En Europe ou aux Etats-Unis, la cooptation est aujourd'hui une pratique banalisée voire encouragée. Les entreprises marocaines sont encore frileuses face à ce mode de recrutement interprété, souvent à tort, comme du népotisme. Pour éviter les dérives, il est important d'élaborer une charte claire. Embaucher grâce au concours des salariés de l'entreprise, tel est le principe de la cooptation. A l'étranger, la cooptation a pris l'allure d'une véritable «chasse aux têtes», avec une prime au final. Au Maroc, la pratique reste encore officieuse. Pourtant, les avantages à en tirer sont nombreux. La cooptation reste un mode de recrutement efficace, si on le manie avec précaution. Avis de Ali Serhani, consultant senior chez Gesper services. La Vie éco : La cooptation est-elle un phénomène répandu dans les entreprises ? Ali Serhani : En Europe ou aux Etats-Unis, la cooptation est aujourd'hui une pratique banalisée voire encouragée. Certaines entreprises offrent à leurs salariés d'importantes primes au recrutement. Car la cooptation, à ne pas confondre avec le piston, profite au recruteur comme au recruté. Le premier y voit un moyen rapide et efficace de sélectionner des candidats, d'impliquer son personnel dans le recrutement et le développement de l'entreprise. Pour le coopté, les portes s'ouvrent forcément plus facilement. Il faut savoir qu'en matière de recrutement, les entreprises n'hésitent plus à recourir à tous les moyens quand le besoin se fait sentir. Dans certaines entreprises, la cooptation peut représenter jusqu'à 20 % des recrutements. Qu'en est-il au Maroc ? De manière générale, elle est pratiquée de manière officieuse. Très peu d'entreprises osent encore l'officialiser. Dans tous les cas, certains managers ou cadres préfèrent ne pas trop s'engager dans une démarche de cooptation par crainte d'être tenus pour responsables en cas d'erreur de casting. Dans la plupart des cas, le prétendu «cooptateur» préfère informer le candidat sur la possibilité d'un poste vacant, sans aller jusqu'à le présenter à l'entreprise. Ils déclinent aussi cette possibilité pour éviter les rumeurs. S'ils cooptent quelqu'un, c'est qu'il est forcément un cousin, un neveu, un beau-frère, un ami…Et donc, on tombe forcément dans le copinage. Quel est le montant attribué à ces primes ? Tout dépend du profil du candidat. Cela peut aller de 5 000 à 1 000 euros en Europe, surtout s'il s'agit d'un profil rare. Il faut souligner que cette pratique obéit à des règles précises. Il faut avoir d'abord une forte culture d'entreprise qui encourage cette pratique sans risque d'abus. Quels sont les dangers du recrutement par cooptation ? Tout système doit s'insérer dans un environnement sain sinon il y a risque de dysfonctionnement. Avec la cooptation, trois dangers possibles. Le premier est la quête du double : le cooptateur recrutera des candidats qui lui ressemblent. Il les choisira notamment parmi ses ex-camarades de l'école. Et donc, le coopté fonctionnera de la même manière que celui qui l'a présenté. C'est là une erreur monumentale, un facteur d'appauvrissement culturel. Autre danger, celui du népotisme. Avoir des collaborateurs de la même famille engendre souvent des pratiques de clanisme. Enfin, le troisième risque est d'avoir des «chasseurs de primes» professionnels, qui font de la cooptation leur principale activité. Et les avantages ? La cooptation présente de nombreux avantages. Pour l'entreprise, elle coûte d'abord moins cher qu'un recrutement traditionnel via un cabinet. En impliquant les collaborateurs dans le choix des nouvelles recrues, on valorise les salariés et donc on les motive. Les «cooptateurs» deviennent par la même occasion de bons ambassadeurs de leur entreprise. C'est aussi un signe d'appartenance à l'entreprise. Pour le coopté, c'est un moyen rapide d'intégrer la société sans passer par les phases préliminaires, mais aussi d'avoir un parrain pour l'accompagner tout au long de son intégration. Et donc, selon vous, c'est une démarche efficace pour les parties prenantes ? Oui, si elle est utilisée à bon escient. Il est nécessaire d'institutionnaliser le système en instaurant une charte précise et stricte des techniques de cooptation pour éviter les dérives, et de la promouvoir au sein de tous les services tout en minimisant le recrutement identitaire. En respectant ces quelques règles, l'entreprise trouvera dans la cooptation un vivier de candidatures et un vecteur d'image particulièrement valorisant. Autre élément important, cette technique doit s'inscrire dans la politique générale de l'entreprise au même titre que les leviers classiques. Y a-t-il une démarche particulière pour coopter quelqu'un ? Il faut avant tout choisir quelqu'un pour ses compétences reconnues et non parce que c'est une vieille connaissance. Il ne faut pas oublier non plus que c'est une arme à double tranchant, qui pourra se retourner contre vous. Le cooptateur doit garder en tête trois facteurs importants : les résultats accomplis par son coopté dans ses anciennes sociétés, ses qualités humaines et enfin son parcours professionnel. Il aura également la lourde tâche de défendre la candidature de son coopté auprès de l'entreprise ali serhani Consultant senior chez Gesper services Certains managers ou cadres préfèrent ne pas s'engager dans une démarche de cooptation par crainte d'être tenus pour responsables en cas d'erreur de casting.