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Le calvaire d'Ali dans le "Royaume du peuple"
Publié dans Lakome le 25 - 09 - 2013

Un régime qui a peur d'un article et qu'une tribune fait trembler ne mérite pas de détenir le Pouvoir.
Je n'ai pas été surpris par l'arrestation du confrère Ali Anouzla par les autorités Marocaines, avec comme prétexte la publication par son site Lakome d'un lien vers une vidéo de l'AQMI. Le régime vient de commettre à nouveau une énième bêtise absurde, depuis le début du soulèvement populaire dans le contexte général des révolutions des peuples arabes qui ont déjà fait tomber certains régimes parmi les plus corrompus et totalitaires. Il montre à quel point il patauge en essayant de contourner les revendications du peuple marocain qui aspire au vrai changement, et martèle sa volonté de ne plus se laisser gouverner sans que les dépositaires de l'autorité ne rendent compte de leur actes.
Notre ami Ali fait partie d'une poignée d'individus (journalistes, militants, opposants à l'intérieur et l'extérieur du pays) que le régime surveille subrepticement. Il les épie sans avoir le courage politique et moral de les confronter face à face. Il le fait par le biais de ses appareils sécuritaires et ses organes judiciaires qui ne sont pas soumis à l'autorité du gouvernement de Benkirane. Il essaie aussi de leur nuire à travers ses suppôts, en particulier ses partis qui ont perdu, après leur crédibilité, leur raison d'être.
Le travail très professionnel fourni par Ali et l'équipe du site d'information à l'occasion du scandale de la grâce royale accordé au pédophile espagnol, a fini par gâcher la fête du trône qui célébrait le 13ème anniversaire de l'arrivée de Mohammed VI au pouvoir. Ce coup sévère à fait tombé le masque : le mythe de la monarchie à visage humain a volé en éclats. La vengeance du régime, une fois la décision prise, est devenue juste une affaire de timing. Le dernier éditorial d'Ali ne pouvait qu'exacerber la tension et la série d'articles que l'auteur de ces lignes a promis de publier sur Lakome à propos de « la boîte noire de la diplomatie du régime Marocain » ont certainement été perçues par ce dernier comme des provocations intolérables. Il fallait sévir vite et fort.
L'arrestation d'Anouzla n'est pas étrange de la part du Pouvoir Marocain, qui nous a habitués à sa ruse et ses vils agissements. Récemment, après le scandale de la grâce royale accordée au pédophile Daniel, révélée and jours en particulier grâce au site Lakome.com, le roi a fait appel à un discours contrit et un vocabulaire humble, dans une tentative de racheter le pardon du peuple, surtout que les rapports sécuritaires lui signalaient que les villes Marocaines étaient à deux doigts d'exploser de colère, tellement la blessure et l'humiliation causées par la grâce royales étaient insupportables. Aujourd'hui, il s'attaque violement au site Lakome, l'un des rares bastions de la libre parole, qui a dénoncé tant et tant de travers de ce Pouvoir, et ce malgré la Constitution plébiscite de 2011, la prétendue révolution des urnes, le gouvernement du Parti PJD et un ministre de la Justice, Ramid, qui fut un soi-disant défenseur des droits de l'Homme. Comment faire encore confiance à ce Pouvoir prédateur ?
Nous aimerions bien entendre une réponse de la part des défenseurs de la « monarchie parlementaire », l'application démocratique de cette Constitution qui perpétue un système de servitude, et tous les courtisans au sein et aussi en dehors de ce gouvernement servile. Tous ces prestidigitateurs et charmeurs du Roi, ses copains et ses partis et dans le gouvernement et l'opposition, seraient bien inspirés de nous donner une explication convaincante de cette décision d'arrestation d'un journaliste militant. Pourquoi le ministre Ramid n'a pas poursuivi en justice le journal espagnol El Pais le premier jour de la publication par ce dernier, sur son site web, de la vidéo de l'AQMI, et a attendu que le lien apparaisse sur le site Lakome ?
Un régime qui a peur d'un article et qu'une tribune fait trembler ne mérite pas de détenir le Pouvoir. Lorsqu'il use de la détention arbitraire, de la répression à travers ses organes sécuritaires, il révèle son vrai visage tyrannique et ôte toute crédibilité à sa litanie et ses discours depuis l'émergence du glorieux Mouvement du 20 février.
L'arrestation du collègue Anouzla doit marquer la fin d'une époque et le début d'une autre dans notre histoire contemporaine. Elle doit inaugurer une nouvelle étape de notre lutte contre le despotisme de ce régime qui a corrompu notre vie dans les domaines politique, social, économique et moral. Il ne faut plus jamais croire que ce régime fait partie de « La solution », et faire le pari sur sa réforme, comme l'ont essayé les gauchistes, les libéraux et les islamistes. Sans résultat. Au contraire, c'est le régime qui en est devenu plus agressif, après avoir laminé et soumis les partis, les institutions civiles et les médias. Aujourd'hui, il nous donne la preuve qu'il ne peut en aucun cas être un partenaire de progrès car il est « Le problème ». Sa génétique corrompue l'empêche de s'améliorer. Il est donc nécessaire de bien distinguer les deux phases et tourner la page une bonne fois pour toutes.
Trêve de mirages.
