Le chèque est de moins en moins utilisé pour les paiements. Toutes les transactions d'un montant supérieur à 10 000 DH doivent pourtant être effectuées par chèque barré ou par virement. L'émetteur d'un chèque sans provision risque 1 an à 5 ans d'emprisonnement et une amende de 2 000 à 10000 dirhams. Le paiement par chèque est de moins en moins prisé. C'est ce qui ressort du rapport annuel sur les moyens de paiement de Bank Al-Maghrib. Le chèque a cédé pour la première fois en 2016 sa pôle position au profit du virement qui a drainé 32% des opérations contre 27% pour le chèque. Cette baisse est constatée depuis quelques années. Sa part dans les échanges a chuté de 52% à 43% entre 2011 et 2015. «Il faut dire que la réputation du chèque s'est dégradée, suite notamment à une évolution importante des affaires de chèques impayés qui représentent d'ailleurs plus de la moitié de l'activité des juridictions correctionnelles. Cette situation devrait faciliter l'usage d'autres moyens de paiement plus modernes», explique le directeur d'une agence bancaire. Toujours selon le rapport de la Banque Centrale, le nombre de rejets de chèques, tous motifs confondus, s'est élevé à 720 109, correspondant à un taux de rejet de 2,48 %, en dégradation d'environ 1% par rapport à son niveau de 2015. Et le motif principal du rejet est le «défaut ou l'insuffisance de provision» qui représente près de 53 % du total des rejets opérés en 2016. Ces chiffres ne redorent pas le blason du paiement par chèque, notamment auprès des commerçants. Ils sont d'ailleurs de plus en plus nombreux, opérant dans différents secteurs d'activités (restaurants, stations-service, magasins de prêt-à-porter, ameublement...), à ne plus accepter les chèques en guise de paiement. «Ils n'ont certes pas le droit de refuser un chèque vu qu'aux yeux de la loi il est considéré comme un moyen de paiement à vue comme un autre. Mais cette pratique est devenue courante vu l'absence de moyens de contrôle et la volonté de se prémunir contre les défauts de paiement», affirme un avocat. En effet, le fait de disposer d'un chéquier suppose qu'en amont l'Etat et les différents établissements financiers de tutelle ont pris toutes les précautions nécessaires pour assurer et conférer à ce chèque toute la crédibilité et la garantie de paiement ou de bonne fin, et, partant, les commerçants sont censés être obligés d'accepter le paiement par chèque. Cependant, quand on revient à la pratique, et l'on constate la difficulté que l'on a à recouvrer les fonds issus des chèques émis sans provision, on comprend pourquoi les commerçants hésitent voire refusent d'accepter les chèques. Reste que ceux qui refusent ce mode de paiement ont l'obligation d'en informer leurs clients de façon claire et apparente, mais aussi au préalable. A défaut, ils s'exposent à un abus de droit qui, s'il est établi, peut donner lieu à des dommages et intérêts. Si, par la force des choses, le client ne dispose pas d'un autre moyen de paiement, le commerçant doit malgré tout accepter un chèque. D'autres commerçants qui acceptent les chèques recourent à des astuces avant de livrer la marchandise à leurs clients, pour se prémunir contre les défauts de paiement. Ils leur proposent ainsi de différer la livraison le temps d'encaisser le chèque ou du moins de vérifier, par leurs propres moyens, la disponibilité de la provision dans le compte du client. D'autres vont même jusqu'à mentionner que «seuls les chèques certifiés sont acceptés». Ce qui suppose que la provision est bloquée dans le compte de l'émetteur du chèque et permet au bénéficiaire d'encaisser son dû rapidement. A cet égard, il y a lieu de préciser qu'un chèque émis au Maroc et payable au Maroc doit être présenté à la banque dans un délai de vingt jours. En revanche, s'il est émis à l'étranger mais payable au Maroc, le bénéficiaire dispose d'un délai de présentation de soixante jours. Ceci dit, quand il s'agit de faits de commerce et entre les commerçants, ces derniers sont obligés par l'article 306 du Code de commerce de passer toutes les transactions dont le montant est supérieur à 10 000 DH par chèque barré ou par virement. «Le non-respect de cette disposition expose leurs auteurs à une amende de 6% de la valeur payée, le créancier et le débiteur sont solidairement responsables du paiement de cette amende», explique notre avocat. En cas de rejet d'un chèque, la banque cherche d'abord les vices de forme avant les motifs de fond. Si par exemple un chèque accumule deux vices, à savoir une signature non conforme et une absence de provision, il sera rejeté en raison du premier. Cela n'empêche pas le bénéficiaire d'intenter une action en justice contre l'émetteur du chèque pour défaut de paiement. Mais avant cela, il doit être muni d'un certificat de refus de paiement délivré par la banque devant comporter