L'annonce par la wilaya d'un nouveau système de pointage a réveillé de vieilles querelles. Les chauffeurs dénoncent les pratiques abusives des propriétaires d'agréments. Une assemblée générale prévue le 6 juillet et des perturbations sont annoncées. Le bras de fer entre la wilaya de Casablanca, les propriétaires de taxis et les chauffeurs n'est pas près de finir et ces derniers promettent un été chaud si les autorités ne trouvent pas une solution à leurs problèmes. C'est en tout cas ce qu'affirment la plupart des syndicats des chauffeurs de taxis qui prévoient une assemblée générale pour ce dimanche 6 juillet qui tentera de rassembler tout le monde. Ils sont en effet plus d'une vingtaine de syndicats, affiliés ou non à une centrale, mais aussi plus d'une dizaine d'associations qui ont montré leur capacité de riposte le 18 juin dernier en bloquant durant une journée l'avenue Hassan II, ce qui a rendu le trafic pratiquement impossible au centre-ville. Et comme toujours, quand il s'agit de taxis, le prétexte qui sert de détonateur pour le mouvement de protestation n'est rien d'autre que l'arbre qui cache la forêt. Si, en effet, les chauffeurs et exploitants de taxis, petits et grands, ont organisé un sit-in devant la wilaya du Grand Casablanca pour protester, disent-il, contre la mesure introduite par cette dernière de remplacer le pointage quotidien des véhicules par une visite technique tous les 15 jours, visite qui devrait théoriquement servir à vérifier l'état mécanique du véhicule ainsi que le degré de propreté du conducteur, le problème est beaucoup plus complexe. Tout le monde sait «qu'une visite technique dans les règles de l'art et sans complaisance enverrait à la casse plus de 90% du parc de taxis de Casablanca et d'ailleurs», estime ce chauffeur de taxi qui dit ne pas être vraiment concerné par toutes ces questions, car il ne possède ni voiture ni agrément. Agrément, un système difficile à réformer Le problème réside plutôt dans le système d'exploitation des taxis, basé sur l'agrément de transport, et que «les autorités ne sont pas capables de réformer, ni de supprimer», affirme un fonctionnaire à la wilaya. Au commencement donc l'agrément qui constitue l'autorisation d'exercer le métier de taximan. Cette autorisation, accordée par les autorités parfois à raison pour soutenir une veuve, un orphelin ou un handicapé, mais parfois aussi à tort pour récompenser des personnes qui n'en ont pas besoin. Cet agrément est loué, généralement pour une durée de 5ans au propriétaire du véhicule autour de 2 500 DH par mois avec un droit d'entrée qui avoisine les 50 000 DH. Certains exploitants de taxis ont constitué de vraies petites sociétés avec plusieurs taxis qu'ils louent à leur tour à des conducteurs pour la journée pour une moyenne de 250 DH. On arrive ainsi au bas de la chaîne avec une population de chauffeurs de taxis, exploités sans aucune sécurité de l'emploi et à la merci de l'exploitant. Mais l'exploitant a aussi ses propres problèmes puisque, à l'expiration des 5 années de contrat, le propriétaire de l'agrément reprend systématiquement son titre pour le louer de nouveau, avec le fameux droit d'entrée. «Les tribunaux croulent sous les dossiers. Trois à quatre affaires sont jugées quotidiennement à Casablanca et toujours en faveur du propriétaire de l'agrément», selon Abdelhak Dehbi, syndicaliste et lui-même chauffeur de taxi. Pour résoudre ce problème, les autorités ont bien cherché à élaborer une convention type pour normaliser les relations entre propriétaires d'agréments et exploitants, fixant le délai de location à 7 ans et précisant les conditions d'une tacite reconduction de deux ans, puis d'un an supplémentaire avant la rupture éventuelle du contrat. Mais cette tentative rencontre l'opposition de certaines associations. Ahmed Ouarrak qui se présente comme le représentant des détenteurs d'agréments et exploitants de taxis, ayant donc deux casquettes, dit ne pas vouloir «subir le diktat du lobby des exploitants de taxis». Il déplore en même temps que les mesures sociales annoncées par l'ancien gouvernement, à l'été 2007, suite aux mouvements de grève pour protester contre le projet de code de la route, n'aient eu aucune suite. Il s'agissait en effet de mesures pour l'accès au logement et à la couverture sociale pour ces populations ainsi que de subventions en faveur des exploitants de taxis pour les inciter à renouveler leurs véhicules. Les petits taxis devaient bénéficier de 35 000 DH et les grands taxis de 70000 DH. Mais si les mesures sociales sont restées à ce jour lettre morte, le renouvellement du parc s'est heurté à de fortes résistances de la part des propriétaires de taxis qui ne trouvent pas sur le marché de modèles de voitures en mesure de les satisfaire. Et un tel marché ne laisse pas indifférents les fabricants automobiles dont l'un d'eux, en l'occurrence Renault, a même organisé une visite de son usine de Roumanie pour une délégation de clients potentiels. L'assemblée générale du dimanche 6 juillet, si elle se tient, risque d'être chaude, car parmi les autres revendications des chauffeurs figure leur demande d'avoir leur propre autorisation, ce qui les placerait en situation de force vis-à-vis des propriétaires d'agréments. Une belle bagarre en perspective.