Régulièrement, le régime marocain, comme tout régime, traverse des crises et des turbulences politiques et sociales, telles que les tentatives de coup d'Etat en 1971 et 1972, les protestations sociales à Marrakech, Casablanca, Tanger, Tétouan, Nador et Fès dans les années 1980 et 1990, le soulèvement du mouvement du 20 février 2011, sans oublier les événements sanglants de Sidi Ifni, de Laayoune, et, aujourd'hui, les crimes commis contre nos concitoyens à Assa Zag dans nos provinces du Sud. La dernière crise a éclaté suite au scandale de la grâce royale accordée à un pédophile espagnol. Les forces politiques nationales n'ont pas réussi, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne et en Espagne, à profiter de ces crises pour contraindre le régime à renoncer à ses pouvoirs exorbitants et à accepter la création d'une assemblée constituante qui rédige une nouvelle Constitution qui reflète la volonté et les aspirations du peuple marocain et ses véritables forces politiques nationales.
A l'aube du troisième millénaire, au début de son règne, Mohammed VI avait donné espoir à une génération de jeunes journalistes indépendants. Ils ont fait honneur à la presse marocaine, par leurs analyses, leur audace et leur pertinence. Certains ont cru avoir mené de belles batailles pour la liberté d'expression. Ils on cru sincèrement les slogans affichés à l'époque par le nouveau règne : Roi des pauvres, nouveau concept de l'autorité, projet de société démocratique, politique de proximité et du respect des droits de l'homme, instance d'équité et réconciliation, fin des années de plomb, retour d'exil de feu Abraham Serfaty et de la famille Oufkir, fin de l'assignation à résidence de feu Abdeslam Yassine, fondateur du Mouvement Justice et Spiritualité, et enfin, le dernier mythe, le « royaume du peuple ». Cependant, après ces débuts prometteurs, le régime est vite revenu à sa nature « prédatrice », sa volonté irrésistible de museler les voix libres, sa soif de réprimer les libertés et de fabriquer de toutes pièves des procès iniques, et quand il le faut, procéder par enlèvement et assassinat. En un mot, à chaque Roi ses années de plomb.
Ali Anouzla faisait partie de cette jeune génération enthousiaste et motivée par l'accompagnement de la nouvelle ère. Cependant, il était parmi les rares de cette génération de journalistes et chroniqueurs qui ont choisi de continuer à dire la vérité aux lecteurs, et de lutter contre l'injustice du Pouvoir politique, n'ayant d'autre souci que celui d'informer le citoyen, ce qui, au Maroc, revient à dévoiler devant l'opinion publique nationale et internationale, la vraie nature d'un régime qui a avorté nos rêves et paralysé nos projets d'un véritable développement.
Au sein de la même génération, d'autres collègues ont préféré leur sécurité personnelle et la course à l'enrichissement, en jouant le jeu du Makhzen. Si certains ont vite succombé à la tentation, d'autres ont conclu l'alliance avec ce dernier après avoir subi les affres de ses injustices, sous forme d'intimidations, de procès, d'amendes et de foyers brisés. Ali et d'autres confrères ont résisté. Convaincus de l'utilité de continuer à éclairer l'opinion publique et repousser les lignes rouges, ils ont misé sur l'effet positif que leurs écrits ne manqueront pas de produire, par effet cumulatif, malgré tout le mal causé par le régime à ce « Royaume des pauvres », ses valeurs, sa société, son identité et ses richesses.
Jean Lacouture, ex-rédacteur en chef du Magazine français « Le Nouvel Observateur » avait demandé à Hassan II lors de son dernier interview: « Quels sont les événements ou les situations qui vous ont le plus attristé et que vous n'oublierez jamais ? ». Le Roi a répondu: « Quand les putschistes en 1971 ont annoncé la chute de la monarchie marocaine, j'ai été très déçu de constater que les marocains ne sont pas sortis dans la rue pour exprimer leur tristesse. J'ai été encore plus peiné, une fois le putsch maté et la monarchie rétablie, de voir que les marocains ne sont pas sortis non plus pour exprimer leur joie de voir que la monarchie a survécu ».
Le nombre impressionnant de citoyens, de personnalités publiques, d'Organisations des Droits de l'Homme, de médias nationaux et internationaux qui ont protesté contre l'arrestation du militant Anouzla, est la meilleure illustration de l'échec de la décision du régime de l'arrêter pour le terroriser personnellement et intimider à travers son exemple les médias indépendants, les activistes et les militants authentiques. Même Hassan II n'a pas eu droit à cet élan de solidarité lorsque la monarchie entière a vacillé.
Le Roi Mohammed VI va-t-il enfin comprendre que le pouvoir réel est d'abord une affaire de morale et d'éthique, qui s'exprime par la défense des faibles, le respect de la vérité, la sincérité et l'honnêteté avec soi-même et avec le peuple. Va-t-il un jour comprendre qu'un pouvoir n'est légitime que lorsqu'il incarne d'abord la volonté et le consentement du citoyen ?
L'histoire des Nations et des Peuples nous apprend que depuis la nuit des temps, dans la bataille entre la justice et l'injustice, la victoire des opprimés n'est jamais immédiate. Parfois, il suffit d'un petit évènement pour changer la donne et modifier les rapports de force entre les deux camps. Les tyrans, malgré leur force extérieure, tremblent de peur sans cesse. Quand ils sentent l'heure de leur fin approcher, ils multiplient les erreurs et les fautes et leurs attitudes deviennent de plus en plus irrationnelles. Leur agressivité d'amplifie à mesure que leur arrogance les aveugle, jusqu'à la chute finale.
Qui se souvient de Ali Abdallah Saleh, de Saddam Hussein, de Sadate, du Shah d'Iran et du roi Farouk d'Egypte ?
Traduit de l'arabe par Ahmed benseddik
Article original paru dans lakome arabe


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