Bien géré, avec un approvisionnement maîtrisé, il offre une rentabilité supérieure à 10%. Un élevage de 40?000 têtes nécessite un investissement de près de 3 MDH et peut générer quelque 360?000 DH de gains chaque année. Coût du foncier, prix du matériel, procédures, prix de revient…, tout ce qu'il faut savoir. L'élevage avicole est un secteur qui présente beaucoup d'opportunités pour les investisseurs et offre une rentabilité intéressante, qui tourne autour de 12% (hors amortissement et impôt), pour peu que l'on soit vigilant sur la gestion du business. Mieux, le potentiel d'évolution est très important. En effet, compte tenu de leurs prix relativement bas par rapport aux autres denrées animales, les produits avicoles sont consommés par tous les Marocains et constituent un pilier de l'amélioration de la sécurité alimentaire de notre pays en termes de protéines d'origine animale. Avec une production, en 2007, de 370 000 tonnes de viandes de volailles, ce secteur couvre 100% des besoins pour ce type de viandes au Maroc, représentant 54% de la consommation totale toutes viandes confondues. Il a généré en 2007 un chiffre d'affaires de 16,7 milliards de DH et cumulé des investissements de l'ordre de 8 milliards de DH. Ayant évolué pendant des années dans une situation d'anarchie, le secteur avicole est, depuis 2006, strictement réglementé et mieux structuré. Après l'entrée en vigueur de la loi 49-99 réglementant la profession de l'élevage avicole et une année 2007 de transition pour se conformer aux nouvelles normes, plusieurs élevages ont été interdits d'exercer, à moins de se mettre à niveau, ce qui a même poussé certains professionnels à abandonner. A l'expiration de l'année de transition, seules 3 700 fermes de poulet de chair sur les 5 900 existantes avaient été autorisées à continuer leur activité. L'élevage de poulet de chair est le plus accessible Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, il y a de la place pour de nouveaux entrants dans le secteur, à condition qu'ils investissent convenablement et respectent les règles mises en place. Côté activité, le potentiel de croissance existe. Sur les trois dernières années, le taux d'accroissement moyen de la production des viandes de volailles a approché les 10 %. Et encore, on n'en est qu'à une consommation de 13,4 kg par an et par habitant. «En Europe, la moyenne de la consommation de viandes de volailles est de 20 à 25 kg par an et par habitant», précise Chaouki Jirari, directeur général de la Fédération interprofessionnelle du secteur avicole (FISA). Ce niveau de consommation encore faible, conjugué à des prix accessibles sur le marché (entre 12 et 17 DH le kilo de poulet vif en moyenne), ne peut que confirmer l'idée que le secteur continuera à se développer. «Il y a encore de la marge pour la production de viandes de volailles au Maroc», poursuit le DG de la FISA. Soyez vigilants pour l'achat du terrain Pour ceux qui souhaitent investir dans le secteur, il faut savoir qu'il existe plusieurs contraintes à gérer, concernant notamment l'approvisionnement en poussins et en aliments ainsi que la commercialisation des produits. Tout d'abord, il faut distinguer entre plusieurs types d'élevage avicole. Il y a ce qu'on appelle les couvoirs de production de poussins de type chair (destinés à l'engraissement), ceux de production de poussins de type ponte (reproducteurs), les élevages de volailles de type chair et enfin les élevages de poules pondeuses. Hormis l'élevage de poulet de chair, les autres catégories nécessitent des investissements colossaux et un savoir-faire très technique. D'où l'intérêt pour l'élevage d'engraissement, de poulet en particulier, qui est le plus important en nombre de fermes au Maroc, et le plus accessible à des investisseurs nouveaux dans le métier. Selon les professionnels, il vaut mieux démarrer petit si on fait ses premiers pas dans le domaine. Ceci dit, il faut avoir une taille convenable pour rentrer dans ses frais. «La taille optimale pour un nouvel éleveur est de 40 000 têtes. Cette capacité est viable du point de vue économique et, surtout, sanitaire», indique Ahmed Addioui, président de l'Association nationale des producteurs de viandes de volailles (APV). Des constructions pour un peu plus de 2 MDH Pour un élevage de 40 000 poulets, il faut un terrain d'environ 