Cette pratique existe partout dans le monde et touche tous les échelons. Elle est génératrice de tension et sape l'esprit d'équipe. Pour éviter les soupçons, il est impératif de définir des critères clairs en matière de promotion et de rémunération. Bouchaà ̄b serhani DG de Gesper services «Une personne parachutée se retrouve isolée au sein de l'équipe et aura toujours du mal à s'intégrer». Qui n'a jamais fait intervenir un parent ou un ami pour trouver un emploi ? Ce coup de pouce que l'on appelle «piston» fait partie des mÅ"urs dans presque toutes les sociétés. Le Maroc ne déroge pas à la règle. Beaucoup considèrent que ceux qui progressent rapidement dans leur carrière le doivent à cette pratique. Mais la vérité est que, quel que soit le niveau de protection dont il bénéficie, un salarié est obligé de faire ses preuves sous peine d'être écarté car, dans un contexte de concurrence acharnée, l'entreprise doit s'entourer de compétences solides. Bouchaà ̄b Serhani, DG de Gesper Services, cabinet spécialisé en ressources humaines, aborde la question et montre en quoi le piston peut avoir des effets pernicieux. La Vie éco : Le piston et la cooptation sont souvent confondus. Quelle est la différence entre les deux pratiques ? Bouchaà ̄b Serhani : La cooptation est une pratique oà1 toute personne peut recommander un profil à son entreprise. Certaines entreprises offrent même à leurs salariés d'importantes primes au recrutement. Car la cooptation, à ne pas confondre avec le piston, profite au recruteur comme au recruté. On y voit un moyen rapide et efficace de sélectionner des candidats, d'impliquer son personnel dans le recrutement et le développement de l'entreprise. La cooptation doit obéir à des critères précis. La personne cooptée ne doit pas être membre de la famille du cooptant et ne devra pas non plus travailler dans le même département ou service. Il est nécessaire d'institutionnaliser le système en instaurant une charte précise des techniques de cooptation pour éviter les dérives, et de la promouvoir au sein de tous les services tout en minimisant le recrutement identitaire. En respectant ces quelques règles, l'entreprise trouvera dans la cooptation un vivier de candidatures et un vecteur d'image particulièrement valorisant. Le piston, quant à lui, est, si l'on peut dire, beaucoup moins réglementé. On parle de piston quand une personne fait recruter quelqu'un d'autre grâce à ses relations. Cela se fait généralement sur simple recommandation. Toujours est-il que le processus peut être tout à fait normal si la mise en relation n'engage personne et que le recrutement suit son cours normal. Le vrai danger du piston, c'est quand une personne est recrutée au détriment d'autres et quand il y a du favoritisme. Le piston ne se limite pas au recrutement… Evidemment, il touche aussi la promotion, l'intégration, la rémunération… C'est une gestion malsaine des ressources humaines. Etre pistonné, c'est être le premier à bénéficier d'avantages au sein de l'entreprise: augmentations fréquentes, primes, formations… Le pistonné est celui qui profite de la sympathie de son manager ou de son supérieur hiérarchique. C'est quelqu'un qui n'a aucun mérite. Est-il fréquent dans les entreprises marocaines ? Ce genre de fléau, car on peut le définir ainsi, existe aussi bien au Maroc qu'à l'étranger. C'est lié à la culture d'entreprise et à son style de management. Il n'est pas rare de voir, dans des entreprises au management directif ce genre de pratiques destinées à acheter en quelque sorte l'adhésion des collaborateurs. Cela vient de la faiblesse humaine du manager. Certains collaborateurs vont d'ailleurs user de tous les subterfuges pour se rapprocher de la hiérarchie et attirer sa sympathie. Piston et affinités sont intimement liés. Y a-t-il des profils qui en profitent plus que d'autres ? Tous les profils peuvent en profiter, du haut cadre au simple exécutant. Les assistantes de direction sont souvent l'objet d'accusations de piston, parfois accompagnées de rumeurs sur une éventuelle liaison avec le patron. Elles sont victimes de leur proximité avec ce dernier alors que, dans toute entreprise structurée, elles sont en général gérées selon les mêmes critères que les autres salariés. Quels sont les risques pour le salarié et l'entreprise ? Le premier risque pour le salarié est de se retrouver isolé au sein de son équipe. Il aura du mal à prouver sa légitimité même s'il est compétent. Une personne parachutée aura toujours du mal à s'intégrer. Deuxième risque, c'est qu'elle perd la confiance des autres parce qu'elle est tout de suite cataloguée comme «l'homme du patron» ou le «rapporteur» ; ce qui nous conduit au troisième risque : le pistonné peut être utilisé dans certains cas par sa hiérarchie comme un mouchard. Ce qui le dessert, bien évidemment, si jamais il est pris la main dans le sac. Le risque pour l'entreprise est de se retrouver dans un climat malsain avec une équipe disloquée qui ne tire pas dans le même sens. Pourquoi a-t-on tendance à critiquer les pistonnés même s'ils sont compétents ? C'est vrai, il arrive que des personnes compétentes et méritantes soient considérées comme des pistonnées même si elles n'ont bénéficié que d'un petit coup de pouce. S'il ne s'agit que de cela, elles vont automatiquement bénéficier d'avantages liés à leur performance et de manière logique. C'est-à -dire qu'elles seront évaluées sans complaisance comme tout le monde. La hiérarchie doit rester vigilante face à ce genre de situation. Il faut qu'elle explique les raisons de son choix et montre que la performance est l'unique voie pour progresser. Bref, il faut encourager la méritocratie et non la médiocrité.