le ou l'ensemble des motifs de rejet. Cela dit, même si le premier motif du rejet d'un chèque est le manque de provision, le chargé de clientèle peut ne pas le signaler. En fait, tout dépend de la relation de confiance qui lie le banquier à son client. Il peut ainsi l'inviter à régulariser sa situation durant le jour même, avant la fermeture de l'agence bancaire, ou proposer au bénéficiaire de revenir un autre jour, le temps que l'émetteur alimente son compte. Si aucune relation particulière ne les lie, le dossier est directement déclaré au service central des incidents de paiement et l'émetteur est automatiquement déclaré par la banque centrale comme interdit de chéquier pendant 10 ans, si l'incident de paiement n'est pas régularisé. C'est le banquier qui informe le titulaire du compte, par lettre d'injonction, qu'il n'a plus le droit d'utiliser les chèques, pendant cette période de 10 ans, et l'invite également à restituer toutes les formules de chèques qui sont en sa possession. Une autre conséquence, plus grave, c'est que le titulaire du compte encourt le risque de poursuites pénales pour délit d'émission de chèque sans provision. Le tireur d'un chèque qui omet de maintenir ou de constituer la provision du chèque en vue de son paiement à la présentation est passible d'un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende allant de 2000 à 10000 dirhams sans que cette amende puisse être inférieure à 25% du montant du chèque ou de l'insuffisance de provision. Toutefois, le titulaire du compte peut recouvrer la faculté d'émettre des chèques en justifiant auprès de son banquier qu'il a réglé le montant du chèque objet de l'incident, soit en versant directement la somme au bénéficiaire, soit en constituant une provision suffisante pour couvrir le montant du chèque sur le compte bancaire en question. Il devra également prouver qu'il s'est acquitté de l'amende fiscale correspondante auprès d'une des perceptions de la Trésorerie générale du Royaume. Cette amende fiscale peut aller de 5% du montant du chèque, pour le premier incident, à 10% pour le deuxième et 20% à partir du troisième défaut de paiement. Il doit conserver le quitus remis par la perception pour le présenter à la banque. [tabs][tab title ="Que vaut un chèque de garantie ?"]La notion du chèque de garantie n'existe pas en droit marocain. Le chèque est un moyen de paiement à vue et peut être encaissé immédiatement, même s'il est post-daté. L'émetteur est censé disposer de la provision sur son compte bancaire. Pourtant cette pratique est très répandue auprès de plusieurs établissements (agences de locations de voitures, cliniques privées, etc) qui exigent aussi que le chèque soit signé, libellé au porteur et non daté, ce qui expose l'émetteur à de grands risques. Le signalement auprès des tribunaux demeure le meilleur moyen pour limiter cette pratique, et ce à travers une simple procédure. En effet, une copie du chèque peut suffire pour déposer une plainte auprès du procureur du Roi, pouvant être consolidée par des témoignages.[/tab][/tabs] [tabs][tab title ="Barré, non endossable, certifié… Les différentes formes du chèque"]D'abord le chèque barré. Le bénéficiaire d'un chèque barré doit, pour pouvoir l'encaisser, être titulaire d'un compte bancaire ou postal. A défaut, il doit ouvrir un compte et donner son identité. Cela est destiné à décourager les utilisateurs malhonnêtes de chèque perdu ou volé. Le chèque non endossable a tous les avantages du chèque barré, tout en supprimant les porteurs intermédiaires. Le chèque visé pour sa part contient, en plus de toutes les autres mentions, un visa du tiré (banque) attestant de l'existence de la provision. Mais le fait que la provision existe le jour du visa ne prouve pas qu'elle existera le jour du paiement. Contrairement au chèque certifié où la banque s'engage à bloquer au profit du porteur la provision jusqu'au terme du délai de présentation. La certification résulte de la signature du tiré au recto du chèque. Elle ne peut être refusée que pour insuffisance de provision. L'autre dérivé est celui du chèque de banque, utilisable au cas où le bénéficiaire exige qu'on lui remette non pas un chèque extrait du carnet du titulaire de compte, mais un chèque émis par la banque elle-même. Il existe également le chèque postal qui est tiré sur le bureau de poste par le titulaire d'un compte courant postal ou par un usager qui a versé au guichet d'une poste la provision correspondante. Enfin, il y a le chèque de casino, rédigé sur un papier quelconque, notamment par un joueur désirant régler sa dette alors qu'il n'a pas son chéquier sur lui. S'il est bien rédigé, il est valable comme chèque à moins que la banque n'ait imposé à son client de se servir uniquement de chèque détaché du chéquier, à l'exclusion de toute rédaction manuscrit.[/tab][/tabs]