Global Money Week 2025 : l'AMMC s'engage pour l'éducation financière    Guerre commerciale : la Chine promet de rester "une terre sûre" pour les investissements étrangers    Al Hoceima : sur les traces du loup doré, un prédateur au service de la biodiversité    Nouvelle gifle pour l'Algérie et le Polisario : la maire de Paris débarque à Laâyoune pour une visite historique    Affaire Moubdi : Un technicien mis en examen pour corruption    Le polisario s'en prend au chef de la Minurso à la veille de la session du CS    Les Etats-Unis réitèrent leur reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara    Rabat : Signature d'une déclaration d'intention pour la création d'un Hub digital arabo-africain dédié à l'IA    L'AMDIE décroche une prestigieuse distinction à Abou Dhabi    International Poultry Council : Défis et anticipations de l'aviculture vus par 46 pays, à Casablanca    Abdelouafi Laftit reçoit à Rabat son homologue gambien    Les Etats-Unis réaffirment la souveraineté du Maroc sur son Sahara occidental    Real Sociedad : Nayef Aguerd incertain face à Majorque en Liga    République du Sud de l'Algérie : Un long combat pour l'indépendance et la libération    Trafic de psychotropes : Deux personnes interpellées à Salé    Inauguration à l'UNESCO de l'exposition « Le Maroc: Tradition d'Ouverture et de Paix »    Salles de cinéma : Nomination des membres de la Commission de soutien    Prix Cheikh Zayed du Livre : deux Marocains primés à Abou Dhabi    L'ambassadeur d'Israël sommé de quitter une commémoration du génocide rwandais, Tel-Aviv déplore une "profanation de la mémoire"    Rencontre diplomatique de haut niveau à Washington : Nasser Bourita rencontre son homologue américain Marco Rubio    Fitch maintient à «BB+f» la note du fonds BMCI Trésor Plus, intégralement exposé à la dette souveraine marocaine    Pour le DG du Festival du Livre de Paris, le Maroc est un « acteur majeur » de l'édition en Afrique    Etats-Unis-Maroc : Nasser Bourita reçu à Washington par Marco Rubio    Le Mexique n'exclut pas d'imposer des droits de douane de rétorsion contre les Etats-Unis    LdC : Le Real Madrid de Diaz face à Arsenal, duel entre le Bayern et l'Inter    Wydad-Raja : La date et l'heure du derby casablancais dévoilées    Rallye Aicha des Gazelles : Dacia Maroc mise sur ses talents féminins et sur son nouveau Duster    GITEX AFRICA 2025 : le VILLAGE APEBI, vitrine de l'innovation numérique marocaine    Maroc-Pérou : Un accord signé portant sur des enjeux politiques et sociaux    Le CG examine la formation aux métiers du transport à Nouaceur    Morocco FM Nasser Bourita to meet with US counterpart Marco Rubio in Washington    DGAPR : Fin de l'introduction des paniers de provisions après des cas de trafic    Le temps qu'il fera ce mardi 8 avril 2025    Espagne : Des ravisseurs exigent une rançon à la famille d'un migrant marocain enlevé    Les températures attendues ce mardi 8 avril 2025    Welcome Travel Group : le Maroc élu meilleure destination    Nouveaux droits de douane américains : Welcome recession !    Etats-Unis : Nasser Bourita sera reçu par Marco Rubio à Washington    L'Algérie accusée de vouloir annexer le nord du Mali    Parution : Abdelhak Najib signe des «Réflexions sur le cinéma marocain»    Escapades printanières : Le Maroc, destination incontournable des Français    Industrie du cinéma : 667.000 $ pour 29 festivals    Siel : 775 exposants pour la 30e édition    L'Algérie a fini la construction d'une base aérienne près du Maroc    CAN U17/Groupe C: La Tunisie et le Sénégal qualifiés, la Gambie barragiste    Coupe du Monde des Clubs 2025 : Yassine Bounou exprime sa fierté de représenter Al Hilal face au Real Madrid    L'Algérie perd la tête et continue de souffrir du "syndrome de la diarrhée chronique des communiqués"    Le rallye "Morocco Desert Challenge" fait escale à Laâyoune    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mohamed Zefzaf enfin traduit
Publié dans La Vie éco le 02 - 09 - 2008

Il y a sept ans disparaissait, à 56 ans, un des fleurons de la littérature marocaine d'expression arabe. Habile dans tous les genres, et particulièrement dans la nouvelle et le roman,
il a légué une Å"uvre prolixe, dont seule «L'Å"uf du coq» a été traduite en français, traduction
qui vient d'être publiée en format de poche.
