Dans le budget prévisionnel pour 2008, nous avons envisagé un taux de croissance 6,1% pour cet exercice. En juin prochain, nous allons procéder à une réévaluation de ce taux de croissance, à la lumière des données nouvelles qui sont apparues entre-temps. En particulier, la hausse ininterrompue du prix du pétrole et les difficultés que connaissent les économies occidentales, notamment européennes, qui constituent 70% de la demande étrangère adressée au Maroc. Nous avons prévu dès janvier que la demande étrangère connaîtrait un certain ralentissement en passant d'une hausse de 7,6% en 2007 à 5,6% en 2008. Mais je pense que l'on s'achemine vers un peu moins que 5,6%. Ceci dit, l'important, à mon avis, ce n'est pas d'avoir, en fin d'année, un taux de croissance de 6,1% ou 6,5% ou même 7%, tout cela se situe dans la même fourchette ; l'important, par contre, est qu'il n'y ait pas de retournement de tendance. Et l'on voit bien justement que, ces dernières années, il n'y a pas de rupture de tendance. Ceci est le résultat d'un certain nombre de réformes, mais aussi d'une politique budgétaire expansive : pour 2008 par exemple, le budget d'investissement a augmenté de 10 milliards de dirhams par rapport à 2007. La croissance en 2008 bénéficiera de l'effet mécanique de la hausse du rendement agricole par rapport à l'exercice précédent, mais l'essentiel de cette croissance provient de la demande intérieure, le commerce extérieur étant déficitaire comme chacun sait. Le fait que la croissance soit tirée essentiellement par la demande interne est à mon avis une bonne chose : cela signifie qu'il y a un développement endogène qui se réalise. Sur l'inflation, d'origine externe pour l'essentiel, nous avons enregistré au premier trimestre une progression de l'indice des prix de 2,4%, avec une hausse prononcée de l'indice des produits alimentaires, de 4,5%. Nos prévisions pour le second semestre donnent une inflation globale de 3,2% et une inflation alimentaire de 5,3% . Nous avons une autre façon d'appréhender la croissance : ce qui nous intéresse fondamentalement en tant que Banque centrale, c'est surtout l'écart entre la production effective (le PIB observé) et la production potentielle (le niveau d'activité compatible avec un usage normal des facteurs de production). Cet écart est un indicateur des pressions potentielles de la demande sur l'inflation. Sur la croissance, depuis le début des années 2000, on est en phase d'accélération. Nous avons gagné en tendance autour de 1 point de PIB, ce qui est significatif. Il faut bien voir que la croissance est un phénomène de moyen et long terme, à distinguer des fluctuations conjoncturelles de l'activité. L'autre point à souligner, c'est que cette croissance est tirée par la demande interne. Je pense que c'est la masse critique des réformes entreprises qui a permis de dynamiser la croissance. Et cela s'est traduit par une hausse de l'investissement, qu'il soit national (public ou privé) ou étranger. Sur la question du modèle de croissance, le Maroc, sur une très longue période, n'est pas un pays qui s'est développé par les exportations, mais principalement par la demande interne. Ceci dit, il y a aujourd'hui une dynamique très importante : le Maroc devient de plus en plus un exportateur de services – l'industrie cinématographique, les activités de business process outsoursing, les services liés aux call-centers, etc. S'agissant de l'inflation, nous publions une prévision centrale de la hausse des prix, et celle-ci est entourée de probabilités qui reflètent la balance des risques inflationnistes. Sur le 1er trimestre 2008, par exemple, nous avions publié une prévision centrale de 2,3%. Nous ne sommes pas loin de ce qu'a publié le HCP comme résultat pour le premier trimestre, à savoir 2,4%. Pour l'année 2008, nous avons publié dans le rapport sur la politique monétaire de mars une prévision centrale de 2,2%. Bien sûr, celle-ci est à lire en liaison avec l'évaluation probabiliste des régions d'incertitudes qui l'entourent, comme représenté par le Fan Chart que nous publions . Certaines estimations projettent une croissance de l'ordre de 5 à 5,5%, ce qui constitue un rattrapage, après la faible croissance de 2007 (environ 2,5%). Cette fourchette me paraît plus réaliste et plus probable pour diverses raisons : récolte céréalière de l'ordre de 50 millions de quintaux, accélération de l'inflation au niveau des produits alimentaires, impact du déficit du commerce extérieur… Les statistiques officielles montrent que la croissance est tirée essentiellement par la demande domestique. Or, la poussée des prix, l'insuffisance du pouvoir d'achat réel et les limites à la propagation des effets d'entraînement des grands projets publics d'infrastructures risquent d'impacter la consommation des ménages. Peut-être l'application des résultats du dialogue social au second semestre 2008 donnera-t-elle un coup de fouet à la consommation, mais la vigilance contre les pratiques spéculatives doit être de rigueur. Je pense que la politique budgétaire devrait se préoccuper davantage de l'emploi et de la lutte contre la pauvreté que du niveau du déficit, tout en évitant bien sûr les dérapages outre mesure. De toute façon, la réalité du déficit du Trésor est tout autre chose, et son financement se fait par l'emprunt. D'ailleurs, si la Loi de finances a retenu un déficit de 3%, certaines estimations, comme celle de la Chambre des conseillers, prévoient un déficit pour 2008 de 3,6%. A propos de la relation entre masse monétaire et croissance, il y a une double corrélation qui mérite d'être clarifiée : d'une part, l'écart important entre taux de croissance de la monnaie et celui du PIB nominal au cours de ces dernières années ; et, d'autre part, l'impact de cette corrélation sur le niveau général des prix. En effet, si le rôle de l'institut d'émission, depuis un quart de siècle, est de surveiller le niveau de l'inflation, c'est que l'on croit toujours à une corrélation positive entre croissance réelle, évolution des agrégats monétaires et niveau général des prix .