Sahara : S.M le Roi adresse un message de remerciements au Président panaméen    Réhabilitation d'Al-Haouz : le Maroc obtient une contribution de 190 millions d'euros de l'UE    Droit de grève : le gouvernement face à une salve d'amendements parlementaires    PJD. La voie talibanesque    Rabat : Présentation du livre « Faire écho à la voix de l'Afrique : Les plus grandes citations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI »    Monusco. La RDC peut compter sur l'Angola    Le Maroc appelle les pays africains à mettre l'intérêt suprême du continent au sommet des priorités    RDC-Maroc : La Première ministre congolaise à Rabat pour affermir les relations bilatérales    Les Trésors du Terroir marocain à l'Honneur au Salon ADIFE d'Abu Dhabi    Numérique. La Guinée et la Sierra Leone se connectent    Les femmes entrepreneures se retrouvent à Abidjan    Tanzanie. Une task-force contre la cybercriminalité    Noor Fès : Une Success story marocaine et qui commence à percer le marché américain    Tokyo : Karim Zidane met en lumière les atouts du Maroc en tant que destination privilégiée des investissements    OCP : Le CA augmente à fin septembre    Une délégation des FAR en visite du porte-avions USS Harry S. Truman au large d'Al Hoceima    La police espagnole loue la coopération sécuritaire avec le Maroc    Soft power militaire : Les FAR à l'avant-garde en Afrique [INTEGRAL]    ONU: M. Hilale élu président de la 6è Conférence pour l'établissement d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient    Phala Phala. Le scandale qui poursuit le président sud-africain.    La Somalie adopte le suffrage universel direct    ONU : toutes les 10 minutes, une femme dans le monde est tuée par un proche    RCA-FAR: Le maillot officiel des Verts étant floqué de la carte du Maroc, l'Algérien Yousri refuse de jouer avec !    RCA-FAR: La carte du Maroc, sera-t-elle remplacée par le drapeau national ?    Dopage. 6 ans de suspension pour l'athlète Kényane Anyango    Marrakech: Arrestation d'un français d'origine algérienne poursuivi par la police française    Environnement : L'écologiste marocain Saad Abid primé au Nigeria    Déchets ménagers : 1,88 milliard de dirhams alloués aux projets de valorisation    MAMHKOUMCH : Campagne nationale contre les violences technologiques faites aux femmes    Cinéma. Le Kilimandjaro sous le feu des projecteurs    LDC. RCA-AS FAR: L'Algérien Yousri, manquera-t-il le match à cause de la carte du Maroc ?    Championnats Arabes Amateurs de Golf. Le Maroc triomphe    Vague de froid: l'Etat s'apprête à prêter assistance à 872.000 personnes ciblées durant l'hiver    Le calvaire prolongé de Mohamed Saad Berrada, le ministre des silences embarrassés    Rencontres : la philosophie au rendez-vous    MMA : Boughanem, champion marocain de Muay Thai, remporte son combat en Autriche    Ahmed Spins, le fils Akhannouch sur la scène de Coachella 2025 en Californie    Un trafiquant de drogue belge recherché arrêté par les autorités marocaines à Casablanca    Festival du Cinéma des peuples : "Gray Days" d'Abir Fathouni remporte le Grand Prix    Interview avec Asma Graimiche : « Il est nécessaire d›intégrer la critique de cinéma aux programmes universitaires »    Mode. Le caftan marocain fait sensation à Séville    Foot: la sélection marocaine U15 prend part à un tournoi international en Espagne    Olympiakos : Ayoub El Kaabi claque un hat-trick et devient le meilleur buteur du championnat    Assurance au Maroc : Un marché émergent à fort potentiel    CV, c'est vous ! EP – 77. Nasry Aboujihade, un chirurgien au service de votre sourire    Taznakht : The Grand finale of the Aït Ouaouzguit carpet festival    Libye: L'union africaine réitère la pertinence des processus de Skhirat et de Bouznika    Taznakht : Clôture en beauté pour le Festival du tapis d'Aït Ouaouzguit    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Grande rétrospective des arts plastiques à Casa
Publié dans La Vie éco le 05 - 11 - 2004

Jusqu'au 13 novembre se tient dans l'ex-cathédrale du Sacré-Cœur, la Grande exposition nationale des arts plastiques. Outre son intérêt artistique pur, elle présente un intérêt pédagogique puisqu'elle reconstitue, avec une collection riche de 300 œuvres de très bonne facture, réalisées par 137 artistes marocains, la naissance et l'évolution des arts plastiques au Maroc.
Heureux Casablancais qui ont à se mettre sous la dent un morceau de choix, la Grande exposition nationale des arts plastiques, depuis longtemps promise, sans cesse ajournée, aujourd'hui offerte, en un lieu, ce qui en intensifie le plaisir, pétri de beauté sobre : la cathédrale du Sacré-Cœur, transformée, pour son salut et notre bonheur, en forum de la culture.