2 hectares. Au prix de 200 000 DH/ha en périphérie de ville (le prix varie selon la région et l'emplacement), le terrain coûtera 400 000 DH. Avant de l'acheter, s'assurer qu'il répond aux exigences réglementaires et économiques du métier. En effet, il faut que le terrain respecte les distances fixées par la loi 49-99 entre les différents élevages pour éviter les contaminations. L'éleveur doit aussi procéder aux analyses chimiques et bactériologiques de l'eau pour s'assurer qu'elle ne contient pas de métaux lourds ou de substances nuisibles à l'élevage. La possibilité de raccordement du terrain au réseau de l'Onep pour l'abreuvement des animaux est un avantage supplémentaire. En outre, l'accès au terrain doit être aisé en toutes saisons pour les véhicules de transport, et la proximité d'une ligne électrique est nécessaire. Acheter le terrain en hiver permet de vérifier qu'il n'y a pas de marécages. Une fois le terrain acquis, il faudra construire les bâtiments d'élevage. Pour respecter une densité de 12 poulets/ m2, il faut prévoir une superficie construite de 3 300 m2 pour les 40 000 têtes, soit, à titre d'exemple, trois bâtiments de 86 mètres de long et 13 m de large chacun, avec un sas de service pour les aliments. Ils peuvent se présenter sous forme de tunnel (cerf) avec isolation, ou en double pente (charpente), et doivent comporter des pédiluves à l'entrée pour la désinfection des pieds. La construction coûtera entre 500 et 700 DH le m2, soit un budget total de 1,65 MDH. Des bâtiments annexes sont à prévoir (vestiaires avec douches, bureau, magasin de stockage des aliments, logement des ouvriers…) et ce, conformément à la réglementation. Ils peuvent tenir sur 200 m2 dont le prix de construction tourne autour de 1 200 DH/m2, soit au total 240 000 DH. A cela, il faut ajouter une clôture – grillage ou mur – pour le terrain (la loi exige une hauteur de 1,5 mètre) pour près de 90 000 DH, une fosse à cadavres pour 3 000 DH, un puits et un château d'eau pour un total de 95 000 DH et enfin un autoluve pour la désinfection des roues des engins livreurs ou destinés à la distribution (3 000 DH). Concernant les équipements, le mieux est de disposer de chaînes d'alimentation automatiques avec abreuvement. Pour 40 000 poulets, il en faudra trois à raison de 140 000 DH l'unité, soit 420 000 DH. Durant les premières semaines d'alimentation, un matériel spécial est nécessaire (abreuvoir siphoïde et mangeoire linéaire) dont le coût est de près de 20 000 DH. Un chauffage (30 000 DH), un véhicule de transport (120 000 DH), du matériel de lavage et de désinfection (45 000 DH) ainsi que divers autres petits équipements (15 000 DH) sont à prévoir. Au total, l'investissement dans un élevage avicole d'une capacité de 40 000 unités coûte un peu plus de 3 MDH. La marge est à réaliser sur le prix des poussins Avant de démarrer l'activité, il faut fixer le poids de vente cible car c'est de ce poids que dépend le cycle d'élevage. Ce poids peut varier d'un kilo et quelque à plus de deux kilo. Son choix se fait en fonction de la demande à l'échelle de la région. Dans le Nord, par exemple, le poids le plus prisé est de 1,25 kilo. A Casablanca, par contre, la demande porte sur les volailles de plus de 2 kilos. «Pour un poids d'environ 2,25 kilos, il faut compter une période d'élevage de 45 jours, une période d'enlèvement (vente) de 5 jours, une autre d'évacuation du fumier, de lavage et de désinfection de 7 jours, et une dernière de vide sanitaire, imposée par la loi de 20 jours», précise Ahmed Addioui de l'APV. Au total 77 jours sont nécessaires pour engraisser et vendre des poussins d'un jour à un poids de 2 kilos et plus. Sur une année, cinq élevages (ou «pontes», selon la terminologie professionnelle) peuvent donc être réalisés. Mais les professionnels recommandent de se limiter à quatre afin de laisser à la ferme le temps de «respirer». Les termes de l'investissement et les prévisions d'activités étant fixés, il faut également se pencher sur le fonctionnement d'un cycle d'élevage. Pour une ponte de 40 000 unités, il faut s'approvisionner en premier lieu en poussins d'un jour. Pour cela, il existe deux marchés. Le premier est celui des accouveurs (il en existe plus de quarante). Les prix qu'ils proposent sont officiels (prix au couvoir) et peuvent être très intéressants. Mais