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Ces fonctionnaires qui veulent quitter l'administration…
Publié dans La Vie éco le 18 - 03 - 2005

13 000 demandes de départ volontaire déjà déposées, d'autres affluent de toutes parts.
Les cadres supérieurs arrivent en tête des candidats.
A travers des mesures incitatives, l'Etat espère en faire des entrepreneurs, mais peu semblent désireux de se reconvertir.
Les indemnités dépassent parfois le million de dirhams et beaucoup se demandent si l'Etat tiendra ses engagements.
Khaled T. est l'un des 13000 fonctionnaires qui ont postulé, à ce jour, au départ volontaire. Cinquante-deux ans, 28 ans de service, il termine sa carrière dans un service extérieur du ministère du Tourisme, de l'artisanat et de l'économie sociale. Un parcours du combattant. Il débuta sa carrière, en 1979, à l'échelle 10, après les deux ans de service civil obligatoire. Aujourd'hui, il perçoit un salaire mensuel d'un peu plus de 11 000 DH. Pour avoir sa retraite, il lui restait huit ans à galérer. Mais voilà Mohamed Boussaïd, ministre chargé de la Modernisation des secteurs publics (MMSP), qui lance en décembre 2004 «Intilaka», ambitieuse opération pour inciter les fonctionnaires à partir en retraite avant l'âge légal. Opération relayée depuis le début du mois de mars par une large campagne de communication.
C'est le branle-bas de combat parmi les milliers de fonctionnaires marocains (plus de 750 000, fonctionnaires des collectivités locales compris). De quoi s'agit-il ? D'encourager les fonctionnaires, surtout ceux âgés de 40 à 55 ans, ayant 21 ans de service pour les hommes et 15 ans pour les femmes, à demander leur départ volontaire avant l'âge de la retraite. La contrepartie ? des avantages financiers dont le plus important est l'indemnité de départ, fixée à un mois et demi de salaire brut par année de service effectif, avec un plafond de 36 mois pour les fonctionnaires classés dans les échelles supérieures ou égales à 6 et sans plafond pour les échelles inférieures. En somme, c'est exactement le montant de l'indemnité pour licenciement abusif prévue par l'article 41du nouveau code du travail, entré en vigueur en juin 2004.
L'occasion de partir tombe à point nommé pour Khaled. Jouissant d'une bonne santé relative, il veut pouvoir «croquer la vie à pleines dents», avant que la vieillesse ait raison de sa vitalité. Et il ne partira pas les poches vides : 600 000 DH environ comme indemnité de départ, et une pension mensuelle comprise entre 6000 et 7000 DH. «Tout compte fait, j'aurais gagné à peu près la même chose si j'étais resté jusqu'à l'âge légal de la retraite», sourit-il. Que compte-t-il faire de cet argent ? «Aucune idée. La proposition du ministère nous a tous pris au dépourvu, j'ai demandé mon départ, mais quoi faire de l'argent, je suis encore en train d'y réfléchir.»
«Même sans indemnité, je serais quand même partie»
Hafida a cinquante-huit ans. Elle, c'est dans le domaine de l'enseignement qu'elle baigne depuis ses vingt ans. Elle termine sa carrière comme professeur d'histoire moderne à la Faculté des Lettres de Rabat. Il ne lui reste que deux ans pour la retraite. Pourquoi ne pas attendre ? «Je me sens usée, vidée, je n'en peux plus, j'ai donné tout ce que je peux et plus. Si on m'avait proposé de partir avec le salaire que j'ai, sans aucune indemnité, je n'aurais pas hésité un seul instant.» Son salaire sera presque le même : aux alentours de 10000 DH. Arrivée l'âge de retraite, elle aura droit à 11 700 DH (1). L'indemnité que touchera Hafida, selon les simulations du ministère, serait de l'ordre de 160 000 DH. Que va-t-elle en faire ? «Mon rêve est d'ouvrir une crèche», raconte-t-elle. Sinon, elle se consacrera à son travail de militante dans un parti politique, et à ses activités associatives.
Une question tenaille pourtant Hafida. Celle qui revient sur les lèvres de nombreux volontaires de l'opération «Intilaka» : l'Etat respectera-t-il ses engagements?
Une autre question se pose : pourquoi un tel engouement pour le départ volontaire au sein du corps enseignant ? D'abord un constat: la majorité des demandes de départ émanent des fonctionnaires classés dans les échelles supérieures. D'après un cadre du ministère de l'Intérieur à Rabat, dans le seul service central, ils seraient plus de 400 à postuler au départ, dont la moitié occupent des postes «très intéressants, majoritairement hors échelle. Ça touche les plus gradés des cadres, ceux qui ont 50-54 ans et plus de 25 ans de service». (A la fin février 2005, on avait dénombré 720 partants, fonctionnaires de l'Intérieur). La même remarque nous est faite au niveau du ministère de l'Habitat et de l'urbanisme par un postulant, Mohamed Chaoui, professeur et chercheur de l'enseignement supérieur détaché auprès du ministère de l'Habitat. Ils seraient 149 dans ce département, «et parmi les meilleurs éléments, occupant ou ayant occupé de hautes responsabilités», à avoir fait leur demande de départ volontaire.