Mohamed Zefzaf n'a jamais eu le sens des convenances. De sa désinvolture, il fournit l'ultime preuve vendredi 13 juillet 2001, en laissant en rade ses nombreux lecteurs pour appareiller vers le ciel des écrivains. Face à la vie, il était comme un amoureux transi devant une maîtresse qu'il avait dans la peau et qui «lui en faisait baver» en permanence. Il eut la force de la quitter après plusieurs adieux différés. Ce matin-là, nous étions à nouveau vieillis d'une mort qui meublait cette nécropole qu'était devenu notre cœur. Demeure le souvenir.
Un appartement délicieusement suranné, dans un quartier gorgé de mémoire : le Maârif, à Casablanca. On y pénètre à pas feutrés sous le regard suspicieux d'une dame sans âge, qui fait office de gouvernante, de secrétaire, de compagne et de souffre-douleur. Car le maître de céans n'est pas commode. On l'aperçoit. Avec son corps frêle, sa barbe fournie et son regard fiévreux, il semble tout droit sorti d'un roman de Dostoïevski. Dans une pièce ascétiquement meublée, il se tient couché, au milieu d'une foison de feuillets épars, scrupuleusement noircis. De temps à autre, il jette un œil par-delà la fenêtre, pour remonter le fil du temps, ce temps défunt où des arbres centenaires accompagnaient sa solitude d'écrivain.
Il remarque enfin votre présence, par inadvertance. Il balance entre l'envie de vous envoyer paître et l'observance des règles du savoir-vivre. Il se plie à ses dernières, sans conviction. D'emblée, on constate que Mohamed Zefzaf est distant à son propre égard, comme s'il devait accommoder ou chercher sans fin la bonne place pour parler de lui-même. Il projette sur ses propres propos une légère brume, se met à bafouiller, puis s'interrompt, s'excuse d'être incapable de se raconter. Fausse modestie ? Non, plutôt suprême touche d'humilité charmante. Goût aussi de la dérobade, par timidité. Toujours est-il que l'on se retrouve avec quelques bribes, et on est forcé de faire avec.
Avec son corps frêle, sa barbe fournie et son regard fiévreux, il semble tout droit sorti d'un roman de Dostoïevski
Une enfance crépusculaire. A l'âge de cinq ans, Mohamed Zefzaf fait l'expérience cruelle de la mort. Son père, un modeste fellah de la région de Souk El Arbaâ, s'arrache, sans crier gare, à la vie. Avec la mère, l'orphelin, durement éprouvé par cette disparition subite, s'installe dans un bidonville de Kénitra. Brûlure intense. Pour tromper la douleur que lui transfuse son quotidien miséreux et glauque, il devient un éternel fugitif en quête d'évasion. Il fuit donc, dans les livres.
Il en est si avide qu'il s'improvise crieur de journaux à seule fin de récolter l'argent nécessaire à l'assouvissement de son désir de lecture. A l'école, il brille. Au lycée, il flambe. Bac en poche, il poursuit un cursus de philosophie. Licence remportée haut la main. Enseignement. Vingt ans interminables voués à ce sacerdoce. Sans un soupçon de confort matériel. L'impécuniosité qui s'était attachée à ses pas, depuis sa naissance, ne le quitte pas d'une semelle. D'où son obsession de l'argent. Quand, par miracle, il en dispose, il s'empresse de le dissiper.
Depuis 1963, Mohamed Zefzaf écrit, compulsivement, copieusement, brillamment. Tous les genres y passent. De la poésie, à ses moments perdus ; du théâtre, mais en portion congrue (Chien tué sur le trottoir); des nouvelles en abondance et infiniment de romans, dont se distinguent Dialogue à une heure tardive (1970), La Femme et la Rose (1972), Trottoir et Mur (1974), Des maison basses (1979), Des Tombes dans l'eau (1978), Le plus fort (1978), Le Serpent et la Mer (1979), L'Arbre sacré (1980), Les Gitans dans la forêt (1982), Tentative de vie (1985), Le roi des djinns (1988), Ange blanc (1988), Le Renard qui apparaît et disparaît (1989), Le Quartier par derrière (1992), La Charette (1993)…
strongRien de rond ni de lisse sous sa plume ; ses mots, des arêtes coupantes /strongbr
Ayant une immense tendresse envers les bas-fonds, Mohamed Zefzaf en tisse la toile de fond de ses écrits, dans lesquels flottent les laissés-pour-compte, les faillis de la vie, les givrés et les paumés. Comme tous les écorchés vifs, l'auteur vit dans les angles. Rien de rond ni de lisse sous sa plume. Ses mots sont des arêtes. Ils coupent, griffent, blessent et jettent une implacable lumière sur notre société déroutée.
L'univers de Zefzaf n'est pas sans évoquer celui composé par Mohamed Choukri. D'ailleurs, les deux hommes entretenaient un lien indéfectible, semé de beuveries anthologiques, de désamours impromptus et de rabibochages tonitruants. Zefzaf avait poussé le zèle amical jusqu'à introduire Choukri dans L'œuf du coq.
