Attijariwafa Bank, filiale bancaire du holding royal SNI, est en pôle-position sur le marché de la finance islamique au Maroc. Le roi Mohammed VI, en sa qualité d'Amir Al Mouminine, décidera par ailleurs de la composition et des modalités de fonctionnement du «Sharia Board», chargé de contrôler la conformité des futures banques islamiques et de leurs produits sur le marché marocain. Attijariwafa Bank, filiale du holding royal SNI et premier groupe bancaire du royaume, a signé fin mai une convention de partenariat avec la Fondation Mohammed VI pour l'éducation, qui regroupe les fonctionnaires et retraités de l'Education et de la Formation. Ce partenariat permet à Dar Assafaa, filiale d'Attijariwafa spécialisée dans les produits islamiques, de proposer aux adhérents de la Fondation son offre de financement immobilier «Mourabaha». «Nous avons signé cet accord suite à une forte demande de nos adhérents», explique à l'agence Reuters la directrice de la Fondation, Sanaa Hannine. La Fondation Mohammed VI compte 350 000 membres mais seulement 80 000 d'entre eux ont déjà eu accès à un prêt immobilier à travers l'association, indique la même source. La banque du Roi en pôle-position 94% des Marocains sont intéressés par la finance islamique selon une étude de l'Islamic Finance Advisory & Assurance Services (IFAAS) publiée en juin 2012. L'Etat marocain a pourtant longtemps freiné son développement, de crainte de voir les banques de la place – notamment françaises – trop concurrencées par leurs homologues du Golfe. Trois produits islamiques ont finalement été autorisés en 2007 par Bank Al Maghrib. Ils ne concernent que l'investissement et ont été renommés «produits alternatifs» pour ne pas porter préjudice aux autres produits qui, par opposition, seraient devenus «haram» dans l'esprit de beaucoup de Marocains. Attijariwafa Bank a été la première banque marocaine à se lancer en créant une filiale dédiée, Dar Assafaa. La Banque populaire avait suivi le mouvement mais a arrêté la commercialisation de ses produits en 2011. En cause : une offre limitée et l'absence de réglementation spécifique, alors que les produits islamiques proposés au Maroc «sont fiscalement désavantagés» par rapport aux produits classiques, selon Mohamed Talal Lahlou, professeur universitaire, chercheur et consultant associé à MFI Consulting. «Projet de loi retardé pour se préparer à la concurrence» Le situation devrait cependant évoluer avec la nouvelle législation dédiée à la finance islamique, en cours d'élaboration, qui ouvrira les portes du marché marocain aux banques islamiques du Golfe. Cette évolution est liée à l'accession des islamistes du PJD au gouvernement fin 2011 mais aussi à un problème structurel de liquidités et à un faible taux de bancarisation (qui atteint 55% en 2012 selon le GPBM). Le projet de loi bancaire a été adopté en Conseil de gouvernement en septembre dernier et le ministre de l'Economie, Nizar Baraka, a indiqué il y a quelques jours que le projet doit passer devant le Parlement «dès que possible». «C'est presque impossible que la loi régulant la finance islamique soit approuvée en 2013» nuance Ali Alami, dirigeant d'Optima Finance Consulting cité par Reuters. Selon lui, «les banques marocaines poussent à retarder la législation afin de mieux se préparer à la concurrence». Mohammed VI, Amir Al Mouminine De son côté, Bank Al Maghrib s'active auprès des oulémas pour mettre en place le «Sharia Board» (Comité de la charia pour la finance), composé d'oulémas et d'experts financiers, chargé de s'assurer de la conformité des futures banques islamiques (appelées officiellement «banques participatives») et de leurs produits. Le secrétariat du Sharia Board sera confié à Bank Al Maghrib. Dans la première version du projet de loi déposée sur le site du Secrétariat Général du Gouvernement (SGG), la composition ainsi que les modalités de fonctionnement du Sharia Board devaient être fixées par décret. Ils le seront finalement par dahir royal a révélé Les Eco en janvier dernier, le Sharia Board étant considéré comme un «comité scientifique spécialisé» dépendant du Conseil supérieur des oulémas, présidé par le roi Mohammed VI en sa qualité d'Amir Al Mouminine. Un mélange entre business et religion qui soulève certaines interrogations, alors que le roi a également gardé son pouvoir de nomination sur le gouverneur de Bank Al Maghrib, qui régule le secteur.