Les objectifs de l'opération ne sont pas contestés mais ses modalités, jugées peu claires
Lui-même, hors échelle, grade B, a sauté sur l'occasion. Mais il reste très dubitatif. «La simulation que j'ai faite via le site internet du MMSP (2) me donne droit à une indemnité de 1,2 million de DH et une pension mensuelle entre 12 et 13000 DH, mais je n'y crois pas trop. Je trouve cette simulation invraisemblable. Une femme médecin spécialiste dans la Santé publique, titulaire du même grade que moi, a procédé à la même simulation et n'a trouvé que 460 000 DH d'indemnité. Un écart flagrant.»
Certes, les objectifs de l'opération «Intilaka» ne sont pas contestés. Il était temps de dégraisser un secteur public pléthorique, de stabiliser une masse salariale en hausse constante et qui se développe annuellement de 2,5% à 3 % (le coût pour le Trésor public est de l'ordre de 12,8% du PIB cette année). M. Boussaïd a été clair lors du lancement de la campagne de communication sur ces objectifs : l'investissement. «C'est une opportunité pour les fonctionnaires désireux d'entreprendre des activités dans le secteur privé et de prendre ainsi un nouveau départ dans leur vie professionnelle», avait-il souligné. Ce ne sont pas des paroles en l'air. Une convention a été signée par le président du Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM), Othman Benjelloun et M. Boussaïd, pour la création d'un «mécanisme de financement spécifique pour les projets initiés par les candidats au départ volontaire». Lequel permettrait aux fonctionnaires partants de bénéficier de prêts allant de 1 à 3 millions de DH, à un taux d'intérêt de 6,90 % (avec une durée de remboursement s'étalant sur sept ans).
Reste à savoir si les partants sauteront le pas et se convertiront aux affaires. «Les mesures incitatives accompagnant l'opération sont là, mais inciteront-elles effectivement les partants à investir ?», s'interroge un banquier. Le fiasco du programme «Jeunes promoteurs», personnes plus dynamiques et plus ambitieuses, a laissé un certain pessimisme dans les esprits. D'autant que, parmi les 5000 demandes de départ acceptées à ce jour, les fonctionnaires de l'Education nationale et de la Justice occupent une bonne place, eux qui sont habitués généralement à des tâches administratives dévalorisantes, sans aucun esprit d'initiative, encore moins d'entreprise, et qui n'ont pas acquis la moindre capacité de gestion.
Cela dit, la manière dont l'opération départ volontaire a été menée, selon quelques connaisseurs, présente un autre avantage, et quelques inconvénients aussi. Côté qualité d'abord, note Mostapha Bouaziz, chercheur universitaire : «C'est l'esprit contractuel qui a primé». En ce sens, selon son jugement, tous les éléments d'un contrat ont été présents, notamment l'accord des deux parties. Cette philosophie basée, selon lui, sur le rapport contractuel, met «l'Etat et le fonctionnaire sur un pied d'égalité». La condition sine qua non pour la réussite d'une telle entreprise, juge-t-il, est de laisser l'esprit contractuel régner jusqu'au bout. Comment ? «Le principe du contrat est là, mais il manque de clarté sur le plan de la pratique». On propose aux fonctionnaires un départ volontaire, or, il n'y a devant eux qu'une simple simulation, laquelle ne tient pas compte de la réduction possible si le montant de l'indemnité est au-delà des 50%. «C'est un point qui risque de créer des malentendus», alerte le chercheur (voir encadré).
Fruit d'une politique désastreuse de l'éducation, le nombre des enseignants qui partent
Reste une dernière question : pourquoi, parmi les demandeurs, une grande proportion d'enseignants ? Pour la simple raison qu'il y a une dégradation des conditions d'exercice du métier, répondent-ils à l'unisson. Et en cela, on ne fait que récolter les fruits d'une politique d'un quart de siècle. «L'école fut toujours considérée comme une pépinière de la subversion», lâche un professeur universitaire. Parmi les autres secteurs de la fonction publique, la valeur de l'enseignant aurait subi une sacrée dégringolade. Une étude du SNE-Sup, datant de la fin des années 1990, a révélé que la fonction d'enseignant du supérieur (en fin de carrière) a, en 15 ans (entre 1979 et 1994), dégringolé au quarante-sixième rang, alors qu'elle occupait le troisième rang juste après celle de premier ministre et de ministre. Cette chute libre correspondrait à la dégradation des conditions de travail de l'enseignant : démotivation, lassitude…
Une chose est sûre, et inquiétante. «Ce sont les grosses capacités qui jettent l'éponge», remarque M. Bouaziz. Et l'enseignement risquerait de perdre ses meilleurs cadres. Mesure urgente, selon lui, pour sauver l'enseignant et la recherche scientifique : «La revalorisation du secteur». Ce dernier serait très productif si on avait une vision stratégique pour l'animer et l'encourager. «Sans cela, il n'y a pas de mise à niveau nationale et il n'y a pas de modernité», martèle-t-il.
Quand on lui demande pourquoi les pouvoirs publics ne se sont pas d'abord attaqué à ces 80000 fonctionnaires fantômes qui gagnent leurs émoluments sans effort ni mérite sur le dos du contribuable marocain, il répond : «Au plan formel, c'est vrai, il faut commencer par eux. Mais sur le fond, c'est comme la fraude fiscale. Ces fonctionnaires sont protégés par un système de clientélisme sur lequel butent les volontés les plus coriaces». Il faudrait d'abord un traitement politique, laisse-t-il entendre
Les jeunes retraités d'«Intilaka» viendront-ils rejoindre les anciens sur ces bancs ou réussiront-ils, comme souhaité par les promoteurs de l'opération, à se métamorphoser en «investisseurs dynamiques» ?


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