Des opposants bahreïnis ont dressé dimanche des tentes place de la Perle à Manama, tentant de transformer ce lieu en un foyer de contestation semblable à ce que fut la place Tahrir au Caire. Certains protestataires ont rebaptisé le lieu "Rond-point des Martyrs", en référence aux quatre manifestants décédés dans la nuit de mercredi à jeudi lors d'affrontements avec les policiers venus déloger les contestataires. Samedi soir, les opposants au régime sont revenus sur les lieux, le prince héritier, Salman bin Hamad al Khalifa, ayant donné l'ordre à la police de prendre la relève de l'armée. Le roi de Bahreïn, Hamad bin Issa Khalifa a engagé un dialogue national samedi, quelques heures après le retrait de l'armée et de la police de la place de la Perle. Dimanche, les manifestants s'organisaient autour de la place, haut-lieu de la contestation contre le régime. Autour des tentes, un centre médical, un petit service d'objets trouvés ainsi que des toilettes ont fait leur apparition. "Nous ne nous assiérons jamais à une table avec des assassins. Non au dialogue!", s'écriait une femme, tandis que des gens distribuaient du pain, des fruits et des jus. De nombreux manifestants veillent à ce que leurs revendications ne soient pas perçues comme une querelle de pouvoir entre sunnites et chiites. "Bahreïn est un pays riche ? Mais où va l'argent ? (...) Nous voulons un parlement avec une vraie autorité. (...) Ce n'est pas un problème de chiite ou pas, nous voulons une monarchie constitutionnelle et il n'y a rien de religieux dans ces revendications", expliquait Fatima Seyadi, âgée de 25 ans, qui se présente comme une sunnite libérale. Dans la capitale, la vie semblait néanmoins avoir repris son rythme quotidien, avec une circulation normale dans les rues et des habitants se rendant dans les magasins. OFFRE DE DIALOGUE L'opposition devait faire connaître dimanche ses exigences au roi de Bahreïn. "Tous les partis politiques du pays méritent d'avoir une place à la table" des discussions, a déclaré le prince héritier sur CNN, précisant avoir été chargé par le roi de présider les discussions et d'établir un lien de confiance entre toutes les parties. Les manifestants seront "formellement" autorisés à rester sur la place de la Perle, a-t-il assuré. Les protestataires, pour la plupart chiites, réclament des réformes politiques et sociales dans le royaume dirigé par la famille sunnite des Khalifa. Ils exigent également la libération des prisonniers politiques, la démission du gouvernement et des discussions sur une nouvelle constitution, a indiqué à Reuters une source de l'opposition. En 1999, le roi a promulgué une constitution autorisant l'élection d'un parlement doté de certains pouvoirs mais la famille royale domine toujours un cabinet dirigé par l'oncle du roi qui gouverne depuis 40 ans. Les musulmans chiites de Bahreïn, qui représentent 70% de la population, s'estiment discriminés en matière d'emploi, de services sociaux, des services publics et de logement. "Les manifestants de la place de la Perle représentent une part importante de notre société et de notre croyance politique", a déclaré le prince héritier sur CNN. "Ce n'est pas l'Egypte, ce n'est pas la Tunisie. Et ce que nous ne voulons pas (...), c'est tomber dans des guerres de milices ou dans le sectarisme." L'Arabie saoudite, qui redoute notamment une propagation du manifestations dans sa minorité chiite, regroupée dans l'est du pays, a appelé les Bahreïnis à "agir avec raison et à accepter les propositions du gouvernement de Bahrëin qui souhaite protéger la stabilité et la sécurité", dans un communiqué officiel diffusé par un média saoudien. Le Premier ministre de Bahreïn, le Cheikh Khalifa bin Salman Al Khalifa, pourrait être provisoirement remplacé par le prince héritier, a indiqué la source proche de l'opposition. (Reuters)