Maintien du taux directeur à 3,25%. Caisse de compensation, le principal casse-tête. Incertitudes sur l'évolution de l'économie internationale. Le rapport de politique monétaire présenté par Abdellatif Jouahri fait ressortir l'instabilité qui règne sur l'international et les bons fondamentaux de l'économie marocaine. L'environnement international a été, en effet, marqué durant l'année par une évolution divergente de la croissance économique des pays. Avec une performance économique redevable aux pays émergents où a été enregistrée, au terme de 2010, une croissance de 9,5% en Chine et de 4,5% au Brésil. Au sein des pays avancés, le taux de croissance note un rythme différencié, notamment entre les Etats-Unis et la zone Euro. Au moment où le pays de l'oncle Sam a enregistré une décélération de la croissance (2,3% au T1 2011 contre 2,8% au T4 2010), la zone Euro a, quant à elle, connu une accélération de 2% au dernier trimestre de 2010 à 2,5% sur les trois premiers mois de cette année… et encore ! Cette dernière est menée presqu'exclusivement?par l'Allemagne et la France. La difficulté de reprise des marchés développés est liée à trois éléments précis. Les tensions liées aux difficultés de la dette souveraine dans les pays périphériques de la zone Euro, se traduisant par une hausse généralisée des taux des rendements obligataires. A titre d'illustration, les taux mensuels moyens sur les obligations d'Etat à 10 ans se sont situés à mai 2011 à 15,5% pour la Grèce, 9,5% pour l'Espagne et 10,1% pour l'Irlande. Un mois auparavant, ils étaient respectivement à 13,9%, 9,1% et 9,6%. L'Europe, en collaboration avec le FMI, a apporté à la dette souveraine une solution, pesante certes, mais inéluctable, qui est le rééchelonnement de la dette. Le deuxième élément a trait à la persistance des difficultés au niveau du marché de l'emploi. Le taux de chômage s'installe toujours à un haut niveau, avec 9,1% aux Etats-Unis à fin mai, et 9,9% ans la zone Euro en avril, avec un taux record en Espagne de 20,7% L'inflation, point essentiel de la politique monétaire, ne cesse de resurgir. Liée inévitablement au renchérissement des produits de base énergétiques (pétrole et gaz naturel) et des biens alimentaires, elle a atteint 3,2% à fin avril 2011 aux Etats-Unis et 2,8% dans la zone Euro. Néanmoins, le taux directeur est maintenu à son niveau initial. La BCE l'a fixé à 1,25% et la FED dans une fourchette de 0% à 0,25%. Perspectives prometteuses Les perspectives d'évolution des économies mondiales demeurent favorables. Selon le FMI, la croissance mondiale atteindrait 4,4% en 2011 et 4,5% en 2012. L'économie américaine enregistrerait une croissance du PIB de 2,8%, tandis que dans la zone Euro elle se situerait à 1,6%. Le PIB mondial est amené constamment à être révisé en raison de la fragilité de la stabilité financière mondiale et du risque d'un renchérissement plus vigoureux que prévu des cours des matières premières, en lien avec une demande soutenue des économies émergentes. Il faut ajouter à cela l'accentuation éventuelle des déséquilibres budgétaires dans les pays tels que la Grèce, l'Espagne et l'Irlande. Conjuguant tous ces éléments, le FMI anticipe un affaiblissement du mouvement haussier des produits de base. L'inflation devrait s'établir en 2011 à 2,2% et 6,9% dans les pays avancés et ceux émergents respectivement. Concernant le prix du baril, il atteindrait 107,16 dollars en 2011 et 108 dollars en 2012. Inflation maîtrisée La conjoncture semble largement maîtrisée. Les indicateurs sont propices à un développement macro-économique et surtout à une évolution modérée des prix à la consommation. Le HCP a revu ses projections du taux de croissance à la hausse à 3,7% à fin 2010 au lieu de 3,2% fixé précédemment. Les réalisations affichées jusqu'à avril, dans la majorité des secteurs d'activité, poussent à ramener le taux de croissance à fin 2011 dans un intervalle de 4,5% à 5,5%. En effet, les exportations globales se sont accrues de 24%, avec une augmentation de 14,4% de celles hors phosphates et produits dérivés. Sous l'effet de l'élévation des achats des produits énergétiques, les importations poursuivent leur trend haussier de 24,6%, conduisant à une aggravation du déficit commercial atteignant 25%. Toujours au niveau de la balance commerciale, les recettes des MRE ont augmenté de 3,8% et celles touristiques ont affiché un bond de 8%. Jouahri déclare qu' «il est encore tôt pour crier victoire dans le secteur touristique». Les attentats de Marrakech ont causé un repli de 30% des recettes dans cette ville et des baisses sont également enregistrées à Agadir. En terme de réserves de changes, celles-ci s'établissent à 6 mois et quelques jours d'importations, contre 7 mois fermes en 2010. Les conditions monétaires démontrent, pour leur part, un ralentissement de la croissance de M3 à 4,1%, ce qui dénote une absence d'une pression sur les prix à travers la monnaie. En revanche, les dépenses publiques connaissent un alourdissement, tirées par les recrutements massifs et les revalorisations des salaires, portant le déficit budgétaire entre 4,5% et 5%. A noter que la Caisse de compensation totalise un montant de 45 Mds de DH et inclut les prix des hydrocarbures et ceux des produits alimentaires. Jouahri ne manque pas de rappeler que la «Loi de Finances 2011 a incorporé un montant de 4 Mds DH dans ses dépenses ordinaires au titre du dialogue social». Du côté bancaire, l'enquête effectuée par BAM auprès des banques indique un maintien des taux débiteurs au même niveau. De même, le taux interbancaire reste inchangé à 3,25% et les interventions de BAM sur le système bancaire totalisent 17 Mds de DH. Sur la base de ces réalisations, le gouverneur de BAM assure une absence de pressions sur les perspectives d'évolution des prix et un alignement des prévisions d'inflation avec l'objectif de stabilité des prix à moyen terme. Ainsi, l'inflation devrait se situer sur les six prochains trimestres à 2,4%. Pour l'année 2011, elle ressortirait à 1,4% au lieu de 2,1% prévu précédemment. Elle serait toutefois impactée par l'amplification des prix des matières premières. Le gouverneur de la Banque centrale conclut en recommandant d'élargir l'horizon d'étude des prévisions inflationnistes. Pour lui, l'idéal serait d'étudier la soutenabilité des prix à moyen terme. Il invite par la même occasion le prochain gouvernement à se pencher sur ce point.