dirhams qui ont été virés directement vers les comptes du Trésor, ce qui a pour effet d'assécher la liquidité du marché. «Ceci a créé un choc important sur les rendements courts, qui s'est propagé sur le reste de la courbe des taux», tient-t-il à préciser. En effet, le marché a connu un assèchement important suite à la politique de Bank Al-Maghrib qui lui a permis d'absorber plus de 15 milliards de dirhams d'excédent via les reprises de liquidité hebdomadaires à 2,75%. Ceci, conjugué au tassement du rythme de croissance des recettes en devises par rapport aux années précédentes (recettes des voyages et investissements étrangers) a fait que le marché est passé d'une situation de placeur à la Banque centrale à une situation d'emprunteur auprès de cette même Banque. Dans ce contexte, les taux monétaires se sont déplacés du taux directeur de reprise à une semaine (2,75%) vers les taux directeurs des avances à une semaine (3,25%), soit une hausse de 50 points de base, ce qui a eu un impact de taille sur la courbe des taux obligataires. Cela dit, si les maturités courtes et moyennes ont subi une hausse, ceci n'est pas le cas des maturités longues et ce en raison de l'attitude du Trésor et des investisseurs. Le premier a concentré ses levées sur le court terme pour assurer ses besoins de fonctionnement (46% du total des levées, soit 11,4 milliards de dirhams) et a refusé les offres sur le long terme, étant donné que les taux exigés étaient élevés et que sa situation financière était confortable. De même pour les investisseurs, qui ont consacré 60% des montants proposés aux maturités courtes (58,8 milliards de dirhams) contre seulement 17% au long terme. À noter que l'offre globale au titre des adjudications a atteint 97,94 milliards de dirhams au premier semestre 2007, en repli de 52% par rapport à la même période de 2006, et que le Trésor a satisfait 19,4% de cette offre, soit 24,99 milliards de dirhams, en baisse de 13,3% par rapport à fin juin 2006. En ce qui concerne le marché secondaire des bons de Trésor, la hausse a été plus accentuée et a concerné presque toute la courbe des taux. En dehors des maturités courtes qui ont enregistré des baisses du même ordre que sur le marché primaire, les moyen et long termes ont connu une appréciation de l'ordre de 48,6 pb pour le 2 ans, 20,3 pb pour le 5 ans, 27,9 pb pour le 10 ans et 3,6 pb pour le 15 ans. Selon un trader de la place, les opérations sur le marché secondaire ont été concentrées sur les moyen et long termes, étant donné que les taux courts avaient déjà augmenté et que les opérateurs anticipaient une hausse sur la partie moyenne et longue de la courbe des taux. À cet effet, plus de 50% des transactions sur ce compartiment ont concerné le long terme, contre 20,7% pour le moyen terme et 19% pour le court terme. Le volume global s'est établi à 72,68 milliards de dirhams, en progression de 25% par rapport à la même période de 2006. Qu'en est-il des six prochains mois de l'année ? Cette tendance se confirmera-t-elle ? A priori, la réponse est Oui. Les données actuelles du marché semblent devenir structurelles et les opérateurs estiment qu'il y aura une pression à la hausse sur toute la courbe des taux. «De plus, la mégaopération d'introduction en Bourse de la CGI (Ndlr. d'un montant de 3 à 3,5 milliards de dirham) aura pour effet d'accentuer l'assèchement des liquidités sur le marché, ce qui pourra pousser davantage les taux vers la hausse», laisse entendre Mehdi Janbar, avant de conclure que «dans le meilleur des cas, la situation restera stable».