Les nouveaux chantiers chutent de 26% et les achèvements de 35% n La hausse des droits de la conservation foncière et la loi 66-12 sur la répression des infractions en matière d'urbanisme ont porté l'estocade au secteur n Le déficit en logements a décliné, mais pas pour toutes les catégories de besoins. Le secteur immobilier n'est pas au mieux de sa forme. Il a en effet enregistré un deuxième semestre 2016 proprement catastrophique, d'après les chiffres du ministère de l'habitat et de la politique de la ville obtenus en exclusivité par La Vie éco. Les mises en chantier ont régressé de plus de 38%, à un peu plus de 84 700 unités (logements et lots) par rapport à la même période de l'année d'avant. Pire, les achèvements dégringolent de près de 47%, à un peu moins de 64 100 unités. Sachant que le premier semestre n'a pas été plus porteur, le secteur tournant historiquement à plus faible régime à l'entame d'une année normale, 2016 figure au final parmi les pires qu'il a connue depuis très longtemps. Sur toute l'année, la production termine sur une baisse de près de 35%, à 135600 unités, un niveau jamais atteint sur les 5 dernières années. Plus préoccupant pour l'avenir du secteur, les mises en chantier qui préfigurent les volumes des livraisons sur les années à venir chutent de plus de 26%, à 166 200 unités, prolongeant ainsi une tendance baissière qui dure depuis maintenant 4 ans, si l'on excepte une petite croissance de 2% observée en 2015. Les promoteurs immobiliers initient aujourd'hui moitié moins de nouveaux chantiers par rapport à leur rythme de 2012 ! En fait, même en repassant en revue les mises en chantier de ces 12 dernières années, il est impossible de tomber sur un volume aussi bas qu'en 2016. La demande est aussi en berne On ne peut pas dire que cette déconvenue n'était pas prévisible. Ainsi que le rapportent les professionnels, la demande de logements est en berne, en dépit des baisses de prix du mètre carré dans la majorité des villes et de l'allègement du coût du crédit bancaire, ce qui les dissuade de lancer de nouveaux projets. En plus de cela, de nouveaux facteurs sont venus compliquer la tâche. Il s'agit d'abord de l'augmentation des droits de la conservation foncière depuis le 1er novembre dernier. Les projets en cours ont alors supporté des droits supplémentaires, ce qui, explique-t-on, a perturbé la production, surtout que la trésorerie des promoteurs est déjà mise à rude épreuve. S'ajoute à cela la loi 66-12 sur le contrôle et la répression des infractions en matière d'urbanisme entrée en vigueur en septembre dernier qui, par sa sévérité, semble avoir instauré un climat de défiance dommageable pour les mises en chantier, comme le redoutaient les opérateurs. Ceux-ci disent en outre être découragés depuis quelques années par des changements réglementaires dont l'impact n'est pas bien étudié à l'avance, induisant des retombées négatives pour le secteur. Ils citent pêle-mêle, la loi sur la profession notariale entrée en vigueur depuis fin 2012 qui a introduit un nouveau formalisme pénalisant pour les transactions immobilières, l'augmentation de la taxe sur les profits immobiliers pour les terrains, l'instauration de la TVA sur les intérêts des crédits accordés aux acquéreurs de logements sociaux... Tout cela intervient à un moment où le secteur doit plutôt monter en cadence dans la production et les mises en chantier de logements pour espérer en finir avec le déficit en logements sur un horizon raisonnable. En effet, une récente enquête du ministère de l'habitat estime le besoin cumulé global d'ici 2020 à 1,35 million d'habitats, dont plus de la moitié doit répondre à la demande des ménages additionnels. Si l'on se projette jusqu'en 2025, le Maroc aura besoin de 2,1 millions d'unités et si l'on va jusqu'aux 15 prochaines années, 2,9 millions d'habitations seront nécessaires. Pour faire face à de tels niveaux de besoins, quel que soit l'horizon considéré, les livraisons de logements annuelles devront dépasser la moyenne de 150 000 habitats affichée sur les 15 dernières années. Pas plus de 17 000 unités de logements à 140 000 DH livrées en cinq ans Mais avant d'y venir, l'heure est au bilan pour le ministère de l'habitat qui s'était déjà fixé un ensemble d'objectifs en matière de production de logements sur la période 2012-2016. Une première grande promesse du département de Nabil Benabdellah consistait à diviser par deux le déficit en logements sur la période. Le pari a été tenu puisque le besoin chiffré à 840 000 habitats au niveau national, il y a 5 ans, doit avoir été ramené autour de 400 000 unités à la fin de l'année passée, selon les estimations officielles. Cependant, le ministère n'y est pas parvenu en suivant le chemin qu'il s'était tracé. Pour satisfaire convenablement toutes les catégories de demandes, le département a déterminé au début de son plan des objectifs de production pour chacun de ses dispositifs conventionnés (logement à 250 000 DH, à 140000 DH...). Et force est de constater qu'on est loin des prévisions. Sur le logement à 250 000 DH d'abord, ce sont un peu plus de 291 300 unités qui ont été effectivement achevées sur les 5 dernières années, alors que, selon les plans du ministère, 500 000 unités de ce genre devaient arriver sur le marché, soit un écart défavorable de plus de 40%. Le gap est plus marqué encore pour le logement à 140000 DH dont on espérait l'arrivée de 9 000 unités par an sur la période. Au final, ce ne sont qu'un peu plus de 17 000 unités de ce genre qui ont pu être achevées sur la période, soit tout juste un peu plus du tiers de l'objectif. Le logement pour la classe moyenne en est même à une production anecdotique par rapport à l'objectif. Ce sont en effet à peine 124 logements de ce type qui ont été achevés, depuis le lancement du dispositif il y a 4 ans, et l'on ne compte que 1 807 unités en chantier. C'est bien en dessous du besoin annuel sur le segment évalué par le ministère à 20 000 logements. De fait, si le déficit a bien baissé dans l'absolu, il n'est pas sûr que toutes les catégories d'acquéreurs y trouvent leur compte.