Au début étaient les enlumineurs et les miniaturistes
L'exposition, qui jamais ne se fourvoie dans l'exhibition folklorique, mérite le détour. Pour trois raisons. La première tient à la richesse des pièces rassemblées : près de 300 œuvres commises par 137 artistes, empruntées au ministère de la Culture, à la galerie Moulay Ismaïl et à la collection Marsam, parmi lesquelles certaines apparaissent très rarement sur les listes habituelles des prêteurs. La deuxième raison réside dans la facture remarquable des œuvres exposées, qui illustrent la bonne tenue des arts plastiques marocains, gage de leur réputation constamment honorable. De fait, cependant que la chanson s'essouffle, que le théâtre enchaîne les bides et que le cinéma ne voit pas toujours clair, l'art ne faillit jamais à son devoir d'excellence. La troisième raison se trouve liée à la portée pédagogique de l'exposition. En n'ostracisant aucun courant, style ou tendance, dans la mesure du possible, celle-ci propose un panorama de l'art marocain, dont il est loisible de tirer une leçon d'histoire. En plusieurs étapes.
Il convient de commencer par rectifier l'erreur selon laquelle «la pleinture est arrivée au Maroc dans les malles du colonialisme». Ainsi que le rappelle Toni Maraini, dans le n° 33, 2e semestre 1999, de la Revue Noire, les maîtres artisans possédaient, bien avant le Protectorat, un outillage technique incluant couleurs, pigments, teintes, vernis, mélanges, solvants, huiles, spatules, différents genres et tailles de pinceaux, et de craie pour tracer les dessins sans lesquels ils n'auraient pas pu décorer avec art et savoir bois, plâtre, céramique et – surtout – enluminer les manuscrits, calligraphier les textes et peindre les miniatures. En outre, prospéraient déjà les imagiers populaires qui puisaient leur inspiration dans les sources vives de la Bible et du Coran et la vie des saints : Adam et Eve, le sacrifice d'Abraham, Joseph et Zoleikha, L'arche de Noé, Sidna Ali Ibn Abi Talib, Sidi Rahal Al Boudali, Sidi Ahmed Tijani… Sans parler des miniaturistes, dont certaines œuvres, telle que Bayad et Rayad, furent exécutées au XIIIe siècle. Bref, la peinture, du moins sous sa forme non savante, était présente avant l'irruption européenne.
Certains considèrent Ben Ali R'bati comme précurseur de l'art contemporain…
Pour avoir usé du chevalet, inconnu à l'époque, Mohamed Ben Ali R'bati, auteur de scènes d'apparat, est considéré par certains comme le précurseur de l'art contemporain marocain. Honneur dont d'autres, occultant les vocations soudaines et secrètes du premier quart du siècle dernier ou les peintres comme Abdessalam El Fassi Ben Larbi, touchés par le ferment moderniste, accordent au couple de l'élan brisé : Ahmed Cherkaoui et Jilali Gharbaoui. Le premier, enfant de Boujad, formé à Paris puis à Varsovie, était fasciné par le signe, et ses toiles, des monogrammes de couleurs, se présentent comme une invitation à un voyage spirituel dans ce dernier. Après des études à Fès, Jilali Gharbaoui obtient en 1952 une bourse pour l'Ecole des Beaux-Arts de Paris. Il rencontre et se lie d'amitié avec Pierre Restany et Henri Michaux. Il séjourne en 1958 à Rome puis rentre à Rabat. Epuisé par son angoisse existentielle et sa dipsomanie, il est retrouvé mort à l'age de 41 ans, au petit matin, sur un banc public parisien. Dès 1952, il s'exprime pleinement par une gestuelle alliée à la calligraphie, qui appellent dramatiquement à la vie. Une œuvre claire, lumineuse, riche, inépuisable.
Belkahia, Melehi et Chebaâ, des révoltés qu'unit la même aversion pour la peinture folklorique
On s'accorde à soutenir que Ahmed Cherkaoui et Jilali Gharbaoui sont les premiers peintres à ouvrir à l'art marocain la voie de la modernité. Beaucoup s'y engouffrent et égaient de leur nouveau savoir-faire salons annuels et ateliers d'art (dont celui de Jacqueline Brodkys à Rabat). Mais les conversions isolées ne font pas communauté. Autrement dit, il y a des peintres, mais il n'y a pas encore une peinture assumant sa destinée et imposant ses lignes de démarcation. Un trio de rebelles va sonner la charge contre la mièvrerie, le folklorisme et la fadeur auxquels la peinture marocaine est encline selon le bon vouloir des consécrateurs. Nous sommes en 1964. Farid Belkahia, Mohamed Melihi et Mohamed Chebaâ, tous trois jeunes enseignants à l'Ecole des Beaux Arts de Casablanca, secouent le cocotier des valeurs esthétiques désuètes, affranchissent l'art du joug colonial et l'arriment à une modernité qui ne regarde pas de haut la tradition. Voilà. La «rupture épistémologique», voulue par le philosophe Abed El Jabri, est consommée.
