Le directeur de Lakome arabophone a été interpellé ce matin pour enquête par la police judiciaire sur ordre du procureur de la cour d'appel de Rabat. Selon le communiqué, cette interpellation fait suite à la diffusion d'une vidéo d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) qui menace le Maroc en attaquant le roi Mohammed VI. Des éléments en civil de la police judiciaire de Rabat ont débarqué ce matin à la rédaction de Lakome, à Rabat. Après avoir saisi les unités centrales des ordinateurs de la rédaction, ils ont interpellé le directeur de Lakome arabophone Ali Anouzla, sur ordre du parquet général, au motif de la diffusion d'une vidéo d'AQMI appelant à commettre des actes terroristes au Maroc. Le communiqué du procureur ne précise pas s'il s'agit de Lakome arabophone, dirigé par Ali Anouzla et qui a publié un simple lien vers la vidéo en question, ou s'il s'agit de Lakome francophone, dirigé par Aboubakr Jamaï, qui a diffusé la vidéo sur son site. Cette décision du parquet surprend à plus d'un titre. Dans les deux cas, Lakome arabophone et francophone ont précisé dès le départ qu'il s'agit d'une vidéo de propagande et ne prennent à aucun moment partie pour les terroristes d'AQMI. Par ailleurs, le fait même de diffuser une vidéo d'AQMI est une pratique constatée dans les médias internationaux. Il y a quelques mois, en mai 2013, le même groupe terroriste avait diffusé un message appelant les musulmans du monde entier à attaquer les intérêts français. L'information avait alors été traitée par l'ensemble des médias français. La vidéo d'AQMI avait par exemple été relayée sur le site d'informations Huffington Post (France) tandis que des médias comme L'Express ou LCI publiaient un lien pour que leurs lecteurs puissent consulter cette vidéo sur Youtube ou Wat.tv. Ali Anouzla et la presse indépendante dans la ligne de mire Ce n'est pas la première fois que le directeur de Lakome arabophone Ali Anouzla est poursuivi par les autorités marocaines. L'été dernier le journaliste marocain avait été poursuivi par le tribunal de Fès pour «diffusion de fausses informations» : Lakome arabophone avait repris une information publiée par un site local de Fès faisant état du décès d'un manifestant. Quelques minutes plus tard, après s'être rendu compte de la non-véracité de l'information, Lakome arabophone avait retiré la publication de son site et s'était excusé auprès de ses lecteurs. Les autorités avaient tout de même décidé de poursuivre Ali Anouzla en justice, faisant fi du concept de «bonne foi» prévu par l'article 42 du code de la presse. Au même moment, une deuxième convocation par la police s'abattait sur Ali Anouzla, cette fois en provenance de Rabat. Les autorités reprochaient au journaliste d'avoir donné des interviews aux sites d'informations marocains indépendants Goud.ma et Febrayer.com, dans lesquelles Ali Anouzla soupçonnait les services marocains d'être derrière une virulente campagne de dénigrement à son encontre. Journaliste libre et engagé pour la démocratisation du Maroc, Ali Anouzla a créé le site d'informations indépendant Lakome arabophone en 2010, après la fermeture du quotidien Al Jarida Al Oula, dont il était le fondateur et directeur. En 2011, il est rejoint par Aboubakr Jamaï, ancien directeur du Journal Hebdomadaire, qui créé Lakome francophone.