Le Professeur Maurice Duverger mettait un point d'honneur à insister sur la distinction entre Les Constitutions – Lois, courtes, précises et Les Constitutions – Programmes dont les mises en application sont tributaires de la promulgation d'un nombre impressionnant de lois organiques. Dans une étude publiée ici –même le 17 juin 2013 intitulée « CES INCOHERENCES QUI PLOMBENT LA CONSTITUTION », j'ai souligné que cette dernière compte 180 articles, contre 108 pour celle de 1996 et seulement 87 pour celle de La France. En dépit de cette pléthore d'articles (et 20 lois organiques), la nouvelle Constitution souffre d'un certain nombre de failles, de lacunes, d'imprécisions, et d'une absence de maîtrises des relations causales entre l'Institution Monarchique et les deux autres Institutions constitutionnelles que sont La Chambre des Représentants et le Gouvernement. La crise actuelle qui perdure depuis plus d'un trimestre, marquée par les confusions, les instrumentalisations de certains articles de La Constitution à des fins de basses politiques, en est l'illustration parfaite. Aussi est – il devenu urgent de se soustraire à cette ambiance malsaine entretenue sciemment par une certaine caste médiatico - politique et procéder à un travail de clarification, d'esprit critique en analysant chaque étape du processus tel qu' il a été gravé dans La Loi Fondamentale . LA NOMINATION ( Article 47 ) 1) En vertu de l'alinéa I de cet article, « Le Roi nomme le Chef du Gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections de la Chambre des Représentants, et au vu de leurs résultats ». Cet alinéa appelle 3 remarques : - Eviter à tout prix le renouvellement de la confrontation indigne survenue en 2002 entre le Premier Secrétaire de L'USFP et Le Secrétaire Général du parti de l'Istiqlal . - Compte tenu du mode de scrutin et du nombre élevé des formations politiques, aucune des ces dernières ne pourra obtenir la majorité absolue au sein de la Chambre des Représentants. - Mais en même temps, il légitime et légalise l'intervention du Roi dans la vie interne des partis, ce qui peut susciter des rivalités , des divisions etc.... Mais Le Roi a préféré nommer le S G du PJD. Ce dernier a disposé d'un mois pour entamer des négociations avec diverses formations politiques pour mettre sur pied la majorité nécessaire, établir le programme et dresser la liste des ministrables. Les 4 partis politiques (PJD , PI , MP et PPS) disposent d'une majorité absolue et confortable au sein de la Première Chambre . 2) En vertu de l'alinéa II de l'article 47 « sur proposition du Chef du Gouvernement, il nomme les membres du gouvernement ». A ce niveau s'arrêtent les prérogatives du Souverain et Le Chef du Gouvernement est tenu de se soumettre à une autre obligation. LA LEGITIMATION (Article 88 ) En vertu de l'alinéa III de cet article « Le Gouvernement est investi après avoir obtenu la confiance de la Chambre des Représentants, exprimée par le vote de la majorité absolue des membres composant ladite Chambre en faveur du programme du Gouvernement ». Cela signifie que Le Chef du Gouvernement tire sa légitimité de la confiance de la majorité absolue des Représentants de la Nation, majorité identifiée par sa composition (PJD , PI , MP et PPS) et qui se reflète dans la composition du Gouvernement . Cette majorité a perduré jusqu'au 11 Mai 2013 LE TEMPS DES ERREMENTS - L'élection d'un nouveau S G à la tête du parti de l'Istiqlal va tout remettre en question. - Faute d'avoir obtenu satisfaction sur certaines exigences (placer ses fidèles aux postes ministériels essentiellement), le SG du PI va jouer le tout pour le tout. 1) Le 11 Mai 2013, Le Conseil National du PI a adopté une décision : le retrait du parti du gouvernement et a sollicité l'arbitrage royal sur la base de l'article 42 de la Constitution. Sur ce point j'ai publié ici – même le 17 Mai 2013 une analyse intitulée « TOUS HORS – JEU », dans laquelle j'ai soutenu que la notion de retrait du gouvernement est a-constitutionnelle et que le recours à l'article 42 constitue purement et simplement un dévoiement flagrant de la lettre et de l'esprit de La Loi Fondamentale. En réalité ce n'était qu'un grossier stratagème. Si l'intention véritable était la rupture définitive, le Conseil National du PI qui compte parmi ses membres d'éminents avocats et professeurs universitaires aurait formulé sa décision autrement : Le retrait simultané du groupe istiqlalien de la majorité parlementaire et la démission de ses ministres du gouvernement. 2) Le SG du PI lors de cette réunion, a déclaré que le Roi lui a demandé par téléphone de surseoir à cette décision jusqu'à son retour au Pays et de lui préparer un mémorandum. 