Koutla démocratique Les attentats du 16 mai ont changé la donne politique. Les militants de l'Istiqlal ont été les premiers à pousser leur parti à rompre les ponts avec le PJD. Du coup, on reparle à nouveau de la Koutla. “Désormais, il n'y aura d'entreprise commune qu'avec nos alliés traditionnels de la Koutla”. Abbas El Fassi, est-il en train de se rabattre sur des sentiers battus, tant il est vrai que les professions de foi reviennent incessamment dans les bouches des leaders de la Koutla ? La routine, alors que le bloc démocratique, sombre, lui dans sa léthargie de toujours? Une chose est sûre, en tenant pareils propos devant des membres du Conseil national, réuni dimanche 1er juin, Abbas El Fassi se veut catégorique : la Koutla, d'abord. En fait, cette prise de position sonne comme une autocritique. Il fut un certain moment, effectivement, où l'Istiqlal s'est rallié au parti de la Justice et du Développement, sur toute la longueur d'ondes, parfois au détriment de son alliance avec l'USFP, frère-ennemi au sein de la Koutla. On s'en souvient encore, c'est l'alliance du parti de Si Abbas, avec le PJD et les mouvements Aherdane-Laensar qui a tenu en échec la reconduction d'Abderrahman Youssoufi à la tête du gouvernement de l'après 27 septembre. Les annales de ces cinq dernières années retiendront, également les critiques aussi ouvertes qu'acerbes de Abbas El Fassi à l'égard du gouvernement Youssoufi. Surfant sur la vague et la vulgate islamo-populiste, Abbas El Fassi avait fustigé ce qu'il appelle “l'absence du référentiel islamique” dans l'action du gouvernement. Impardonnable : la Koutla en prend un coup très dur. La suite est désormais connue. Depuis le 16 mai, c'est l'histoire ancienne. C'est que les attentats qui ont frappé de plein fouet le Maroc ont changé la donne politique nationale. Un exemple parmi d'autres : le PJD, allié potentiel du PI ou allié de rechange est au creux de la vague. Montré du doigt, le parti de Abdelkrim Khatib est accusé d'être “le responsable moral” du carnage qui a visé la démocratie, la stabilité et les institutions du pays. On lui reproche, surtout, d'avoir nourri la littérature de la haine et pris pour cible les emblèmes de la vie moderne. Dérapage qui coûtera sûrement cher aux barbus du PJD. Abbas El Fassi n'en est que pleinement conscient. Le Parti d'Abbas El Fassi est loin, on ne le comprend que trop, de payer les pots cassés. Plus, il faut beaucoup de temps et d'efforts pour que le PJD remonte la pente. Attendre serait pour l'Istiqlal, une entreprise très risquée. Qui plus est, ressemblera à un acte de réhabilitation, une caution de l'ambiguïté de son allié d'hier. Les militants du PI étaient les premiers à pousser leur parti à rompre les ponts. Le secrétaire général, lui, a suivi le mouvement. Celui de ses partisans, certes, mais aussi du bloc démocratique lui-même. Il n'est pas fortuit, loin s'en faut, que deux jours avant la tenue du CN du parti de l'Istiqlal, son secrétaire général et celui de l'USFP ont participé à une conférence à Rabat. Refondation Initiée par la Fondation Abderrahim Bouabid, la conférence Fassi-Youssoufi a balisé le chemin. On y a parlé d'autocritique, bien sûr, mais de “re-fondation” de la Koutla. Sur ce registre, il devient plus “qu'évident que la Koutla doit changer de forme et de formule”. Outre le meccano PI-USFP, le bloc était essentiellement composé de l'ex-OADP de Aït Idder, de l'UNFP d'Abdallah Ibrahim et du PPS d'Ismaïl Alaoui. L'UNFP, le parent pauvre, a adopté une position “d'observateur engagé”. Et partant, on oublie souvent qu'elle faisait partie du bloc. L'OADP, quant à elle, a choisi de se donner un coup de barre plus à gauche. S'alliant aux franges plus radicales de la gauche, elle est devenue la gauche unifiée (GSU). Les alliances changent, les priorités aussi. Restent l'USFP, le PI et le PPS. S'ouvrir sur d'autres formations politiques, pour la Koutla, revient à regarder du côté du parti démocratique socialiste, le PSD d'Aïssa Ouardighi et du Front des Forces démocratiques, FFD de Thami Khyari. Le premier, plus proche, a déjà un pied au sein du bloc par le biais de l'Alliance socialiste qui l'unit au PPS. Le FFD ne sera pas en reste non plus : Khyari a déjà siégé au sein de la majorité gouvernementale sortante. Ce n'est donc que partie remise. Par ailleurs, certaines sources de la Koutla n'écartent pas la possibilité d'intégrer le RNI d'Ahmed Osman. La Koutla aurait, le cas échéant, les contours d'une majorité plutôt que d'une alliance nationaliste-progressiste. Un pas inconcevable, il y a quelques années, qui devient, depuis le 27 septembre, une chose “politiquement correcte”. Les dernières élections jugées transparentes et honnêtes, aucun des partis n'est taxé du qualificatif peu élogieux “d'administratif”. Le RNI, comme d'autres, ne souffre plus d'un manque de légitimité. Une constante somme toute logique après le verdict des urnes, qui aura son incidence sur l'échiquier des alliances politiques. La Koutla ira-t-elle jusque-là ? Il faut laisser du temps au temps. Ce qui n'est pas - échéance oblige - le cas pour les élections communales. La Koutla adoptera-t-elle une stratégie commune ? Rien n'est moins sûr. A tout le moins, pour l'instant. Une éventualité qui s'éloigne encore plus alors que la menace islamiste n'est plus aussi pesante. Le PJD et ses centurions intégristes pâtiront déjà des conséquences des attentats. Encore faut-il que la Koutla trouve la meilleure formule pour ratisser large. Au sein des partis, et de la population. Des lendemains enchanteurs ?