Mais qui sont ces trois trublions qui ont donné le jour à la peinture contemporaine marocaine ? Né à Marrakech, en 1934, Farid Belkahia, est ce qu'il est convenu d'appeler un autodidacte. Il s'éprend de la peinture, sacrifie l'enseignement pour s'y vouer pleinement. Après un séjour édifiant à Paris puis à Prague, il rentre au Maroc en 1962, où il est nommé à la tête de l'Ecole des Beaux-Arts de Casablanca. Son œuvre s'adosse à un refus du mal que l'homme inflige à l'homme. Elle transmet les flux de la transe, la quête d'un salut que l'homme arrache dans son combat contre la mort. Avec la maturité, elle ne cesse de grandir dans un mouvement de lignes et de couleurs en évolution : recherche, affinement des rapports d'ombre et de lumière, concentration sur des thèmes, comme celui du malhoun, approfondissement du sens des formes. Mohamed Melihi, lui, est une sorte d'artiste picaresque. Doué d'une curiosité sans rivages, il se transporte d'un lieu à un autre, afin d'affûter son style. Des études distraites à l'Ecole des Beaux-Arts, suivies d'escales fécondes à Séville, Madrid, Rome, Paris et New York. Au bout, l'adhésion à l'expression abstraite en raison de sa compatibilité avec l'essence de la culture arabo-musulmane.
C'est par rejet de l'enseignement, à tonalité coloniale, dispensé par son professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Tétouan, Mariano Bertuchi, que le jeune Mohamed Chebaâ s'emploie à forger sa propre personnalité picturale. Mordu de folklorisme, orientalisme et paysagisme, Bertuchi les présente comme le fin du fin de l'expression picturale. Mohamed Chebaâ, en revanche, y lit une offense à la marocanité. Il s'en va chercher la muse dans l'argile, le plâtre, la sculpture et le dessin, éprouve sont talent de peintre dans les natures mortes. A Rome, la puissance expressive du monochrome lui est révélée grâce à Jakson Pollok et Franz Kleine, il s'initie à la gestualité.
En 1976, une trentaine d'artistes se regroupent dans l'Association nationale des plasticiens
Farid Belkahia, Mohamed Melehi, Mohamed Chebaâ, trois itinéraires distincts, mais trois révoltés unis par la même aversion de la peinture folklorique, hissée au rang de référence par les services des Beaux-Arts. Isolés au début, ces francs-tireurs vont bientôt recevoir de précieux renforts: Mohamed Hamidi, Mohamed Ataallah et Mustapha Hafid. Premier acte protestataire retentissant, en 1969. Pour s'élever contre le poussiéreux Salon de Printemps à Marrakech, véritable tout-à-l'égout, le petit groupe d'artistes «fomente» une exposition-manifeste sur la Place Jamaâ El-Fna, où sont explicitées les relations entre l'artisanat marocain et l'art moderne. L'effet en est heureux: les mœurs picturales établies se mettent à décliner, pendant que la nouvelle peinture commence à sortir de l'ombre. Le groupe s'étoffe. Mahjoubi Aherdan, Karim Bennani, Mekki Megara et Saad Cheffaj, entre autres transfuges de Rabat et de Tétouan, s'enrôlent sous la bannière. On se serre les coudes, multiplie les initiatives secouant de fond en comble la vie artistique. C'est ainsi qu'est constituée l'Association nationale des plasticiens marocains, dont la première exposition regroupe, en 1976, une trentaine d'artistes. La peinture contemporaine marocaine prend réellement son envol.
Mis en vive lumière, les «pionniers» poursuivent leur chemin de gloire sans peur et sans reproche, pendant qu'une génération relativement plus jeune émerge doucement. Mohamed Kacimi en était la figure de proue. S'il s'appuyait sur l'écriture et la calligraphie dans ses premières œuvres, cet artiste atypique (dont la première exposition à Meknès date de 1964) y échappa assez vite pour affirmer une œuvre peinte forte et originale où gestuelle abstraite et fantôme de figuration s'affrontent.
Se détachaient aussi de la deuxième vague des pinceaux aussi délicats que Fouad Bellamine, Hassan Slaoui, Abderrahmane Meliani, Saâd Hassani, Mustapha Boujemaaoui, et d'autres encore, tels que Abdallah Hariri, Abdelkébir Rabi, Houssein Talal, Abderrahmane Rahoul ou Abdelkrim Ghattas, jaloux de leur discrétion, mais artisans éblouissants des seventies «riches en parcours individuels, vocations et recherches venant élargir les horizons de la création et témoignant ainsi pour les décennies suivantes – entre vieilles disputes et nouvelles actions – de la concrète, définitive et multiforme présence de la peinture et de l'art contemporains au Maroc», comme l'écrit Toni Maraini.
De périodes novatrices, prolifiques, éclairées, l'histoire de la peinture marocaine est constamment semée. Faute d'espace, il serait malaisé de les évoquer toutes. Contentons-nous de répéter cette évidence : la peinture au Maroc ignore la léthargie et la sclérose, et sans cesse se renouvelle. Sans doute parce que c'est le seul champ créatif où la femme n'est pas seulement représentée en nombre mais aussi considérée comme actrice à part entière
«Peinture abstraite», 1982. Avec Belkahia et Chebaâ, Mohamed Melehi est un de ceux qui ont fomenté, en 1969, l'exposition-manifeste de Jemâ El Fna, à Marrakech, explicitant les relations entre artisanat et art moderne.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.