L'hydrogène vert aura une place importante dans la production de l'énergie, notamment dans le secteur des fertilisants. Une usine de démonstration de quatre tonnes par jour est en cours de construction en collaboration avec un institut allemand. Elle permettra à OCP Group de répondre à une partie de ses besoins en ammoniac vert entrant dans la fabrication des fertilisants. Dans son intervention au sujet des défis technologiques de l'hydrogène vert, soulevé au cours du Sommet virtuel Power2X organisé cette semaine par l'IRESEN en collaboration avec l'Université Polytechnique Mohammed VI, Mohamed Benyahya, secrétaire général du département de l'environnement au ministère de l'energie, dresse ce constat : «L'hydrogène n'est pas encore pleinement exploité, mais il peut être un des accélérateurs importants de la décarbonisation de l'économie nationale». Cela dit, à l'aune de l'augmentation de l'objectif relatif à la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique national -on parle d'une hausse de 42 à 44% d'ici 2050-, chaque technologie mérite d'être utilisée. Dans le cadre de la Stratégie de développement bas-carbone 2050, l'hydrogène vert a effectivement une part importante, pour plusieurs raisons. Selon M. Benyahia, «on s'attend à ce que la part de l'industrie dans la production de l'énergie verte se développera de manière exponentielle entre 2020 et 2030, et au-delà. C'est là où l'hydrogène contribuera à réduire les émissions de gaz à effet de serre», souligne le secrétaire général. Par industrie, on vise les phosphates, notamment l'ammoniac vert pour la production des engrais, et la production du ciment, qui permettront, dans le cadre de la stratégie citée, de réduire jusqu'à 26% des émissions de gaz à effet de serre. La production d'électricité, tous moyens confondus, représentera 30% des efforts de cette réduction à l'horizon 2050. Autre apport significatif de l'hydrogène, l'amélioration de la qualité de l'air pour remédier aux pertes entraînées par la dégradation de l'atmosphère. Une usine de démonstration est déjà en marche Après l'annonce de la stratégie nationale allemande en matière d'hydrogène début juin, dotée de 6 milliards d'euros, dont deux milliards sont destinés à la coopération internationale, le Maroc et l'Allemagne fédérale ont signé un mémorandum d'entente pour promouvoir les technologies Power2X au Maroc et y construire la première unité de production d'hydrogène vert en Afrique. En tant que partenaire de l'Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (Iresen), l'institut Fraunhofer contribue à ce partenariat à travers plusieurs instituts qui participent actuellement au projet Green Ammonia. Ce projet vise à élaborer de nouvelles solutions et technologies afin de produire de l'ammoniac vert, destiné à servir comme matière première dans l'industrie des fertilisants. Mieux, l'institut allemand IGB construit actuellement une usine pilote pour produire l'ammoniac vert en partenariat avec OCP Group et la plate-forme Green Energy Park de l'Iresen. Cette usine, dotée d'une capacité de quatre tonnes par jour, sert à effectuer des tests techniques et économiques sur deux technologies d'électrolyse et de synthèse d'ammoniac. Le but final est de permettre à OCP Group de répondre à une partie de sa demande en ammoniac qui entre dans le processus de fabrication de plusieurs fertilisants. En Europe, afin d'atteindre les objectifs tracés par la Commission européenne d'ici quelques décennies, les estimations des investissements nécessaires avoisinent 42 milliards d'euros. Dans ce cadre, le Maroc compte sur la coopération avec les pays européens pour faire avancer son programme Power2X, dans lequel s'inscrivent les technologies dérivées de l'hydrogène. Un des débouchés de cette collaboration pourra être l'utilisation du surplus issu de la production d'énergie solaire ou éolienne pour produire l'hydrogène vert, comme disent les spécialistes. Déjà, des études conduites par l'institut de recherche allemand Fraunhofer disent que le Maroc est capable de saisir jusqu'à 4% de la demande mondiale en termes de Power2X, à l'horizon 2030. Les études citées affirment, en outre, que cette technologie constituera un débouché supplémentaire pour les énergies renouvelables au Maroc. Une commission ministérielle mixte, en charge d'élaborer une feuille de route en la matière, a été mise en place (www.lavieeco.com). Les experts sont unanimes Les scientifiques sont optimistes : l'hydrogène vert permettra d'élargir l'utilisation des énergies renouvelables. Cependant, des prérequis sont nécessaires. Selon Dolf Gielen, directeur de l'agence intergouvernementale d'innovation IRENA, un des premiers prérequis est la certification. Plusieurs cadres normatifs existent, que des pays situés en dehors du territoire européen, comme le Maroc ou l'Australie, essayent de dupliquer. Ces efforts liés à la certification peuvent reposer sur l'expérience acquise dans les énergies renouvelables et qui peut être appliquée sur l'hydrogène vert, malgré ces particularités. «Le plus essentiel est que les volets liés à la gouvernance et à la méthodologie soient étudiés», précise M. Gielen. Ceci étant, l'hydrogène vert, comme toutes les énergies renouvelables, fera face au retard accusé au niveau du cadre légal. Plusieurs textes ne sont pas encore promulgués ou attendent la publication de décrets d'application pour entrer en vigueur. Selon les professionnels, il s'agit là d'un grand handicap.