Les risques de dérapage sont possibles, compte tenu de la fragilité du contexte économique et social. La soutenabilité de la dette est prisonnière de l'insoutenable légèreté de nos finances publiques. Le dragon refait surface. Il semblait être terrassé pour toujours. Méprise. Quand les réformes sont retardées ou inachevées, le monstre renaît de ses cendres. En contrepartie de la gestion active de la dette depuis 1990, le ratio de la dette publique est passé de 72,7% du Pib en 1999 à 58,2% en 2012. Toutefois avec le creusement du déficit budgétaire et la remontée du taux d'endettement, la question de la soutenabilité de la dette publique s'invite de nouveau au débat public. Pour l'instant, la situation n'est pas trop inquiétante, mais elle risque de le devenir si la politique économique persiste dans ses errements. Certes, l'endettement du gouvernement avoisine 64% du PIB à fin 2014, ce qui est assez élevé pour un pays émergent, mais sa structure est favorable. Trois-quarts du stock de dette est domestique. Quant à la dette libellée en devise, son niveau est modéré à 15,3% du PIB en 2012 et contractée majoritairement auprès de créanciers institutionnels à des conditions concessionnelles, c'est-à-dire avantageuses (même si la proportion de la dette de marché a eu tendance à augmenter ces deux dernières années). De plus, le Trésor a continué de se financer à des taux relativement bas et à allonger la maturité de la dette. Avec une dette de court terme représentant seulement 15,8% du stock total, le risque de refinancement est donc limité. Enfin, les indicateurs de risque ne sont pas alarmants: le coût moyen de la dette du Trésor est en baisse en raison de la détente observée sur les taux d'intérêt flottants en euro ; le renouvellement de la dette arrivant à échéance peut être effectué à un coût moins élevé; le pays dispose encore d'une capacité de mobiliser les fonds nécessaires au moment voulu ; la part de la dette à taux variables dans le portefeuille du Trésor est faible. Ceci est corroboré par les appréciations des agences de notation. Les deux dernières émissions obligataires sur les marchés financiers internationaux ont été couronnées de succès. En décembre 2012 l'émission des deux tranches de 1 milliard de dollars à 10 ans et 30 ans s'est effectuée avec des taux d'intérêt avantageux ; le Maroc a bénéficié de conditions comparables à d'autres pays émergents, alors que les turbulences du «printemps arabe» pouvaient laisser craindre une montée de l'aversion au risque des investisseurs étrangers pour les pays de la région. En juin 2014, le Maroc a réalisé avec succès une autre émission obligataire d'un montant de 1 milliard d'euros assortie d'une maturité de 10 ans et d'un spread favorable. Le Maroc a bénéficié de l'onction du FMI et des conditions favorables du marché financier international. Les deux agences Standard & Poor's et Fitch Ratings ont attribué à cette émission les notes «BBB -» (catégorie «Investment grade»), confirmant ainsi la capacité de notre pays à accéder au marché financier international dans un contexte régional et international instable. Le Maroc bénéficie encore d'une cotation avantageuse. Peut-être d'une «surcote» avec un niveau de prime légèrement plus élevé que la moyenne du groupe pour un niveau d'endettement nettement plus élevé. Le niveau d'endettement du Maroc aurait pu être plus grave si les finances publiques n'avaient pas bénéficié de facteurs favorables exogènes. En effet, la baisse des charges de compensation et la coupe dans le programme d'investissement public ont été une réelle bouffée d'oxygène. Pour autant, le volume des dépenses est resté élevé comparativement aux recettes fiscales qui ont pâti du ralentissement de l'activité hors-agriculture. La pression sur les comptes extérieurs s'est fortement allégée ces dernières années avec la réduction des achats des produits énergétiques, la relance des exportations, le maintien des «remittances» des Marocains résidant à l'étranger et la relative stabilité des recettes touristiques. En 2014, le déficit de la balance des paiements courants s'est amélioré alors qu'il avait atteint un record de 10% du PIB en 2012. En conséquence, les réserves de change se sont redressées avec la progression des investissements étrangers. Mais le plus inquiétant est que les perspectives de ces deux prochaines années demeurent incertaines. Sur la base d'une hypothèse de retour du taux de déficit budgétaire à 3,6%, le FMI prévoyait une stabilisation du ratio dette/Pib puis sa légère diminution. Le ratio devait se situer à 60% du PIB en 2013/ 2014 avant de décroître à partir de 2015 pour atteindre 56,9% en 2017. Sous réserve que l'activité économique se renforce progressivement et que la politique gouvernementale reste dans une trajectoire saine des finances publiques et accélère les réformes structurelles. L'évolution de la réalité a été tout autre. Les conditions primordiales pour pérenniser l'équilibre des finances publiques à moyen terme et éviter ainsi une détérioration de la solvabilité de l'Etat n'ont pas été réunies. Dans ce contexte, le déficit budgétaire risque de ne se résorber que lentement et légèrement et la dette continuerait de croître. Les risques de dérapage sont possibles, compte tenu de la fragilité du contexte économique et social. La soutenabilité de la dette est prisonnière de l'insoutenable légèreté de nos finances publiques.