publie la revue de presse internationale de Thomas Cluzel sur France Culture, dédiée à la mobilisation pour la libération d'Ali Anouzla dans son numéro du 19 septembre. Pour écouter la revue de presse de Thomas Cluzel, cliquer ici Depuis deux jours, l'opinion publique marocaine est chamboulée par l'arrestation d'un journaliste de renom, Ali Anouzla, directeur du site d'information LAKOME, dans sa version arabophone. Ce dernier est accusé d'apologie du terrorisme, après avoir publié sur son site la vidéo d'un groupe terroriste d'AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), contenant des menaces contre le Maroc et des incitations à y commettre des actes terroristes. Aussitôt, précise le portail d'information AU FAIT MAROC, associations des droits de l'Homme, journalistes et citoyens lambda ont unanimement condamné cette arrestation. Tous expriment leur solidarité avec le journaliste et se disent inquiets quant à cette nouvelle tentative de l'Etat de frapper de plein fouet la presse indépendante, soucieux également de la confiscation de la voix et des plumes libres qui représente une restriction de la liberté d'expression. Seulement voilà, alors que les voix de ceux qui appellent à libérer Ali Anouzla ne cessent de s'accroître, précise l'article, nos partis politiques, eux, sont clairement dans le camp opposé. Et ils enfoncent même le clou, en accusant sur un ton virulent Ali Anouzla d'être au service de l'ennemi ou encore d'incitation au terrorisme. Il faut dire que le film incriminé est clairement un contenu de communication marketing de la cellule terroriste, incitant les Marocains à renverser la monarchie et à s'engager dans le jihad. En clair, afficher une telle vidéo reviendrait finalement à distribuer des centaines de milliers de tracts, appelant au jihad guerrier contre l'Occident, à la destruction de la monarchie, de la bourgeoisie marocaine et de tous ceux qui s'opposent à l'application de la charia. Dès lors, la question qui se pose est celle-ci : peut-on en parler pour informer le public et faire notre travail de journaliste, sans pour autant transformer nos médias en tribunes au service des terroristes ? Pour sa défense, le site LAKOME rappelle ce matin que dès le départ, il a pris soin de préciser qu'il s'agissait là d'une vidéo de propagande et qu'à aucun moment, bien entendu, il n'avait pris partie pour les terroristes. Et d'ailleurs, dit-il, le fait même de diffuser une vidéo d'AQMI est une pratique constatée couramment dans les médias internationaux. Autrement dit, avec ce raisonnement, les locaux d'Al Jazeera devraient être saisis, les journalistes de la BBC arrêtés et le directeur de CNN limogé. Tous ces médias ont diffusé à plusieurs occasions des messages et enregistrements émanant d'Al Qaïda ou d'autres organisations terroristes. Car informer n'a jamais été synonyme de galvanisation et d'incitation au terrorisme, sauf, sauf visiblement au plus beau pays du monde, comprenez : le Maroc. Et c'est d'ailleurs encore le cas aujourd'hui, puisque le site américain, Site Intelligence Group, qui publie, chaque jour, des dizaines de communiqués et de vidéos émanant de jihadistes radicaux, vient à son tour de publier sur sa principale page, la vidéo d'AQMI, celle là même qui a valu au journaliste Ali Anouzla une arrestation fulgurante et son incarcération sous le coup de la loi anti-terroriste. Idem pour le quotidien madrilène EL PAIS. Au point, d'ailleurs, que pour faire bonne figure, peut-on lire sur le site DEMAIN ONLINE, le ministre marocain de l'injustice et du peu de libertés a décidé de poursuivre en justice le quotidien espagnol. Et maintenant, que va-t-il faire interroge le journaliste ? Va-t-il également appeler son homologue américain ? Et pourquoi pas aussi donner un petit coup de fil à sa collègue française, Christiane Taubira, puisque le site français Dailymotion n'a pas censuré la vidéo d'AQMI ? Certainement pas, car comme le précise toujours l'article, si le ministre marocain insiste à poursuivre aujourd'hui uniquement EL PAIS, c'est parce que les autorités en veulent au correspondant de ce journal au Maghreb, bête noire du régime marocain. Et c'est d'ailleurs aussi la raison pour laquelle Ali Anouzla, journaliste jugé trop irrévérencieux et incontrôlable a été arrêté. Cette affaire est une manipulation sournoise pour le faire taire, éclipser le site d'informations LAKOME et aviser les autres journalistes qui oseraient s'attaquer au vrai centre du pouvoir : la monarchie. Il est clair, écrit encore ce matin LE QUOTIDIEN D'ORAN, que la justice marocaine, sur ordre, a trouvé là un prétexte pour s'attaquer au directeur d'un site indépendant, qui tranche avec la flagornerie ambiante de la presse marocaine. Et d'ajouter, Ali Anouzla est devenu une bête noire du pouvoir parce qu'il ne s'interdit aucun sujet, pas même «l'absentéisme» du roi. Autrement dit, il est clair que ce journaliste engagé pour la démocratisation de son pays était dans le collimateur du Palais. Tout comme l'a été et l'est toujours d'ailleurs son homologue Aboubakr Jamaï, dont on a fermé le Journal Hebdo. Et le site LAKOME d'en conclure ce matin : oui, Anouzla est un terroriste. Un terroriste qui puise sa plume dans l'encrier de la dignité, pour dénoncer le vrai terrorisme pratiqué par l'Etat à l'égard de ses « sujets ». Appauvrir les marocains, les distraire avec des politicards, dilapider leurs deniers publics et mener des politiques désastreuses tout au long des dernières années. C'est cela le terrorisme. Bref, libérez Ali.