Il existe ce que l'on nomme, en droit, les circonstances aggravantes (qui vont concourir à la lourdeur de la peine), et les circonstances atténuantes (dont le but est d'alléger les sentences prévues par la loi). Les magistrats, devant ce cas social, vont décider d'appliquer au jeune homme les secondes, et de prononcer une peine... relativement modérée, soit trois ans d'emprisonnement, pour un crime qui d'habitude vaut au moins dix ans de réclusion. L'application des lois est parfois difficile, et requiert des magistrats, outre une nécessaire rigueur, une ouverture et une tolérance, pouvant s'adapter selon les cas. Récemment, la Chambre criminelle de la Cour d'appel jugeait un jeune homme, poursuivi par le parquet, pour tentative de vol aggravé, avec menaces de mort et prise d'otages. Tout cela sent le roussi pour l'intéressé, pourrait-on penser, mais à y regarder de près, le dossier semble bien plus complexe. A l'audience, l'inculpé explique sa situation. Il est jeune, pas très instruit et occupe un poste de gardien dans une rue de la ville, et ses revenus ne sont pas très élevés, on s'en doute un peu. Seulement voilà, dit-il, il a un père qui est gravement malade, et a besoin, de toute urgence, d'une opération chirurgicale. Les tentatives d'emprunt de l'argent auprès des proches n'ayant pas abouti, il a décidé d'utiliser les grands moyens, à savoir attaquer une banque. Muni de son couteau, il pénètre dans une agence bancaire de la place, affirmant détenir un engin explosif dans son sac, et exigeant qu'on lui remette les fonds disponibles en caisse. Mais on ne s'improvise pas braqueur de banques du jour au lendemain, et le jeune homme se retrouve immobilisé par l'agent de sécurité. S'ensuit la procédure habituelle : commissariat, garde-vue, présentation au parquet, inculpation, puis audience de jugement. Les juges écoutèrent le prévenu décrire sa situation familiale, son père hospitalisé, le manque de moyens de la famille, et sa décision de passer à l'acte. Dans tous les pays du monde, on ne badine pas avec ce genre de comportement, et l'époque du Far West, où l'on attaquait les banques et les diligences, est bien révolue. Que faire alors en pareil cas ? Prononcer une relaxe ou un acquittement semble impossible, les faits étant avérés et l'intéressé arrêté quasiment en flagrant délit. Prononcer une sévère condamnation paraît également difficile ; les audiences se tiennent publiquement, afin, selon la pensée du législateur, que la société soit présente lors de certains procès, de manière à «cautionner» les décisions rendues. Mais le même législateur a également prévu une palette de mesures, destinées à équilibrer les sentences prononcées. En l'occurrence, il existe ce que l'on nomme, en droit, les circonstances aggravantes (qui vont concourir à la lourdeur de la peine), et les circonstances atténuantes (dont le but est d'alléger les sentences prévues par la loi). Les magistrats, devant ce cas social, vont décider d'appliquer au jeune homme les secondes, et de prononcer une peine... relativement modérée, soit trois ans d'emprisonnement, pour un crime qui d'habitude vaut au moins dix ans de réclusion. Comme souvent, pour ne pas dire toujours, en pareil cas, le parquet n'est pas d'accord, estime que la peine est trop faible et décide donc de relever appel du jugement. On appelle cela «un appel au profit de la loi», ce qui veut dire que le procureur n'agit pas unilatéralement pour satisfaire son ego, et augmenter la durée de détention, mais que son action se veut comme la défense des intérêts de la société. Car souvent les actions des procureurs semblent trop sévères, au point que l'on se demande parfois si ces gens ont un cœur. (La réponse est «oui», évidemment, mais il faut bien que des gens occupent ces postes, et s'endurcissent, suite au contact permanent avec la pègre et les mauvais «garçons».) Mais heureusement que le système a aussi inventé la Cour d'appel. Laquelle, composée de magistrats aguerris, fait, elle, une autre lecture du dossier. Et décide, contre toute attente, d'accorder au prévenu ces fameuses circonstances atténuantes, réduisant ainsi la peine d'emprisonnement à seulement un an ferme. Ainsi, elle aura, peut-on dire, coupé la poire en deux : le jeune délinquant sera donc bien puni pour son mauvais geste, le hold-up, mais n'ira pas pour autant croupir en prison pour de longues années. Son avenir est préservé, tout en ayant envoyé un signal aux éventuels braqueurs d'occasion, que la justice est une institution solide... mais qui garde un fond d'humanité grâce aux magistrats, qui demeurent des humains sensibles aux détresses d'autrui.