Un récent communiqué du Ministère des Affaires Générales a admirablement résumé la position gouvernementale quant au problème de réforme de la caisse de Compensation: le Ministre déclare chercher une voie marocaine pour réformer les transferts de la caisse (après avoir déclaré s'inspirer d'expériences observées dans divers pays) qui est elle-même techniquement prête, mais dont le choix final portant sur différents scenarii n'est pas encore arrêté. Au-delà des manœuvres politiques autour de cette poule aux œufs d'or pour plusieurs agents économiques, c'est le coût final de la réforme qui mérite d'être étudié. En résumant les différentes déclarations que j'ai pu compiler depuis l'année dernière, Mr Boulif présente un argumentaire s'articulant autour de deux points principaux: La crédibilité de l'existence même de la réforme est sujette à débat; après tout, le même ministre promet que le budget alloué pour 2013 ne dépasserait pas les 40 Milliards de dirhams (Janvier 2013) et pourtant, évoque une hausse de 70% de cette projection le mois suivant, comme le note à juste titre le communiqué du MAGG évoqué plus haut: 68 Milliards, c'est tout de même près d'un peu moins de 8% du PIB. On peut raisonnablement supposer que réformer le système actuel au-delà d'une simple levée partielle de subvention entraînera des coûts divers, notamment en termes d'identification des ménages potentiellement éligibles à l'aide. L'un des rapports les plus récents publiés par le FMI fait mention d'un transfert effectif de près de 43% des subventions de la Caisse de Compensation aux 10% des ménages les plus favorisés. Cela signifie que le coût réel des subventions transférées aux ménages en dessous de la médiane (y compris la classe moyenne) serait plutôt aux alentours de 25 Milliards, soit 3% du PIB. Il y a donc 5% du PIB qu'il convient donc d'estimer comme le coût, pour le gouvernement, de la réforme. La notion de coût ici dépasse la simple analyse budgétaire; il ne faut jamais sous-estimer la rationalité des choix publics au Maroc, aussi cyniques ou contraires au bien-être commun puissent-ils être. 5% du PIB, c'est le coût, pêle-mêle, des compensations qu'il faudra offrir aux agents économiques bénéficiant du système actuel. C'est le prix de l'incertitude -pour les détenteurs du pouvoir- générée par un changement trop 'radical' et pourtant nécessaire pour rétablir un semblant de justice sociale. Paradoxalement, les 40 Milliards ne représentent pas le coût de la paix sociale (le coût de la paix sociale est en réalité les 25 Milliards mentionnés plus haut) Il s'agit de l'excédent de coût généré par le manque de transparence dans les décisions politiques conditionnant l'avenir des générations futures du Maroc, le prix à payer pour ne pas casser des œufs pourris, ou en tout cas, sur le point de l'être.