38 591 départs, soit 7% des effectifs globaux de l'administration. 55 % des partants ont encaissé moins de 200 000 DH et 423 ont eu chacun plus d'un million de DH. Prochaine étape : le redéploiement géographique des fonctionnaires. Affaire close pour l'opération des départs volontaires baptisée Intilaka, qui aura duré de janvier à juin 2005. L'on savait déjà que près de 38 000 fonctionnaires avaient quitté l'administration, mais pas plus. En septembre dernier, le ministère de la Modernisation des secteurs publics (MMSP) avait commandé une étude d'évaluation de l'opération. Il en a dévoilé en partie les résultats à l'occasion de la tenue du conseil supérieur de la fonction publique mardi 6 décembre. La Vie éco a pu avoir accès au bilan détaillé de l'opération Intilaka. Ainsi, selon les chiffres arrêtés par le MMSP, le nombre de fonctionnaires qui sont partis s'élève à 38 591 soit en fin de compte 7,56% des effectifs globaux de l'administration. Cela dit, ce chiffre cache des disparités selon les départements. D'où la crainte de certains que les départs soient plus massifs dans les secteurs sociaux, essentiellement la santé et l'éducation nationale. Or, dans pour ces deux secteurs précisément, le taux de départs est inférieur à la moyenne. Dans la Santé publique, on a comptabilisé 2 267 départs, soit 5,34% des effectifs. Mieux, les chiffres font état du départ de 372 médecins seulement dont plus de 50% en plus étaient basés à Casablanca et Rabat. Il faut relever au passage que l'essentiel des départs du ministère de la Santé a concerné les infirmiers, presque 1 200 à opter pour Intilaka sur un effectif de 21 200. L'Education nationale a enregistré 13 000 départs, soit 4,76% des effectifs. Nonobstant ce faible taux, 13 000 enseignants d'un seul coup, n'est-ce pas de nature à porter atteinte à la bonne marche des classes ? Réponse du ministre Mohamed Boussaïd : sur les 13 000 partants du MEN, seuls 40% sont des enseignants à proprement parler, les 60% restants étant fonctionnaires dans l'administratif. Dans le même sens, la Justice, où l'on craignait un départ massif de fonctionnaires avec des tribunaux déjà en sous-effectifs, n'a pas connu d'hémorragie. Et pour cause : le département de Mohamed Bouzoubaâ n'a comptabilisé que 988 départs dont 59 juges et magistrats seulement. 26% des fonctionnaires du ministère de l'Energie ont opté pour le départ volontaire Dans d'autres départements, en revanche, le taux de départs est élevé voire préoccupant. C'est le cas particulièrement de l'Energie et des mines qui a libéré 282 de ses fonctionnaires sur un total de 1 060, soit un taux de départs de 26,5 %, le plus élevé de l'opération. D'autres surprises sont venues d'autres départements comme l'Habitat, avec 447 départs sur 1 830 fonctionnaires, soit un taux de 24%, l'Agriculture qui compte 3 428 partants, soit 21,5% de ses effectifs, ou encore le ministère de l'Equipement qui a libéré 1 295 fonctionnaires sur un effectif global de 6 800. Mais avec tout cela, il semble qu'il n'y ait pas de quoi s'alarmer d'autant plus que le nombre de cadres (échelles 10, 11 et hors échelle) n'est pas inquiétant. Ainsi, selon les statistiques définitives, sur les 38 500 départs, 20 660 environ, soit 53,6%, concernent des fonctionnaires classés dans les échelles 10, 11 ou hors-échelle. Et pour boucler la boucle, le ministère de la Modernisation met en avant un dernier argument pour démontrer que la thèse de l'hémorragie est fausse : 75% des fonctionnaires partis sont âgés de 50 ans et plus et devaient de toute manière partir en retraite dans les proches années. Quid des indemnités de départ, parfois mirobolantes, qu'ont touché certains fonctionnaires, surtout les hauts placés ? Car il faut savoir que, dans certains cas, l'indemnité a atteint jusqu'à 2 millions de DH, voire plus. Mohamed Boussaïd reconnaît en effet que le