Alliance conjoncturelle ou projet de société alternatif ? Les raisons de la réactivation de la Koutla sont multiples. A l'USFP, on estime qu'il s'agit d'une réponse à la création du Rassemblement démocratique de gauche. D'autres invoquent la nécessité d'améliorer les conditions de participation des partis de la Koutla au gouvernement. En guise de rentrée politique, nous avons eu droit cette année à du réchauffé. De nouveau, on reparle de Koutla. Une coalition dont la mort a été maintes fois annoncée et qui a été enterrée en bonne et due forme. Il y a déjà quelques années, un confrère avait titré à la une : «Ci-gît la Koutla !». Ainsi, on reparle de nouveau de la Koutla. Discours de circonstance ou nécessité objective ? La Koutla a-t-elle encore un rôle à jouer ? Reflète-t-elle un besoin d'alliance ? Sert-elle une finalité conjoncturelle ou poursuit-elle des objectifs stratégiques ? De la fin du mois de juillet à la mi-septembre, des réunions bilatérales se sont succédé entre l'Istiqlal, l'USFP et le PPS et l'on s'attend à ce que les trois partis tiennent une réunion conjointe pour réactiver la défunte Koutla. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Et pour quoi faire? Telles sont les trois questions qui ont donné lieu aux spéculations les plus contradictoires. Lorsque l'on pose la question de l'opportunité de la réactivation de la Koutla, les réponses sont trop générales et peu convaincantes. Seul Bachir Znagui, membre du comité central de l'USFP, apporte une réponse claire. Pour lui, ce serait là «le résultat d'un jeu subtil de rivalité entre les deux principales formations de la Koutla : l'Istiqlal et l'USFP». Ce serait donc, estime M. Znagui, une riposte à la dynamique unitaire à l'œuvre au sein de la gauche radicale, qui s'est regroupée dans le cadre du Rassemblement de la gauche démocratique (RGD) et par la fusion annoncée entre la GSU et Fidélité à la démocratie. Une riposte justifiée par le fait que le RGD se présente comme une alternative future à la Koutla. L'USFP chercherait donc à défendre son carré de gauche contre le RGD et à contrecarrer la volonté d'hégémonie de l'Istiqlal, qui ne rate aucune occasion pour se présenter comme le premier parti de la Koutla et du pays ! Au-délà de l'opportunité se pose la question du rôle de la Koutla Il est possible également que les textes législatifs décisifs relatifs à l'organisation des partis politiques et au réaménagement du mode de scrutin imposent une certaine coordination au sein de la Koutla. Quoi de mieux que de se présenter en rangs unis pour peser sur l'orientation de ces textes ? Mais au-delà de la question de l'opportunité, se pose une autre question, celle du rôle de la Koutla. Deux réponses sont faites. Celle de Khalid Naciri, membre du bureau politique du PPS, pour qui «la Koutla n'a jamais été un bloc de gauche. C'est une coalition de démocrates. Minoritaire, la gauche a besoin d'alliances crédibles». L'alliance avec l'Istiqlal s'impose donc. Le secrétaire général du parti, Ismaïl Alaoui, va encore plus loin : «La Koutla nouvelle formule devrait regrouper un large spectre de partis allant des organisations d'extrême gauche jusqu'au centre droit, c'est-à-dire le RNI». Mohamed Saâd Alami, ex-membre du secrétariat permanent de la Koutla, et membre du comité exécutif de l'Istiqlal, répond en écho. «La question pertinente n'est pas celle de savoir qui peut être membre de la Koutla, mais qui partage ses objectifs. Des objectifs qui ont besoin d'être actualisés. La question cruciale est celle des moyens. Voilà le critère déterminant. La participation ou non au gouvernement en est un exemple», précise-t-il. Appliqué, ce critère mettrait la GSU hors de la Koutla. Des visées ministérielles ? L'idée n'est pas saugrenue Chose que Mostafa Bouaziz, dirigeant de ce parti, regrette. «La Koutla était forte de sa diversité. Elle supportait la présence en son sein d'une formation qui rejette la participation au gouvernement (ex-OADP)… La transformer en une simple alliance politique conjoncturelle pour gérer une participation minoritaire au gouvernement serait réducteur et contraire à sa charte», analyse-t-il. Si le flou et les contradictions persistent sur qui peut être membre de la Koutla, c'est tout simplement en raison des conceptions divergentes que l'on se fait d'elle. Est-elle une alliance stratégique porteuse d'un projet de société alternatif (démocratique, moderniste, solidaire et productif, selon les termes de la charte de la Koutla) ou une alliance conjoncturelle ? Dans le premier cas, seules les formations porteuses de ce projet de société alternatif peuvent être membres de la Koutla et la majorité gouvernementale n'a plus de raison d'être. Dans le second, l'horizon politique reste celui de cette majorité, et il n'est alors question que d'amélioration des conditions de cette participation. Il est évident, affirme M. Bouaziz que ce qui est stratégique pour l'Istiqlal, l'USFP et le PPS, c'est la participation au gouvernement. Ils ont compris qu'ils se sont affaiblis face au poids grandissant des technocrates au sein de l'Exécutif. «Dans ces conditions, la réactivation de la Koutla poursuit un objectif évident : arrêter une telle évolution et améliorer leur participation gouvernementale», déclare-t-il. Selon M. Bouaziz, si les trois partis de la Koutla s'activent dès aujourd'hui, c'est en perspective de la formation du gouvernement issu des législatives de 2007. Quel est son pronostic ? Il n'est pas très optimiste. Si les données ne changent pas fondamentalement, soit ces partis seront écartés du gouvernement, soit leur participation sera encore plus réduite qu'aujourd'hui par la poursuite de l'opération de greffe technocratique aux partis. Le Parti de l'Istiqlal a néanmoins une marge de manœuvre plus grande et pourrait récolter, en prime, la primature. En effet, ce parti peut parfaitement se passer de l'alliance avec l'USFP et participer au gouvernement sans lui. Dans ce scénario, il dirigerait une autre majorité composée du pôle haraki, du PJD et du RNI. C'est pourquoi les récentes spéculations sur l'entrée du PJD au gouvernement n'étaient pas totalement dénuées de vérité. Il s'agissait peut-être d'un ballon d'essai ou d'une répétition générale. Bachir Znagui, lui, n'en a cure. Tout ce remue-ménage à propos de la Koutla n'est pour lui que poudre aux yeux. «C'est un discours de circonstance. La Koutla a fait son temps depuis bien longtemps. L'Istiqlal a démontré, à de nombreuses occasions, qu'il était un adversaire politique de l'USFP et qu'il agissait en tant que tel. Nous devons avoir le courage de le reconnaître et d'en tirer toutes les conséquences». Certains dirigeants politiques de gauche ont un jugement définitif sur la Koutla et n'hésitent pas à le dire sans fioritures. Kamal Lahbib (GSU) en fait partie. Pour lui, «la Koutla est une structure vide de sens, truffée de contradictions, d'esprit hégémonique et d'exclusion» Les textes législatifs décisifs relatifs à l'organisation des partis politiques et au réaménagement du mode de scrutin imposent une coordination au sein de la Koutla. Quoi de mieux, en effet, que de se présenter en rangs unis pour peser sur l'orientation de ces textes ? Feu Ali Yata (PPS), Abderrahmane Youssoufi (USFP), M'hamed Boucetta (PI), Abdellah Ibrahim (UNFP) et Mohamed Bensaïd Aït Idder (OADP), le 17 mai 1992 lors de l'annonce de la constitution de la Koutla démocratique. Celle-ci survivra-t-elle à ses anciens dirigeants ?