3) Après avoir été reçu, le SG du PI a déclaré que le Roi lui a demandé de donner un délai d'un mois au Chef du Gouvernement pour former une nouvelle majorité. 4) Le Chef du Gouvernement durant tout ce temps a fait la sourde oreille, répétant partout n'avoir reçu aucun document officiel du retrait du PI et qu'il bénéfice de la confiance du Roi – ce qui prouve qu'il continue à raisonner avec la mentalité d'il y a un demi–siècle, lorsque la Constitution affirmait que le Premier Ministre est responsable devant le Roi et le Parlement. 5) Le 9 juillet 2013, les 5 ministres Istiqlaliens sur 6 ont remis leur démission individuelle au Chef du Gouvernement qui conformément à l'alinéa 5 de l'article 47 doit les soumettre au Roi pour mettre fin à leurs fonctions. Mais le Chef du Gouvernement, profitant du vide constitutionnel va à son tour user du même stratagème en les gardant sous le coude. 6) Le SG du PI demande aux parlementaires et aux ministres de continuer à soutenir toutes les initiatives du gouvernement tout en traitant au même moment Abdelilah Benkirane d'élève de Drisse Basri qui l'a propulsé de vendeur de javel à directeur d'école. 7) Le Chef du Gouvernement a reçu les pleins pouvoirs du PJD, du MP et du PPS pour entamer des négociations avec les autres formations politiques en vue de former une nouvelle majorité et procéder à un remaniement ministériel. Il semble que le RNI est le seul à pouvoir remplir cette tâche. LE DEBAT QUI N' PAS EU LIEU Une bonne partie de la classe politique n'entrevoit pour sortir de l'actuelle crise gouvernementale (alors qu'il s'agit d'une véritable problématique constitutionnelle) que deux options : - Soit l'organisation d'élections anticipées. - Soit courir après la formation d'une nouvelle majorité au sein de la Chambre des Représentants. Or si la première option est réalisable, car elle est prévue par la Constitution, ce n'est guère la cas pour la seconde. Le Chef du Gouvernement a publiquement pris acte du fait qu'il a perdu la majorité au sein de la Chambre des Représentants, ce qui a entraîné la démission de cinq ministres istiqlaliens. Le Chef du Gouvernement ne peut plus se prévaloir ni de la légitimité ni de la confiance qui lui ont été conférées initialement. Or dans la Constitution ne figurent nulle part les modalités et les mécanismes sur lesquels le Chef du Gouvernement en sursis, peut s'appuyer pour former une nouvelle majorité et un nouveau gouvernement. Pour éviter l'humiliation d'une démission collective du gpuvernement suite au vote d'une motion de censure, le Chef de l'exécutif ferait mieux d'anticiper et de présenter sa démission, qui met fin aux fonctions de l'ensemble du gouvernement. Certes Le Roi est tenu de nommer le Chef du Gouvernement au sein PJD, qui peut ne pas être l'actuel Secrétaire Général. Ce serait un choix explosif au sens propre comme au sens figuré. Mais le Chef de Gouvernement est un coriace qui fera tout pour garder son poste et dominer son parti. Or pour se maintenir il est tenu de passer sous les fourches caudines du RNI, qui tient entre ses mains le sort et la survie du gouvernement. SOLUTION POUR UNE SORTIE DE CRISE La procédure entamée par le Chef du Gouvernement étant a–constitutionnelle, il faut donc agir dans le cadre légitime et légal. C'est le secrétaire Générale du PJD avec l'accord de ses associés du MP et du PPS qui engage les négociations avec le président du RNI. S'ils aboutissent à un accord sur tous les points, le Chef du Gouvernement peut alors recourir à l'article 103 de la Constitution qui stipule:« Le Chef du Gouvernement peut engager la responsabilité du gouvernement devant la Chambre des Représentants sur une déclaration de politique générale ou sur le vote d'un texte. La confiance ne peut être refusée ou le texte rejeté qu'à la majorité absolue des membres composant La Chambre des Représentants. Le vote ne peut intervenir que trois jours francs après que la question de confiance ait été posée. Le refus de confiance entraîne la démission collective du gouvernement » Si l'accord est respecté, le Chef du Gouvernement qui a obtenu la confiance de la majorité absolue de la Chambre des Représentant, et dont la légitimité est restée intacte, peut alors soumettre au souverain. la nouvelle composition de l'exécutif. Mais est–ce suffisant pour amorcer une véritable stratégie de profondes réformes afin de faire face à l'extrême gravité de la situation économique, financière et sociale du Pays ? Mohamed ZENZAMI, Juriste Ce texte a été rédigé avant la diffusion du communiqué du cabinet Royal.