pécule peut sembler trop généreux dans certains cas mais met en avant, une fois de plus, les chiffres globaux de l'opération. Il en ressort que sur les 38 591 partants, 21 100 (soit 55 %) ont reçu une indemnité inférieure à 200 000 DH chacun contre seulement 423 chanceux qui sont partis avec 1 million de DH et plus. L'indemnité de départ moyenne, ainsi calculée, atteint en définitive 272 300 DH. Et Mohamed Boussaïd de poursuivre que «l'Etat n'a pas été [plus royaliste que le Roi]en accordant 1,5 mois de salaire par année d'ancienneté, exactement ce qui est accordé aux salariés du secteur privé par le Code du travail». Une opération rentable pour l'Etat La grande critique adressée à Intilaka, à savoir que l'Etat a été trop généreux, se trouve donc démentie. Pour autant, des questions restent posées. La première est de savoir en quoi une telle opération aura servi la réforme de l'administration puisqu'elle n'a touché que 7% des effectifs. Pour M. Boussaïd, il y a d'abord le gain financier pour l'Etat qui, même s'il n'aime pas en faire un argument de vente, représente tout de même un bon indicateur. Le budget de l'Etat sera allégé, dès 2006, de plus de 5 milliards de DH au titre de la masse salariale(*). Autre question : que fera-t-on pour les départs d'instituteurs, de professeurs et de médecins ? Le gouvernement apporte la réponse en rappelant que, pour 2005 et 2006, les ministères de la Santé et de l'Education nationale ont droit respectivement à 2 600 et 8 000 postes budgétaires. Mais cette fois-ci, le recruteur, en l'occurrence l'Etat, a la ferme intention de ne pas refaire les mêmes erreurs. Les recrutements se feront réellement en fonction des besoins en profils et surtout des besoins par régions. D'ailleurs, une autre grande opération est annoncée pour 2006, qui portera sur le redéploiement géographique et la mobilité des fonctionnaires. Le MMSP a déjà quelques pistes. La première consiste en la création d'une bourse de postes inter-départements. Des offres de postes, tous départements confondus, seront diffusées à travers toutes les administrations. «Concrètement, explique Mohamed Boussaïd, un licencié en anglais, au lieu de se tourner les pouces dans une administration, peut aller enseigner l'anglais là où on a besoin de lui». L'idée est séduisante mais encore faut-il que les fonctionnaires acceptent d'aller en région. Pour cela, le ministre des Secteurs publics insiste sur le caractère volontaire du redéploiement. Et pour encourager ceux qui veulent tenter l'aventure, une carotte financière est prévue. Ce sera soit une indemnité de zone plus importante soit une nouvelle indemnité forfaitaire. Cela dit, le gouvernement oublie que le salaire n'est pas la seule motivation. Car à ceux qui accepteront d'aller en région, l'Etat devra en plus garantir les moyens de vie les plus élémentaires, notamment les services de santé, la scolarisation des enfants, pour ceux qui en ont, et les autres services comme les loisirs. Ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui. 1000 désistements en vue ! Que se passe-t-il quand, pour une raison ou une autre, un fonctionnaire dont la demande de départ a déjà été approuvée ne veut plus ou ne peut plus quitter son emploi ? En effet, entre le moment où le fonctionnaire a exprimé son souhait de quitter et le moment où il doit effectivement le faire, plusieurs mois peuvent s'être écoulés. Et il peut arriver que, pendant ces mois, un nouvel événement, familial ou autre, rende son départ inopportun. Des cas de ce genre ont été enregistrés. Ils sont au nombre de 1 000 environ et l'administration a accédé à leur demande de désistement pour des raisons souvent humanitaires. Cela dit, ils ne pourront revenir qu'à la condition de rembourser l'indemnité qu'ils ont déjà encaissée. Ce qui portera, en définitive, le nombre de partants à 37 500 au lieu de 38 500.