De fait, rapportant une conversation qu'il vient d'avoir avec un écrivain dans la boîte de nuit où il travaille, Rahal, un des personnages clés du roman, se souvient : «Il m'a dit qu'il y a, dans notre pays, de grands écrivains, que l'un d'eux, célèbre dans le monde, nommé Mohamed Choukri, vivant à Tanger, est son ami. Moi, j'aimerais bien voir cet écrivain qui a écrit quelque chose comme Sonate à Kreutzer de Tolstoï. Il m'a répondu que oui. Sa vie est étrange. Il est âgé de cinquante ans, et il ne s'est jamais marié. Il prend son petit-déjeuner sous forme de bouteilles de wisky. Et quand il s'enivre, une envie folle le prend d'étrangler les femmes.»
Il écrivait au ras du quotidien des épaves et des destins crépusculaires
Comme son compère Choukri, Zefzaf n'est ni un architecte des formes littéraires ni un orfèvre de la langue. Il écrit au fil de la plume et au ras du quotidien des épaves et des destins crépusculaires. A dessein. Quand on empoigne le réel pour le conter au grand nombre, les broderies de l'imaginaire, les arabesques rhétoriques et les envolées lyriques sont souvent des obstacles à l'intelligibilité du récit. De ce souci de clarté résulte une prose couillue, râpeuse, foisonnante de mots de mauvaise vie.
Car l'auteur ne s'embarrasse pas de scrupules pudiques, il appelle chat un chat, et cela fait mouche. «Le souci de la forme ou le goût de la langue ne sont pas les signes distinctifs de l'œuvre de Mohamed Zefzaf. Ce qui en fait un écrivain singulier, c'est un souci plus essentiel, celui d'autrui. Il accueille des vies déboussolées, des existences dépouillées de toute espérance. Et par la loyauté avec laquelle il en rend compte, une sorte de lumière jaillit en chacun des protagonistes», analyse Salim Jay, dans son Dictionnaire des écrivains marocains (Eddif, 2005).
Pour se faire une idée sur la spécificité de l'écriture de Zefzaf, rien de tel qu'une plongée en apnée dans son court roman (110 pages) L'œuf du coq, traduit en français par Saïd Afoulous en 1998, soit quatorze ans après sa parution en arabe, puis réimprimé en poche par le même éditeur, Le Fennec, en juin 2008, cet opus met en scène un quatuor ombreux. Lhajja, propriétaire de l'immeuble bancal dans lequel logent
Omar et Rahal, est une juive convertie à l'islam par commodité. Pour se faire une place au soleil, elle consent à épouser un vieillard qui, en mourant, lui lègue une somme rondelette, grâce à laquelle elle rachète le bar dans lequel elle servait.
Quelque temps après, elle le revend et acquiert deux immeubles où elle reçoit des sans-logis à vil prix et des filles de joie. Rahal, lui, après son échec au bac à cause de la malveillance d'une prof de physique roumaine, déniche un emploi dans une pharmacie, d'où il est viré pour incompatibilité d'humeur avec la patronne. Désœuvré et désargenté, il se résout à occuper une chambre miteuse chez Lhajja avec deux autres démunis. Omar est chômeur et vit aux crochets de Lhajja en échange de ses faveurs. Enfin, Ghannou, alias Jiji, après une longue errance, a atterri dans une boîte de nuit.
«L'œuf du coq», roman noir qui met le doigt sur les plaies de la société marocaine
Tous ces personnages ont en commun d'être dans un constant besoin de vie meilleure, d'affection ou seulement de survie. Or, «ce n'est vraiment pas facile pour quiconque de dénicher une place au soleil», comme dit Lhajja. Pourtant, ces êtres s'obstinent dans leur quête d'un mieux-être affectif ou matériel.
En vain. Plus ils cherchent la lumière, plus ils s'enfoncent dans la solitude. Histoire de conjurer celle-ci, ils biberonnent jusqu'à plus soif. Lhajja et Omar ont toujours un coup dans le nez, Rahal dessoûle rarement, Jiji, pour arrondir ses fins de journée, fait boire le client et se sert par la même occasion.
Bref, l'alcool coule à flots dans ce roman de Zefzaf. Le sexe s'y taille la part d'un lion en rut. Lhajja fricote avec Omar, Rahal avec Jiji. Mais une fois dégrisés ou charnellement repus, les personnages se retrouvent avec leur désespérance, encore plus exacerbée par les intrigues et les trahisons auxquelles ces damnés se livrent mutuellement. Jiji qui avait assuré Rahal de sa fidélité, finit par le tromper avec son meilleur ami Hassan.
Roman noir, au sens propre du terme, qui met la plume sur les plaies de la société marocaine, avec une justesse de ton étonnante, L'œuf du coq est une illustration exemplaire du talent incisif de Mohamed Zefzaf.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.