C'est ce dimanche que l'opposition barheïnie doit reprendre les négociations avec la monarchie et les partis sunnites soutenant le gouvernement. Elle exige toutefois des garanties, notamment que les résultats du dialogue national soient soumis à un référendum populaire. Après plusieurs jours d'hésitations, l'opposition barheinie, en majorité chiite, a finalement accepté de participer ce dimanche à une séance de dialogue avec les groupes politiques soutenant le pouvoir et le gouvernement de cet émirat dirigé d'une main de fer par la monarchie sunnite des al-Khalifa. L'opposition répond ainsi à l'appel lancé lundi dernier par le roi de Barheïn, Hamad ben Issa Al-Khalifa. Elle exige toutefois certains éclaircissements sur le calendrier et la durée de ce nouveau round de dialogue national, qui intervient après une première tentative avortée en juillet 2011. Elle demande aussi que les résultats des négociations soient soumis à un référendum populaire. L'opposition bahreïnie réclame depuis plusieurs mois des réformes politiques dont la désignation du chef du gouvernement parmi les membres de la majorité parlementaire. Elle réclame le départ du Premier ministre, cheikh Khalifa ben Salmane Al-Khalifa, oncle du roi, qui est en poste depuis plus de 40 ans. L'opposition est dirigée par les islamistes chiites du Wefaq mais englobe toute les composantes démocrates de ce petit émirat du Golfe. « Bien que la majorité de l'opposition soit chiite, ses cadres et son leadership sont mixtes, à la fois chiites et sunnites, religieux et laïcs », explique à Lakome Abdulnabi Alekry, ancien exilé politique et l'un des principaux dirigeants de l'opposition de gauche laïque. « L'opposition a contré les tentatives de division sectaire en mettant en avant l'identité nationale bahreïnie », affirme-t-il. 80 morts depuis le début des manifestations Des manifestations quotidiennes sont organisées depuis plusieurs jours dans les villages entourant la capitale Manama, où tout mouvement de protestation est désormais interdit par les autorités. Fin janvier des « manifestations non-autorisées » ont ainsi été violemment dispersées à Manama par les forces anti-émeutes bahreïnies. La tension risque d'augmenter dans les jours qui viennent à l'approche du deuxième anniversaire du déclenchement de la,révolte populaire, le 14 février prochain. Comme au Maroc, c'est à l'appel d'un groupe de jeunes sur Facebook que la population est descendue dans la rue le 14 février 2011. « Les partis d'opposition, la société civile, les intellectuels, ont répondu avec enthousiasme vu qu'ils avaient initié ou avaient participé à toutes les formes de protestation précédentes », explique Abdulnabi Alekry. Mais le pouvoir bahrenï a décidé dès le départ de mater la contestation dans la violence : les policiers ont tiré à balles réelles sur les manifestants. Dès le mois suivant, en mars 2011, Hamad ben Issa Al-Khalifa demande l'aide des monarchies voisines du CCG et l'Arabie Saoudite envoie ses tanks à Manama. Les confrontations entre manifestants et forces de sécurité, les attentats-suicide et les bombes artisanales ont fait plus de 80 morts en deux ans selon la Fédération internationale des droits de l'homme. L'intransigeance du régime bahreïni, qui envoie en prison des responsables associatifs et activistes des droits de l'homme, suscite toutefois peu de réactions à l'international, contrairement à la Libye et à la Syrie. Il faut dire que l'émirat « accueille » sur son territoire la 5ème flotte de l'armée américaine et peut compter sur le soutien des monarchies du CCG et des Etats-Unis pour mater une opposition chiite présentée comme un instrument de l'influence iranienne dans la région. La diplomatie marocaine aussi soutient la monarchie bahreïnie. Suite à l'appel lancé lundi par le roi de Bahreïn, le ministère marocain des affaires étrangères a publié un communiqué selon lequel « le Royaume du Maroc se félicite de ces efforts continus et sérieux visant la réalisation de la réconciliation nationale au Bahreïn, sous la conduite clairvoyante du Souverain bahreïni dans le cadre de son projet réformateur intégré. » Le « roi réformateur » sous le feu des critiques La dynastie al-Khalifa règne sur le Bahreïn depuis 1783. Cheikh Hamad ben Issa Al-Khalifa a succédé à son père en 1999, à l'âge de 49 ans, ouvrant une nouvelle page de l'histoire du pays. Dès sa prise de fonction il a initié plusieurs réformes symbolique comme la libération des prisonniers politiques et la suppression en 2001 de l'Etat d'exception, en vigueur depuis 1974. Un dialogue national est initié, qui aboutit à la ratification le 14 février 2001 d'une « Charte d'action nationale » instituant la séparation des pouvoirs et la suprématie de la souveraineté populaire. Mais les démocrates bahreïnis ont vite déchanté. En 2002, l'émir Hamad ben Issa Al-Khalifa se proclame « roi de Bahreïn » et met en place une nouvelle constitution qui lui réserve l'essentiel des prérogatives. Les membres de la famille régnante constituent la moitié du gouvernement, dont les postes-clé de la Primature, de l'Intérieur, de la Justice, etc. Les tensions entre l'opposition et le pouvoir se sont exacerbées au fil des ans, en parallèle à la détérioration de la situation des droits de l'homme et à la réapparition de la torture. Suite à la violente répression des émeutes de février 2011 et sous la pression de ses alliés occidentaux, Hamad ben Issa Al-Khalifa a annoncé en juin de la même année la mise en place d'une commission chargée d'enquêter sur le déroulement des événements. Ses résultats publiés fin 2011 concluent à l'utilisation systématique de la torture et à un usage injustifié de la répression mais rejette la responsabilité de l'escalade de la violence à la fois au gouvernement et à l'opposition. En 2012, les manifestations se sont poursuivies un peu partout dans le pays. La répression aussi, rapporte Human Rights Watch.