Prix et caractère non obligatoire en sont les principales causes. Dans le milieu périurbain, le taux d'immatriculation ne dépasse pas 70%. La conservation foncière entend imposer des zones d'immatriculation obligatoire et raccourcir le circuit. Un projet de loi déposé au Parlement. Incroyable ! A l'heure où l'on parle de villes nouvelles, de zones industrielles à élargir, des projets agricoles modernes et d'expropriations de plus en plus fréquentes pour les grands chantiers d'infrastructures, la superficie apte à accueillir ces nouveaux projets pourrait poser moult problèmes à l'avenir en raison des litiges fonciers pouvant survenir. Et pour cause, dans le milieu rural, et selon les données de l'Agence nationale de la conservation foncière du cadastre et de la cartographie (ANCFCC), plus de 85% des terrains en milieu rural ne sont pas immatriculés. Certes, sur l'ensemble du pays, la moyenne est tempérée par le nombre des terrains immatriculés en milieux urbain et périurbain. En effet, le pourcentage des terrains qui y sont immatriculés varie entre 60 et 70% pour le périurbain et dépasse les 90% dans les villes, apprend-t-on auprès de l'agence, mais quand on sait que la superficie rurale représente, à elle seule, et largement, plus que les deux autres types, on imagine aisément qu'en moyenne le taux d'immatriculation sur l'ensemble du territoire ne doit pas atteindre les 40%. A l'ANCFCC, on explique qu'il est difficile de calculer cette moyenne globale, mais on confirme la faiblesse d'un éventuel taux national. Le potentiel économique ou touristique fait grimper le nombre d'oppositions Qu'est-ce qui explique cette situation ? En fait, la faiblesse du taux d'immatriculation en milieu rural et périurbain ne s'explique pas seulement par la complexité et la multitude des régimes fonciers. Il y a également le prix prohibitif de la procédure, en dépit des récentes campagnes de sensibilisation et des prix incitatifs consentis par l'Etat, dans le nord du pays, région d'une forte densité démographique. A cela s'ajoute également et surtout «le caractère non contraignant de l'immatriculation . C'est même l'une des principales raisons qui expliquent la situation actuelle», confie un responsable à l'agence. Pour y remédier, l'ANCFCC a introduit dans le circuit législatif un projet de révision du dahir du 12 août 1913 relatif à la conservation foncière. Le projet qui est actuellement à l'étude au Parlement traite de plusieurs axes qui visent essentiellement la généralisation de l'immatriculation. Mais l'axe le plus important reste sans aucun doute la possibilité offerte à l'Etat d'ouvrir des zones d'immatriculation obligatoire. Toutefois, le caractère obligatoire ne sera pas général et se limitera à quelques zones. La même source souligne que cela dépendra du statut de la zone et de sa destination. Pour illustrer ces propos, on cite l'exemple de la zone franche de Tanger. «L'appréciation du prix du terrain constitue l'une des plus importantes conséquences de l'immatriculation. A Tanger par exemple, nous rencontrons des problèmes pour immatriculer des terrains puisque nous avons beaucoup de requêtes d'opposition. Et comme par hasard, le nombre des oppositions augmente avec la valeur du terrain», ironise ce responsable. C'est d'ailleurs pour cette raison que les régions à fort potentiel économique, touristique ou même résidentiel font de plus en plus l'objet d'une procédure de réquisition (procédure préalable à l'immatriculation qui correspond à une prétention de droit de propriété). «A Marrakech, par exemple, la majeure partie des zones limitrophes de la ville sont en procédure d'immatriculation. Ce qui a augmenté considérablement le prix de l'hectare pour le faire passer d'une moyenne de 200 000 DH, pour les terrains non immatriculés, à 3 millions de DH, après enregistrement à la conservation foncière», souligne un professionnel de l'immobilier de la ville ocre. Des «huissiers fonciers» seront chargés des relations avec les collectivités locales et le ministère de la justice Le deuxième axe important du projet 14-07 concerne la simplification des procédures d'immatriculation. Ainsi, le nouveau texte vise la suppression des certificats d'affichage et leur remplacement par des accusés de réception ou encore la fixation des délais qui s'imposent à tous les intervenants dans les procédures d'immatriculation pour la réalisation de cette dernière. Selon les dernières informations, les délais d'immatriculation qui peuvent aller jusqu'à 2 ans actuellement seront sensiblement réduits pour ne pas dépasser neuf mois. Pour y arriver, la direction générale de la conservation foncière compte jouer sur le raccourcissement du circuit. «Placer des huissiers dans chacune des 74 agences de conservation foncière que compte le Royaume», souligne-t-on auprès de l'ANCFCC. Ces huissiers seront chargés de tous les rapports de la conservation foncière avec les collectivités locales et le ministère de la justice. Leur présence permettra une réduction considérable de la période de réquisition puisqu'une grande partie de cette procédure repose sur l'affichage de la demande de réquisition et l'attente d'un délai de deux mois en vue de récolter une éventuelle opposition. «Le dahir de 1913 nous oblige à attendre une correspondance de la part de l'autorité locale (NDLR, le caid) de la région concernée qui atteste que la réquisition a bien été affichée durant deux mois, avant de commencer la procédure d'immatriculation. En pratique, cette correspondance n'est reçue que 3 ou 4 mois plus tard. C'est pour remédier à ce retard que nous avons décidé de recruter un huissier pour chacune des 74 agences de conservation foncière existantes. Celui-ci veillera notamment au respect du délai de deux mois pour l'opposition», explique la même source. Une fois adopté, le projet modificatif constituera donc le fer de lance de la bataille de l'immatriculation dans le monde rural. Mais ce ne sera pas le seul puisque l'ANCFCC compte sur une autre arme : les immatriculations collectives. En effet, depuis plus de deux ans, l'agence travaille de concert avec le ministère de l'intérieur pour immatriculer sans frais des communes entières. «Nous avons procédé à l'immatriculation collective de 9 communes en 2008, et comptons porter ce chiffre à 20 communes pour cette année», souligne-t-on auprès de l'agence. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce ne sont pas les communes pauvres qui en bénéficient, mais les plus riches. Et pour cause, lorsqu'elles sont menées sur des terrains à fort potentiel économique ou touristique, les immatriculations collectives profitent aussi à la conservation foncière puisqu'elles permettent plusieurs opérations (hypothèques, saisies, prénotation, certificat de propriété) sur le titre foncier. Les revenus générés par ces opérations représentent exactement 98% des recettes de l'ANCFCC. Celles qui sont générées par les immatriculations ne dépassant guère les 1,5%.