l'approvisionnement doit s'inscrire dans le cadre d'un programme quand il n'y a pas de surproduction (achats planifiés dans le temps avec des quantités déterminées), ce qui est parfois contraignant. Le deuxième marché est quant à lui dit «parallèle» et il est entre les mains des intermédiaires. Il attire actuellement de plus en plus d'éleveurs car les prix peuvent y être très compétitifs (à partir de 30 centimes l'unités). Pour les besoins de notre simulation d'activité, un prix de 1 DH le poussin a été retenu, sachant qu'il peut aller jusqu'à 3 DH l'unité voire plus. Une fois que les poussins d'un jour sont dans la ferme, il faudra les nourrir. Et c'est là le poste de dépense le plus important de cette activité. «Les achats d'aliments représentent à eux seuls 60 à 70% du coût de revient», prévient Mohamed Chennaoui, éleveur avicole et membre de la FISA. On l'aura compris, la flambée des cours des matières premières sur les marchés internationaux en 2007 a aggravé le poids de cette charge pour les éleveurs. Les prix des aliments sont appelés à baisser Dans le but de vendre son élevage à un poids unitaire tournant autour de 2,25 kilos, il faudra compter 1 kilo d'aliment de démarrage par poussin, à 4,40 DH le kilo, et 3,5 kilos d'aliment de croissance à 4,20 DH le kilo, soit 14,7 DH. Au total, chaque poussin consommera pour 19,1 DH d'aliments, soit une charge globale de 760 000 DH pour une ponte de 40 000 têtes. L'élevage nécessitera également des produits vétérinaires (vaccins). Pour 40 000 têtes, cette charge s'établira à près de 80 000 DH. Enfin, pour ce qui est des autres charges – gaz pour le chauffage, paille pour la litière, main-d'œuvre (trois ou quatre ouvriers pour les 40 000 poussins), eau, électricité, transport et désinfection-, les professionnels estiment leur montant à 1,5 DH par kilo de poulet produit, soit, pour un élevage de 40 000 têtes, une dépense de près de 120 000 DH. In fine, le coût global d'une ponte de 40 000 têtes destinées à la vente avec un poids moyen de 2,25 kilos par poulet est de près d'un million de DH, ce qui correspond à un coût de revient de 25 DH par poulet, soit 11 DH le kilo ? Pour le prix de vente sortie ferme, il tourne actuellement autour de 12 DH le kilo après un pic de 13 DH en août dernier. Ce qui laisse dans notre cas une marge unitaire d'un DH/kilo, soit pour 40 000 têtes un gain de 90 000 DH. Ainsi, avec quatre cycles dans l'année, les bénéfices peuvent se monter à près de 360 000 DH hors amortissement de l'investissement et impôt sur le revenu (si l'éleveur se déclare comme personne physique) ou sur les sociétés (s'il est déclaré comme personne morale). Ces gains sont importants (12% de l'investissement chaque année). Pourtant, les professionnels du secteur estiment que les prix de vente sont inférieurs aux niveaux auxquels ils devraient se situer. «Il n'y a pas de réelle confrontation entre offre et demande sur le marché à cause de la multiplication des courtiers et de l'attitude passive de certains éleveurs qui, parfois, vendent à perte», déplore Mohamed Chennaoui. Pour lui, le prix sortie ferme doit être au minimum de 14 DH/kilo pour permettre de réaliser une marge décente. En attendant la mise à niveau de l'aval du secteur avicole (transport, marché de gros, tueries…), comme cela s'est fait avec l'élevage, et dans l'impossibilité d'agir sur les cours des matières premières, les éleveurs n'ont plus que les prix des poussins pour grignoter de la marge. «On peut gagner de 0,50 à 1 DH de marge rien que sur le prix du poussin», estime Ahmed Addioui de l'APV. Par ailleurs, selon les professionnels du secteur, les cours des matières premières devraient se détendre en raison de la récession économique mondiale et du retour à de bonnes récoltes. Ce qui devrait alléger les charges d'alimentation des éleveurs et renforcer leurs marges. En dehors de cela, une bonne gestion de l'élevage est essentielle pour optimiser les coûts et maximiser les gains. L'indice de consommation (rapport entre le tonnage d'aliment utilisé et le tonnage de poulet obtenu), notamment, est un ratio à optimiser (il doit être proche de 2). Pour cela, il faut veiller sur la qualité des poussins, celle des aliments, de l'eau et de la litière. De manière générale, il est impératif d'assurer les meilleures conditions à son élevage.