Le Maroc est devenu, de nos jours, un lieu de rencontres et de débats nationaux et internationaux. Leurs thèmes sont divers et variés mais la plupart tourne autour des droits humains, de la démocratie participative, de la bonne gouvernance, de la constitutionnalisation du libre accès à l'information et des autres horizons qu'ouvre la constitution de 2011. Grosso modo, assister à toutes les conférences requiert une année sabbatique car on a vite fait d'en devenir «accro». Donc, toute honte bue, j'avoue avoir un penchant pour ces rencontres et des débats qui les suivent. Cependant, une pernicieuse perplexité m'envahit lorsque j'assiste à celles où les intervenants sont des stars marocaines de la transparence et de la démocratie participative. A les écouter, on sort convaincu que la démocratie est installée au Maroc, que la liberté d'expression y est respectée, que les critères de bonne gouvernance y sont obligatoires et que l'accès à l'information y est libre. Mais une fois le perron des grands hôtels franchi et les grandes salles climatisées quittées, on se trouve devant une réalité toute autre. Par exemple, lorsque vous réintégrez votre lieu de travail encore enveloppé dans un nuage de bons principes que les chantres de la transparence ont développé pour vous, votre premier constat sera que l'information est essentiellement captive car toujours considérée comme une source de pouvoir. Ceux qui la retiennent ne sont nullement découragés par les nouvelles technologies de communication et la rapidité de circulation de l'information qu'elles permettent. L'impact de ces technologies peine encore à les dissuader de cette conception du traitement de l'information, alors que quoiqu'ils fassent, l'obligation de transparence les talonne et l'information trouvera son chemin pour arriver à la personne intéressée. Et même, lorsque, afin de promouvoir la transparence, les institutions marocaines se dotent de sites web, leurs mises à jour posent de sérieux problèmes, nombreux d'entre eux affichent des informations datant de plus d'une année. Est-ce un manque de réactivité des informaticiens face à l'abondance de l'information ou est-ce un manque de collaboration de la part des responsables? Le milieu associatif n'échappe pas, à son tour, à la rétention d'information. Si vous avez un tant soit peu la fibre associative et des velléités de militantisme vous avez vite fait de vous rendre compte que les dirigeants des associations souffrent aussi du syndrome du zaïm dictateur. Ils dirigent d'une main de fer leur entourage en bloquant la circulation de l'information et en faisant fi de toute démocratie et de reddition de comptes malgré leur prêchi-prêcha sur la bonne gouvernance et la transparence. Finalement, la réalité de l'accès à l'information dans notre pays me pousse à poser certaines questions : pourquoi ce divorce permanent entre le principe de son libre accès appelé par tous les vœux et la pratique de la rétention de l'information? La cause est-elle notre impuissance à nous arrimer pour de bon à la transparence et à la modernité ? Ou pire, sommes-nous un peuple définitivement schizophrène devant ces modes de gestion de la vie publique? Fatiha Daoudi