En marges des tribunes, le Forum marocain des alternatives pour le sud (FMAS) à Bouznika, les 11, 12 et 13 mars, fût l'occasion de rencontrer des militants de tous le pays, et même d'ailleurs et de capter leur point de vue sur l'état actuel du mouvement et sur sa suite. La voix du sud : « difficile de se faire entendre » Amine a fait la route depuis Tan Tan : « neuf heures de route ! » Pourquoi tant de motivation ? « Je suis venu parler de notre ville. Personne ne parle de nous, ou alors on nous lie au conflit du Sahara, alors que le 20, on était 3000 à manifester pour les mêmes raisons que les autres. » La leçon tunisienne : « maintenir la pression » Ahmed Galaï, de la Ligue des droits de l'homme tunisienne court de rencontres en rencontres avec des militants marocains pour parler « transition ». « Je ne suis pas venu donner de leçons ou mettre le mouvement marocain sous tutelle» plaisante t-il. Mais tout de même, celui qui a activement participé à la révolution de jasmin à un conseil. Ecoutons le : « on voit bien que le mouvement a été entendu, mais il faut maintenir la pression. En Tunisie, c'est grâce aux jeunes qui sont restés devant la Kasbah jusqu'après le départ de Ben Ali, qui ont continué à manifester alors que beaucoup opéraient un ‘retour à la normale' qu'on a gagné, sinon, on se serait fait avoir. » La branche népalaise : « socialiser les poissons » Dans la cour, un solide gaillard tient son auditoire depuis plus d'une heure, donnant du camarade à qui veut l'entendre, pointant son index sur chacune des dix personnes suspendues à ses lèvres. Même quand une bagarre éclate dans une salle et que tout le monde s'y précipite, Mohammed Boutayeb garde l'attention de son public. Communiste, sans attaches partisanes, il a milité à l'UNEM quand il était étudiant et son engagement radical lui a été dûment facturé ; prison ferme en 2004. Alors que tout le monde s'enchante pour les révolutions tunisiennes et égyptiennes, lui les passe au crible intraitable du matérialisme dialectique : « ce sont des révolutions de la petite bourgeoisie. » Son « regard internationaliste » se porte sur le mouvement maoïste népalais : « je suis leurs activités sur internet. » Et le Maroc dans tout ça ? « Il faut intégrer des revendications concrètes. Pour l'instant, c'est un mouvement de la petite bourgeoisie [décidément…]. Il faut réclamer l'élargissement de l'accès à la scolarité, la gratuité des soins, un toit pour tous…Qu'est ce que vous croyez ? Que le peuple se soucie de monarchie parlementaire, ou de monarchie absolue ? Demandez à ma mère, elle ne fait pas la différence ! Au Maroc, les gens souffrent. Le pays est bordé par deux mers et regardez le prix de la sardine. Le partage de ses richesses, ça c'est une revendication concrète. » A bon entendeur camarade. L'indépendance marrakchie : « Les organisations, y'en a marre » Aïcha K. de Marrakech, étudiante en tourisme est venue avec des amis, sur ses propres deniers « rencontrer d'autres militants du 20, partager des expériences. » Mais elle se dit « déçue par les organisations, qui travaillent selon leur agenda et n'arrêtent pas de se disputer ; ça mine le mouvement. » Selon elle, pas besoin de tout ça, preuve en est « quand on parle entre nous, là tout se passe très bien, on discute de tout calmement. » Elle se dit satisfaite du discours royal, surtout qu'il a suscité un assouplissement de la férule parentale :