L'éviction du président élu Mohamed Morsi divise les juristes marocains : certains affirment que l'intervention de l'armée est une réponse à la légitimité de la rue. D'autres estiment au contraire que ce qui s'est passé est clairement un coup d'état militaire selon les normes juridiques et politiques. Abdessamad Belakbir, analyste politique et professeur d'université, déclare à Lakome que tout ce qui se passe en Egypte depuis le 25 Janvier 2011 à ce jour, a une légitimité politique puisque l'institution de la présidence, la Constitution et toutes les institutions constitutionnelles émanent d'abord de la volonté populaire qui s'exprime dans la rue. Si 30 millions d'Egyptiens sont descendus dans la rue contre Morsi et sa constitution alors l'intervention de l'armée serait une réponse à la légitimité de la rue qui est la légitimité fondamentale supérieure, estime-t-il. Abderrahman Benamer, également juriste, a une vision similaire à celle de Belakbir, à quelques détails près. Selon lui, on ne peut pas considérer ce qui s'est passé en Egypte comme un coup d'Etat militaire à cent pour cent, car «un coup d'Etat militaire se produit lorsque l'armée prend le pouvoir législatif, civil et exécutif, ce qui n'est pas le cas dans l'expérience égyptienne, au moins pour le moment ». «Les manifestations contre Morsi ont réuni le peuple, des membres de la police, des avocats et des juges. Selon mes informations, c'est un éminent juge qui a élaboré le feuille de route de l'après-Morsi », affirme-t-il avant de poursuivre : «L'armée a confié au président de la Cour constitutionnelle la gestion du pays durant la phase de transition, soulignant que la prochaine constitution sera élaborée par toutes les composantes du peuple d'Egypte. Avec ça, il est impossible de décrire ce qui s'est passé comme un coup d'Etat militaire». Benamer évoque des moments similaires de l'histoire, comme ce qui s'est passé au Portugal, quand les militaires ont pris le pouvoir puis l'ont remis aux civils lors de la révolution des œillets, ou la révolution bolchevik où les militaires se sont joints aux civils. Benamer considère que « l'Egypte vit une révolution complexe : son horizon est civil et son instrument est militaire. On peut ne pas être d'accord, puisque le président égyptien est démocratiquement élu et n'a pas achevé son mandat, mais cela relève des formalités parce que le fondement de toute démocratie est la légitimité de la rue et la volonté des citoyens ». De son coté, Abdelaziz Nouaydi, fondateur de l'association «Adala» et membre de la Commission de la réforme de la justice, considère que ce qui s'est passé en Egypte est un "coup d'Etat militaire" qui a violé la légitimité et le droit, eu égard aux normes juridiques et politiques. Nouaydi estime que Morsi a été légitimement élu lors d'un scrutin dont la transparence a été attestée par le monde entier, ce qui exige que l'on doive respecter la Constitution. Il s'interroge : «autrement, chaque fois que les citoyens manifestent dans la rue, faut-il virer le président et en chercher vite un autre ?» Le professeur de droit constitutionnel, Omar Bendourou partage l'opinion de Nouaydi. Pour lui, tous les ingrédients du coup d'Etat contre la légitimité sont réunis. Selon lui, l'armée en Egypte n'a pas cessé un seul jour de s'immiscer dans la politique. Elle manipulait le cours des choses discrètement, derrière le rideau. Morsi ne contrôlait pas la police ni l'armée, et le président intérimaire ne fera qu'exécuter les volontés de l'appareil militaire.