Ces derniers jours, la monarchie de Mohammed VI nous a gâtés. Au moins à trois occasions, elle a montré tour à tour son coté moyenâgeux, sa propension démesurée à la prédation économique et son mépris royal du citoyen marocain. Acte Un : La visite au Maroc de François Hollande, président de la république française, a constitué une belle occasion pour que le protocole royal confirme ses capacités légendaires à faire ridiculiser le pays entier. Entre baisemain obséquieux au roi et son fils le prince héritier et l'orgie de tapis déroulés un jour de pluie devant des chaussures et des pneus, le spectacle est parfait. Les médias de l'hexagone n'ont pas raté l'occasion pour montrer à leurs téléspectateurs à quel point le pouvoir marocain s'entête à perpétuer des pratiques d'arrogance et de faste dignes des milles et une nuit alors que nous sommes en 2013 et que le monde vit au rythme du déclin des régimes despotiques et que les monarchies en Europe, pourtant non impliquées dans l'exercice du pouvoir car ce dernier revient à des élus des peuples, se font de plus en plus humbles et respectueuses de la dignité et de la liberté des citoyens. L'émission « Le petit journal » de la chaine Canal Plus, diffusée le soir du jeudi 4 avril à une heure de grande écoute, à mis en relief ces aspects en parlant de « majesté majestueuse » et aussi de « sainteté majestueuse ». En moins de cinq minutes de la bande vidéo que l'on peut voir sur dailymotion, l'animateur Yann Barthes a prononcé dix fois le mot baisemain et douze fois le mot tapis. Ce matin du 12 avril, soit une semaine après les faits, la vidéo enregistre déjà plus de 171.000 vues. Quel gâchis pour l'image d'un pays entier, gâchis entretenu par un pouvoir qui ne veut pas comprendre que le culte de la personnalité n'est que le triste reflet de son indigence intellectuelle et de sa misère morale. Quelques jours après, c'est autour d'un autre animateur Eric Zemmour d'affirmer sur une autre chaine, Paris Première : on a l'impression que le roi du Maroc « achète » toute la classe politique française. En face de lui, Michèle Alliot Marie, ne dément pas. Elle rajoute même « et médiatique ». Cet aveu tardif de la part d'une ex-ministre de la défense, de l'intérieur, de la justice et des affaires étrangères de la république, en dit long sur la connivence et les relations malsaines que le Palais royal entretient avec les cercles d'influence parisiens. Acte Deux : L'article publié récemment par le prince Hicham Benabdallah Al Alaoui dans le dernier numéro de la revue française Pouvoirs, sous le titre « L'autre Maroc » comporte une affirmation plutôt gênante pour son royal cousin et ses courtisans. En effet, il parle à la page 61 du « groupe immobilier Addoha, lié au palais ». Cette information en soi n'est pas un scoop. La récente enquête menée par Ali Anouzla pour Lakome illustre comment la CDG, dirigée par Anas El Alami (un proche de Hassan Bouhemou, bras droit de Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi) joue le rôle de "rabatteuse" foncière pour Addoha. Quelques lignes avant d'évoquer Addoha, le prince dévoile une phrase d'une lettre qu'il a adressée au roi Mohammed VI le 14 aout 2011 et qui illustre le drame du pouvoir absolu et ses ravages : « je crois que s'il m'est difficile de réaliser un projet au Maroc, c'est que vos instructions ont toujours été interprétées à la lumière de vos sentiments à mon égard, réels ou supposés ». Or, dans un Etat de droit, les décisions se prennent sur la base de l'intérêt général, et non pas sur la base des sentiments, des états d'âme ou des humeurs. Cette accusation princière de « liaison » royale avec un groupe privé s'ajoute au coup de colère de l'homme d'affaire Miloud Chaabi, concurrent direct de Addoha dans le domaine de la promotion immobilière, qui, dans une interview publiée récemment par l'hebdomadaire Al Ousboue Assahafi, avait comparé Anas Sefrioui, le PDG du groupe Addoha au clan Trabelsi, famille de l'épouse du dictateur tunisien Benali chassé de son pays en janvier 2011. Jeudi 11 avril, le président tunisien Moncef Marzouki s'est vu remettre un chèque de 28,818 millions de dollars d'avoirs détournés au Liban par la famille du chef de l'Etat déchu, après avoir été saisis sur un compte en banque au Liban au nom de Leïla Trabelsi, dont la famille avait placé l'économie tunisienne sous coupe réglée. Ces fonds ont été remis par le procureur général du Qatar, Ali Ben Fetaïs Al Marri, chargé par l'ONU de coordonner les enquêtes sur les avoirs détournés par les dirigeants renversés par le printemps arabe. Moncef Marzouki a indiqué récemment que la famille Ben Ali-Trabelsi et d'autres dignitaires du régime déchu avaient détourné, après 23 ans de règne sans partage, entre 15 et 50 milliards de dollars. La comparaison de Miloud Chaabi serait-elle prémonitoire ? L'avenir le dira... Acte Trois : En raison de la crise économique et financière dans laquelle s'enfonce le pays lentement mais surement, le gouvernement a décidé par décret de geler 15 milliards de dirhams sur les 58.9 milliards alloué par la loi de finances 2013 au budget d'investissement. Ce chiffre est à mettre en regard d'un autre. Le dernier rapport du Conseil Economique et Social, au demeurant d'une grande qualité, est consacré au système fiscal Marocain. Il mentionne un montant de dépenses fiscales en 2011 de 32,07 milliards de dirhams, dont en partie 4,29 milliards de dirhams dont bénéficie le secteur de l'agriculture et de la pêche sous forme d'exonérations diverses. Or, l'un des plus grands opérateurs dans le domaine agricole est la holding royale. Fidèle a sa doctrine qui consiste à ne pas indisposer le palais, le gouvernement Benkirane n'ose pas puiser dans ces gisements de recettes et choisit la solution de facilité. Cette coupe d'environ 25 pour cent dans les investissements a touché tous les départements ministériels et les institutions de l'Etat. Tous ? Pas vraiment. Par un tour de passe-passe dont seule la gouvernance au Maroc a le secret, la Cour royale est épargnée par cette mesure d'austérité et ne participe donc pas à cet effort de solidarité nationale devant l'adversité. Pourtant, la nouvelle constitution, mentionne bien dans son article 39 : « Tous supportent, en fonction de leur faculté contributive, les charges publiques que seule la loi peut, dans les formes prévues par la présente Constitution, créer et répartir », alors que l'article 40 mentionne : « Tous supportent solidairement et proportionnellement à leurs moyens, les charges que requiert le développement du pays, et celles résultant des calamités et des catastrophes naturelles ». La pauvre constitution n'est pas à une entorse près depuis juillet 2011. Que vaut-elle devant des pièces d'or sonnantes et trébuchantes ? Pourtant, l'enjeu reste très modeste pour le palais, dont le budget d'investissement s'élève à seulement 131.000.000 dirhams (13 milliards de centimes) en 2013, alors que son budget de fonctionnement pour la même année s'élève à 2,44 milliards de dirhams (244 milliards de centimes) et qui n'est pas concerné par le gel de dépenses décidé par le gouvernement. En conséquence, une réduction de 25 pour cent sur les 131.000.000 de dirhams n'aurait privé le palais que de 32.700.000 dhs. Cette petite miette aurait eu pourtant valeur de symbole de solidarité.